Agrostratégie

LCA se penche sur la place des jeunes dans la gouvernance des coopératives

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« Ce serait formidable que les coopératives deviennent des lieux où les jeunes désengagés trouvent leur place et s’engagent. Il faut saluer le travail de la coopération agricole pour toucher cette jeunesse », indique Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif et de Coop Fr, lors de la table ronde sur l’engagement des jeunes dans les coopératives à l’occasion du congrès des coopératives agricoles à Paris le 18 décembre 2024. Les coopératives disposent d’atouts majeurs pour se réinventer et se différencier, alors même que les grandes entreprises s’approprient depuis plusieurs années les discours d’engagement, selon les intervenants.

LCA se penche sur la place des jeunes dans la gouvernance des coopératives
LCA se penche sur la place des jeunes dans la gouvernance des coopératives

« Des lieux où les jeunes désengagés trouvent leur place », Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif et de Coop Fr

    • « La coopérative reste le lieu de la meilleure compréhension du modèle de société.Dans les coopératives, on se dit démocratiques parce qu’on vote une fois par an, mais on peut aller plus loin. Être démocratique, c’est aussi faire en sorte que la délibération soit permanente. Cela encouragerait davantage de gens à s’impliquer dans nos coopératives, et peut-être à prendre des responsabilités.

    • Ce serait formidable que les coopératives deviennent des lieux où les jeunes désengagés trouvent leur place et s’engagent. Il faut saluer le travail de la coopération agricole pour toucher cette jeunesse. »

    « L’engagement est plus individuel, plus ponctuel, moins durable », Adelaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA Xsight

      • « Quand on interroge les Français, l’engagement renvoie d’abord à des éléments de nature individuelle. Ils s’engagent de moins en moins en politique. L’engagement doit être personnel, leur parler directement. Il devient aussi plus ponctuel, moins durable. Quand on leur demande ce que signifie pour eux l’engagement, seulement 3 % pensent spontanément à l’engagement politique. Nous observons des transformations profondes dans la façon dont les Français s’engagent aujourd’hui : c’est plus individuel, moins collectif.

      • Les jeunes ne s’engagent pas sur des sujets aussi universels que leurs aînés. Ils privilégient des engagements plus courts, souvent via les réseaux sociaux. Pour les modèles coopératifs, cela signifie qu’il faut intégrer cette transformation de l’engagement pour en tirer parti. Cela amène aussi un questionnement sur l’effort et la durée de l’engagement. Il faudrait aussi s’adapter à leurs modes de communication pour mieux les attirer.

      • Les jeunes ont un rapport ambivalent au vote : l’abstention est plus marquée chez eux. Cela reflète une quête de sens, quelque chose d’essentiel pour eux, qui pourrait les reconnecter à l’engagement.

      • Une coopérative est avant tout un modèle d’entreprise d’une modernité étonnante, vu les enjeux économiques, sociaux et environnementaux actuels. L’ancrage territorial résonne profondément avec les aspirations de notre époque.

      • Nous avons mené une étude avec la Fondation Jean Jaurès, diffusée début décembre, intitulée Agir pour la société : recréer du commun dans une société en tension. Deux éléments en sont ressortis : d’abord, une grande fatigue, liée en partie à un modèle de société saturé par le numérique. Ce modèle « orienté client » génère une forme de société de l’absence, où les interactions humaines s’effacent : caisses automatiques, déserts médicaux, etc. En parallèle, nous avons observé une forte aspiration à la proximité et à la solidarité. Les Français souhaitent recréer du lien, en réponse à cette société déshumanisée.

      • Le modèle coopératif, tel qu’il est défini sur le site de la coopération agricole, est pleinement capable de répondre à ces enjeux.

      • Il faut communiquer davantage sur sa pertinence et sa modernité. C’est un modèle qui peut recréer du lien et répondre aux aspirations locales, à condition d’en montrer tout le potentiel.»

      « Le besoin d’ancrage territorial correspond au modèle de la coopération agricole », Raphaël Llorca, essayiste, co-directeur de l’observatoire des marques Fondation Jean Jaurès

        • « Toutes les entreprises se sont mises à revendiquer la dimension de l’engagement. Les grandes entreprises se sont approprié les discours d’engagement qui étaient, pendant très longtemps, le propre des coopératives. Elles portent désormais des messages sur la planète, le lien social, ou une meilleure répartition du pouvoir et des richesses.

        • Les campagnes des grandes enseignes, comme BNP, AXA ou Carrefour, reprennent avec 15 ans de retard les discours qui étaient ceux des acteurs coopératifs. Mais comment les coopératives peuvent-elles encore se différencier dans un monde où tout le monde utilise les mêmes mots ?

        • Nous sommes collectivement enfermés dans des représentations biaisées de la jeunesse. Nous imaginons les jeunes comme des diplômés de niveau Bac+5, et tout est pensé pour eux. Cette vision est restrictive et exclut une grande partie des jeunes.

        • Les coopératives pourraient se démarquer en attirant ces jeunes qu’on ne voit pas, ceux à qui personne ne s’adresse. C’est peut-être là leur rôle : transformer des jeunes désengagés en jeunes engagés.

        • Quand on interroge les jeunes sur le type d’entreprise où ils aimeraient travailler ou s’investir, on est très loin du modèle des grandes entreprises du CAC 40. À peine 10 % des jeunes s’y projettent. Ils veulent travailler dans des entreprises locales, ancrées dans les territoires.

        • Ce besoin d’ancrage territorial correspond totalement au modèle de la coopération agricole. C’est un levier à exploiter. Les jeunes veulent du sens, et ils voient les territoires comme des lieux où inventer des solutions aux tensions et difficultés actuelles.

        • L’engagement coûte cher en entreprise. Mais, paradoxalement, les coopératives, grâce à leur capacité à intégrer des points de vue divergents et à impliquer différentes parties prenantes, pourraient être parmi les rares à porter encore un discours authentique sur l’engagement. »