Agrotendances

Accord avec Bayer : « Un schéma gagnant-gagnant », J.-F. Déchant, Elicit Plant

Le | Protection des cultures

Jean-François Déchant, fondateur d’Elicit Plant, revient sur l’accord signé avec Bayer pour la distribution des biostimulants dédiés au maïs Best-a et EliZea. À compter du 1er octobre 2024, Bayer deviendra le distributeur exclusif en France des deux produits d’Elicit Plant.

Jean-François Déchant, CEO d’Elicit Plant - © D.R.
Jean-François Déchant, CEO d’Elicit Plant - © D.R.

Pourquoi s’allier à Bayer pour la distribution de vos deux biostimulants maïs ?

J.-F. Déchant : En France, nous avons à peu près 70 clients, de grandes coopératives comme Axéréal, Dijon Céréales, Maïsadour, Océalia, qui utilisent depuis plusieurs saisons nos produits, validant la performance de nos produits et notre modèle économique. Mais l’ensemble de nos clients, qui sont principalement ces distributeurs coopératifs, ne représentent que 30 % à 40 % du marché. Si nous voulons aller chercher 100 % du marché, soit il faut mettre plus de moyens, soit il faut des partenariats avec des acteurs ayant plus de force que nous sur le terrain, et plus de capacité à toucher les agriculteurs parce qu’à la fin, ce sont eux qu’il faut convaincre. Nous avons donc fait le choix de confier la distribution d’un produit validé à un acteur majeur déjà en place. Nous dépensons moins d’énergie, et eux vont être plus performants que nous pour aller chercher les parts de marché que nous n’avons pas aujourd’hui. D’autant que la France ne pèse que 2 à 3 % du marché mondial du maïs : il faudrait multiplier nos efforts marketing et commerciaux par 50 rien que sur ce marché.

Bayer est l’un des deux leaders sur le maïs en France. Ils vendent des semences, des herbicides, des insecticides, sont très bien positionnés sur la culture du maïs et développent une stratégie de résilience dans laquelle notre produit s’inscrit parfaitement. Cet accord leur permet d’ajouter un produit dans leur portefeuille aligné avec leur stratégie et nous, de travailler avec un leader en France sur cette culture. Quand bien même nous sommes une start-up, nous sommes capables d’attirer les grands de l’agrochimie là où ils sont les meilleurs. Pour nous, c’est excellent car nous serions absolument incapables de suivre avec nos propres moyens. Bayer, c’est 150 personnes sur le terrain pour vendre des produits sur le maïs, rien qu’en France.

Nous avons déjà fait un accord similaire en Pologne avec Certis Belchim sur le même produit (Best-a) et nous avons des discussions avancées avec des partenaires au Brésil, en Amérique du Nord, dans le bassin de la mer Noire. Nous prévoyons d’autres accords sur d’autres territoires pour accélérer notre croissance.

Quel intérêt y trouvent ces grandes firmes ?

J.-F. Déchant : Quand vous regardez la stratégie et les annonces de tous ces players, ils vous disent tous la même chose : à l’horizon 2030-2035, ils comptent faire 25 % à 50 % de leurs ventes avec des produits de type biosolutions alors qu’aujourd’hui, ils sont proches de zéro et n’ont pas ces produits dans leur portefeuille. Pourquoi ? Parce que ce sont de nouveaux types de développement de produits, ce sont des cycles de R&D qui n’ont rien à voir avec la chimie synthétique. Ce sont également des développements au long cours : entre le moment où vous commencez à vous y intéresser et le moment où vous sortez un produit, il ne faut pas loin de 10 ans. Nous avons un apport significatif en valeur ajoutée pour ces sociétés et ils nous apportent significativement également un accès au marché. C’est un schéma gagnant-gagnant. Et ils sont dans une stratégie réelle, sincère et déterminée.

L’autre point est l'impact du changement climatique sur l’agriculture et particulièrement sur les grandes cultures. Le changement climatique n’a pas commencé hier mais la perception qu’il y a un gros problème est assez récente. Quand vous demandez aux agriculteurs depuis quand la situation a changé, ils répondent tous, partout dans le monde, grosso modo il y a 5 ans. Il y a eu, depuis 2018, une succession de saisons durant lesquelles on a vraiment vu le dérèglement climatique. Deux choses sont assez significatives :

    • l'augmentation des températures, maintenant systématique. Par exemple, en Europe continentale, la température moyenne en été depuis 6 ans, est de +2°C par rapport à il y a 40 ans. Sur du maïs, une telle variation signifie une transpiration de la plante supplémentaire de l’ordre de +30 à +50 %,

    • les phénomènes extrêmes de sécheresse et de précipitations, où l’eau a tendance à tomber de façon beaucoup plus importante, et les périodes de sécheresse ont tendance à être plus longues et plus extrêmes.

    Une étude de Bayer datant de 2023 conclut que la première problématique de l’agriculteur dans le monde est le water scarcity, c’est-à-dire le manque d’eau pendant la culture. Le deuxième problème est l'augmentation des températures pendant la saison de culture. Notre produit s’adresse à cela. Ce n’est pas un produit dédié à la sécheresse mais un produit dédié à l’ajustement de la plante par rapport aux impacts du changement climatique, qui sont l’augmentation des températures et l’espacement des précipitations, particulièrement l’été. Il ne tombe pas moins d’eau, c’est juste qu’elle tombe de façon plus forte et que les périodes sans eau sont plus longues. Notre technologie permet de faire des tampons dans ces périodes parce que la plante va moins consommer d’eau, elle va faire des racines plus profondes, donc elle supportera mieux les phases où il n’y aura pas d’eau et où il fera plus chaud.

    Vos produits assurent-ils aux agriculteurs un certain niveau de rendement sur leurs cultures ?

    J.-F. Déchant : Dans les grandes cultures, il y a des variations significatives d’une année à l’autre. Par exemple, cette année, il y a une très forte diminution du rendement du blé. En France, pour du maïs, on peut avoir 10 t/ha une année, et l’année d’après, 12,5 t/ha, si les conditions sont meilleures. Nous arrivons toujours à augmenter le rendement de façon significative mais d’une année sur l’autre, c’est plus ou moins compliqué. L’année où ça fait 10 tonnes, peut-être qu’on fera 10,5-11,5 tonnes, et puis l’année où ça fait 12,5 tonnes, on fera 13 ou 14 tonnes. C’est un gain relatif par rapport aux conditions climatiques de chaque année.

    Nous menons des essais sur le produit maïs depuis cinq ans. Nous avons plus de 500 essais menés partout dans le monde, dans des conditions de pulvérisation de notre produit, parce que c’est un produit assez technique. Je dirais qu’on arrive à des rendements proches d'une tonne en plus par hectare. Cela représente un ROI pour l’agriculteur supérieur à trois fois son investissement initial, parfois à cinq fois plus, et même plus. Certaines années, des agriculteurs français ont fait 100 % de leurs bénéfices grâce à notre produit, alors qu’ils ne font pas que du maïs. Il y a deux ans, il avait fait très sec et, dans certains cas, des agriculteurs qui ont fait +2 tonnes avec nous. Quand vous avez des grandes surfaces, cela fait des gains économiques très importants.

    Quelle est votre stratégie de développement à l’international ?

    J.-F. Déchant : Elle est basée sur des cultures puisqu’on a une culture, un produit et on voit ensuite ou l’on va en fonction de l’évolution climatique. Par exemple, nous ciblons le Brésil car le soja et le maïs y sont des cultures très présentes, comme le maïs et le tournesol en Ukraine, en Roumanie ou en Pologne, et tous ces pays sont assez fortement impactés par le changements climatique. C’est notre façon de décider notre go-to-market. Faire des partenariats avec des firmes comme Bayer ou autres nous permet d’aller sur d’autres pays : en Chine, en Inde… Nous sommes à l’étude de ces opportunités.

    Nous souhaitons développer une stratégie que je qualifierais de durable, avec des accords long terme. Il faut donc s’assurer que cela fonctionne des deux côtés, qu’il y a un engagement réel et sérieux. Cela prend un peu de temps, mais cela nous intéresse d’accéder à de nouveaux produits. Il y a même des acteurs qui nous ont proposé de développer conjointement de nouveaux produits, pour des cultures dont nous n’avions pas trop le temps de nous en occuper. Certains projets pourraient rapidement se concrétiser. On espère avoir des premiers accords d’ici la fin de l’année.

    En plus du Best-a, nous avons un produit tournesol sorti en fin d’année 2023, EliSun, et un produit céréales orge/blé, EliGrain. Ce sont nos trois produits en Europe sur lesquels on a des autorisations qu’on va pousser. Au Brésil, on est en train de sortir un nouveau produit sur le soja qui s’appelle EliZon, un produit dédié pour le marché brésilien, soit 40M d’ha, sur lesquels on a des perspectives très intéressantes. Il y a d’autres choses qui sont dans les cartons, mais dans des phases plus « amont ». On cible une dizaine de produits à horizon 4-5 ans.