« Mettre en avant les aspects vertueux de l’agriculture régénératrice », Philippe Vincent, Soufflet
Le | Débouchés & filières
Soufflet Agriculture a signé le 8 juillet 2024 un accord avec Lesieur et Saipol pour la commercialisation de colza et tournesol cultivés en agriculture régénératrice. Dès la récolte 2024, ce partenariat contribuera à alimenter une partie des besoins en graines de la marque Lesieur, ainsi qu’une partie des besoins de Saipol pour la production de biocarburants bas carbone. Philippe Vincent, directeur Filières chez Soufflet, répond à nos questions.
Pourquoi avoir crée ce partenariat pour la commercialisation de colza et tournesol issus de l’agriculture régénératrice ?
Philippe Vincent : Chez Soufflet Agriculture, nous avons la compétence d’accompagner les agriculteurs dans leurs différents modèles d’agriculture. Nous accompagnons des conventionnels, des bio et des agriculteurs qui ont fait le choix de se lancer dans les systèmes d’agriculture régénératrice. J’ai tendance à dire que c’est une véritable conversion d’un système d’exploitation : d’un système conventionnel, l’agriculteur se tourne progressivement vers du semi-direct, donc ne travaille plus son sol, met en place des couverts d’intercultures généralisées, d’intercultures courtes aussi, des couverts permanents, allonge ses rotations. Il prend un vrai risque agronomique.
Ce n’est pas une démarche à l’échelle de la parcelle mais une démarche à l’échelle de l’exploitation. L’agriculteur décide de changer de système d’exploitation pour améliorer la vie des sols, pour retrouver une certaine résilience. Il prend un risque les premières années, c’est une vraie transition. Il a plutôt tendance à avoir des rendements qui baissent, donc nous les accompagnons avec des conseils techniques, mais aussi sur quelques filières, comme le colza, nous essayons de leur apporter une valeur au travers d’une prime filière.
Nous cherchons à accompagner ces agriculteurs en développant des filières de valorisation, en mettant en avant les aspects vertueux de ces systèmes de production, en valorisant des blés, des orges, des colzas issus de ces systèmes d’exploitation. Le contrat fait avec Avril a pour objectif d’apporter de la valeur à ces agriculteurs. Côté Avril, l’idée est d’apporter une valeur supplémentaire sur leur production d’huile alimentaire, en mettant en avant ces systèmes vertueux et donc d’aller chercher de la valeur sur l’aspect alimentaire, d’une part, ou si le marché se développait un peu moins bien, de garder une valeur aussi sur les marchés biocarburants.
Combien de vos clients appliquent les principes de l’agriculture régénératrice ?
Philippe Vincent : Nous avons des clients dans ce système, d’autres sont en cours de transition, ce n’est pas forcément évident à les quantifier. Tous les ans, nous avons une plateforme dédiée à l’agriculture régénératrice, à l’agriculture de conservation des sols, à laquelle assiste entre 200 et 250 agriculteurs. En France, entre 3 à 5 % des agriculteurs ont fait une transition complète vers ce système. C’est relativement faible. Après, beaucoup d’agriculteurs s’interrogent et sont en phase de transition. L’idée est aussi de pouvoir les accompagner ou de leur apporter une valorisation.
Si je caricature un peu, dans les régions qui vont bien, avec des sols profonds, des cultures industrie, des rendements encore bons, il n’y a pas forcément d’intérêt de la part des agriculteurs. Par contre, dans les régions dites « intermédiaires », où les agriculteurs sont sur des rotations de culture un peu plus simples (colza-blé-orge, avec un peu de maïs, un peu de tournesol), qui vivent de plein fouet le changement climatique, eux s’interrogent pas mal sur ce type d’agriculture. En année sèche, c’est un système plus résilient en termes de maintien de la fraîcheur, de l’eau. C’est aussi un certain saut dans l’inconnu. Autant au conventionnel, tous les techniciens sont formés, les agriculteurs peuvent discuter les uns avec les autres, autant sur ces pratiques, il faut être bon techniquement et ne pas hésiter à se remettre en question.
Nous avons des programmes de formation pour ces agriculteurs. Nous avons commencé par former nos techniciens, agronomes et commerciaux, puis nous proposons à des groupes d’agriculteurs de se former, à raison de cinq jours par an. Ensuite, nous les suivons le reste de l’année.
Quels sont les objectifs de ce partenariat en termes de clients et de volumes ? D’autres partenariats de la sorte pourraient-ils bientôt voir le jour ?
Philippe Vincent : Pour le moment, nous sommes sur un ordre de plusieurs dizaines d’agriculteurs concernés, avec pour objectif de monter à plusieurs centaines.
L’avantage du colza et du tournesol est qu’on les retrouve dans tous les assolements. 90 % de nos clients livreurs de blé livrent aussi du colza ou du tournesol. Dans les régions de l’est de la France, on est plutôt sur du colza, dans les régions de la façade atlantique, on sera plutôt sur du tournesol. Dans le centre de la France, on a les deux.
L’idée est d’apporter la possibilité aux agriculteurs de valoriser d’autres cultures. Jusqu’à présent, on valorisait des blés. Là, c’est la première fois qu’on arrive à valoriser des colzas. Donc ça permet d’avoir une approche un peu à l’échelle de la rotation de l’exploitation. Demain, l’idée serait d’avoir aussi d’autres graines : des orges, du maïs. Nous y travaillons, mais c’est assez long.