Agrotendances

« La proportion de biosolutions venant de partenariats sera plus importante », J.-P. Souchal, Bayer

Le | Protection des cultures

Bayer France et Elicit Plant ont annoncé le 22 juillet 2024 un accord de partenariat pour la distribution des biostimulants dédiés au maïs Best-a et EliZea. Jean-Paul Souchal, business development manager biosolutions de la division CropScience de Bayer France, explique à Référence agro, les ambitions de la société dans les biosolutions ;

Jean-Paul Souchal, responsable biosolutions chez Bayer. - © D.R.
Jean-Paul Souchal, responsable biosolutions chez Bayer. - © D.R.

Pourquoi Bayer France a-t-il choisi de s’allier avec la société Elicit Plant pour la commercialisation de deux biostimulants maïs ?

Jean-Paul Souchal : La contractualisation que nous venons de signer avec Elicit Plant s’inscrit parfaitement dans notre stratégie globale sur les biosolutions, réorientée il y a maintenant deux ans après la prise de conscience que, dans le contexte du besoin et du foisonnement de nouvelles technologies en matière de mise au point de biosolutions, nous n’étions pas en mesure de mener seuls ces travaux de recherche, de développement, d’homologation. Il a donc été mis en place une stratégie de partenariat qu’on appelle « open innovation » : l’idée est de créer des partenariats pour développer des projets d’intérêts technique et économique pour résoudre des problématiques auxquelles les agriculteurs font face. Nous avons deux grands groupes de cultures pour la recherche et de développement de biosolutions : le maraîchage et les vignes, ainsi que les grandes cultures.

Dans ce cadre, nous avons trois niveaux de collaboration :

    • un premier niveau est de distribuer, pour des sociétés partenaires, des produits homologués pour lesquels Bayer représente un réseau de commercialisation en France, en Europe ou dans le monde. L’accord que nous avons conclu avec Elicit Plant s’intègre clairement dans ce niveau, partant du constat que la problématique de gestion de l’eau par les agriculteurs vis-à-vis de la société civile, et la création de combinaisons avec des caractéristiques variétales, présentait un intérêt. En général, ce type de partenariat cible un produit, pour résoudre une problématique particulière et pour lequel à la fois Bayer et le partenaire trouvent des intérêts communs ;

    • un deuxième niveau de partenariat est un partenariat intermédiaire au cours duquel une société, une start-up, un centre de recherche, éventuellement un concurrent, peut avoir besoin de collaboration pour développer, mettre au point en matière de formulation, d’industrialisation, d’homologation des produits pour lesquels ils cherchent aussi un partenaire, puisque Bayer se positionne en tant que distributeur au niveau mondial. Dans ce cadre, des collaborations commencent quatre ou cinq ans avant l’homologation pour codévelopper différentes solutions. La collaboration et les domaines d’apport de chacune des deux parties varient en fonction des capacités, des ressources de chacune ;

    • un troisième partenariat est encore plus en amont : avec le partenaire, le centre de recherche, la start-up, nous définissons d’emblée un cahier des charges, nous partons pratiquement d’une feuille blanche, avec une problématique à résoudre et on construit la solution avec le partenaire. Globalement, ce partenariat intervient sept à dix ans avant une potentielle mise en marché. Cela concerne principalement les produits de biocontrôle, mais cela peut aussi être de la biostimulation. Des exemples de ce genre de collaboration sont les accords que Bayer a conclus avec la société Ginkgo aux États-Unis, ou la société Kimitec en Espagne.

    Côté Elicit Plant, l’intérêt est aussi d’avoir accès à un acteur important sur le marché de maïs. Nous construirons des offres qui combinent le produit Best-A avec les caractéristiques variétales de nos semences. Nous avons une gamme, DK Optim’eau, qui comporte des variétés plus tolérantes au stress hydrique par rapport aux variétés classiques. Nous avons des outils digitaux, comme Fieldview, qui permettent d’avoir une cartographie d’une parcelle en matière de biomasse, de zones de sensibilité à la sécheresse ou à un stress hydrique. En combinant tout cela, l’idée est de construire des itinéraires techniques sécurisés par rapport à la problématique eau sur le maïs. Naturellement, les produits Best-a et ElyZea complètent cette gamme au service du maïs durable.

    Combien de partenariats comptez-vous actuellement et comment évaluez-vous l’efficacité des produits qui en sont issus ?

    Aujourd’hui, nous avons entre cinq et dix partenariats conclus au niveau mondial et nous continuons, chaque année, dans ce cadre de cette open innovation à évaluer des solutions que souhaitent nous confier des sociétés partenaires.

    L’un des enjeux pour Bayer est de disposer des solutions techniquement et économiquement fiables. Un autre enjeu est d’améliorer la performance puisque, souvent, ce qui est fait comme reproche aux biosolutions est d’avoir des niveaux d’efficacité et de régularité moindres par rapport aux produits chimiques. Nous avons des produits issus soit des sociétés acquises il y a quelques années, soit de la recherche propre à Bayer. Mais clairement, à terme, la proportion de solutions venant de partenariats sera beaucoup plus importante. L’objectif mondial de Bayer est d’atteindre au moins 10 % de notre chiffre d’affaires dans les cinq prochaines années dans ce domaine des biosolutions.

    Il y a deux niveaux d’évaluation. Un premier se déroule dans nos centres de recherche en Allemagne ou aux États-Unis où nous comparons, en situation contrôlée, sous serre et en laboratoire, le comportement d’un produit avec d’autres produits qui nous sont confiés. En fonction des résultats, ils passent à l’étape suivante : des essais au champ dans les différents pays d’Europe et du monde pour valider le comportement en conditions réelles puisqu’il y a souvent des différences importantes entre ce qu’on peut observer en conditions contrôlées de lumière, de température, d’hygrométrie et les conditions au champ en termes de régularité. C’est le processus classique d’homologation d’un produit, même chimique, en matière d’évaluation.

    Quels sont les moyens humains et matériels alloués par Bayer pour la recherche et le développement de nouvelles biosolutions ?

    En matière de promotion, d’accompagnement, l’ensemble des équipes Bayer en charge de la phytoprotection ou des semences intègre les biosolutions dans les itinéraires culturaux normaux, au même titre que les OAD, de façon à avoir une approche transverse et agronomique élargie. Il y a deux ans, nous avons fait un investissement de 6 M€ pour mettre en place une ligne de conditionnement des biosolutions liquides à Marle (Aisne). Cela concerne toutes les formulations de biosolutions, biocontrôles et biosimulations liquides, pour l’Europe. Il y a des lignes de conditionnement spécifiquement dédiées à ces produits.

    Les circuits pour tester l’efficacité de ces nouveaux produits sont conduits par Bayer, soit dans le cadre d’une homologation, soit d’une mise en marché intégrée dans des itinéraires culturaux, avec des produits chimiques conventionnels. Nous confions aussi les produits à des distributeurs (coopératives ou négociants) ou des instituts techniques, qui les évaluent.

    L’idée est de développer le combinatoire parce qu’il est peu probable qu’on puisse remplacer un produit chimique par un produit de biocontrôle stricto sensu. Cela peut arriver, mais c’est quand même relativement rare. Il faut donc combiner avec l’approche variétale puisqu’il y a un certain nombre de caractéristiques : par exemple, DK Optim’eau par rapport à la moindre sensibilité au stress hydrique, mais aussi des variétés qui présenteront des caractéristiques de moindre sensibilité aux maladies qui, combinées avec des produits de biocontrôle, peuvent avoir un comportement satisfaisant pour l’agriculteur.

    Quelle est actuellement l’étendue de votre gamme de biosolutions ? Comment s’insèrent les produits d’Elicit Plant dans cette gamme ?

    Nous avons aujourd’hui une petite dizaine de produits, essentiellement des produits de biocontrôle. Nous avons un produit reconnu dans le marché, le Rhapsody, contre les maladies sur différentes cultures : arboriculture, vignes, colza, pommes de terre. Nous avons des produits lancés l’année dernière, Vynyty Press, qui sont des systèmes de gel appliqués sur les arbres ou les supports sous serre et qui sont des phéromones permettant de perturber les données olfactives des mâles de papillons, par exemple les tordeuses, les carpocapses. Ce partenariat a été conclu avec M2i au niveau européen. Il a la principale caractéristique d’éviter les pollutions plastiques ou visuelles dans les serres ou dans les champs puisque c’est un système de gel appliqué par un système d’applicateur, qui fait à peu près la taille d’une pièce de 2 €. Le produit est appliqué, diffuse pendant la saison et se dégrade progressivement, ce qui fait qu’à la fin, il n’y a plus de déchets plastiques comme cela pourrait être le cas si certains diffuseurs ne sont pas déposés en fin de saison.

    Nous avons aussi trois ou quatre produits, les Decis Trap, qui sont des systèmes qu’on appelle des attract and kill. Ce sont des boîtes qui diffusent des substances attractives spécifiques d’un certain nombre d’insectes. L’insecte rentre dans la boîte et, pour le moment, il y a encore un insecticide chimique, de la deltaméthrine. L’insecte vient dans la boîte, rentre en contact avec l’insecticide. Ce produit est efficace sur la mouche méditerranéenne, la mouche du brou, différents parasites. Ces produits peuvent se destiner à plusieurs types de cultures à partir du moment où le ravageur est présent sur la culture en question.

    En matière de biostimulation, Best-a sera le premier produit que nous mettrons en marché au 1er octobre 2024. Nous aurons un deuxième biostimulant, plus pour les aspects qualité, production, coloration des fruits, qui sera commercialisé en fin d’année 2024-début 2025. C’est un produit développé depuis plusieurs années en Asie et en Amérique du Sud et que nous amenons en Europe. Nous avons commencé l’année dernière en Italie puis prochainement en France.

    D’autres partenariats tels que celui signé avec Elicit Plant sont-ils à prévoir, ainsi que des biosolutions directement issues de la recherche Bayer ?

    Nous avons des contrats déjà annoncés comme ceux avec Ginkgo Bioworks, Kimitec, M2i, Alpha Biocontrol, ou encore ou encore MustGrow.

    Nous verrons encore arriver des produits de la recherche 100 % Bayer. Nous avons notamment un biostimulant qui arrivera sur maïs d’ici deux ou trois ans, issu de la recherche Bayer. Nous avons une déclinaison de notre produit Rhapsody, qui est un Bacillus amyloliquefaciens, pour des applications au sol sur pommes de terre ou un traitement de semences.

    Nous aurons aussi un répulsif oiseau puisque les problématiques de corbeau, voire de faisan, pigeon sont de plus en plus importantes en France mais aussi en Europe. C’est un produit qui vient d’être homologué par dérogation dans certains pays et nous attendons une homologation pour 2026 en France. Il sera applicable sur les semences et détournera, par exemple, les corbeaux des champs de maïs.