Agrotendances

Décarbonation : « Les leviers existent, mais qui va payer ? », Christoph Büren, pdt de Vivescia

Le | Stockage de carbone

Intercéréales et Terres Univia ont présenté leur stratégie bas carbone pour les filières grandes cultures, le 26 novembre 2024. Christoph Büren, élu référent décarbonation à Intercéréales et président du groupe Vivescia revient pour Référence agro, sur la feuille de route de décarbonation portée par les interprofessions.

Christophe Büren, président de Vivescia.  - © D.R.
Christophe Büren, président de Vivescia. - © D.R.

Vous présentez votre feuille de route de décarbonation avec des objectifs à horizon 2030. Quelle est l’étape suivante de cette stratégie bas carbone ?

L’étape d’après est le chiffrage de toutes ces mesures. Les leviers pour décarboner existent, nous les avons identifiés. Ils nous permettront d’atteindre les objectifs de -20 % et -24 % d’émissions GES. Maintenant, combien coûte chacune des mesures que nous avons choisies ? Et qui va payer ? Ce chiffrage va être important, car l’industriel, et donc le client final, vont à un moment devoir payer. J’ai donné les chiffres : c’est 10 % par rapport à un prix normal, cela reste acceptable. Dans une baguette, vous avez 5 % du prix du blé, donc il s’agit de 10 % de 5 %. Même calcul pour une canette de bière. Il ne s’agit même pas de centime, c’est moins d’un centime pour le consommateur. Au global, cela va représenter des millions.

Nous avons donc besoin d’un chiffrage macro. Après, les négociations se feront entre les acteurs. Il peut y avoir une forme de coordination au niveau de l’interprofession pour aider les acteurs à se parler, mais pas sur tout. Parce qu’entre les filières des huiles, entre les brasseurs, les amidonniers, etc, ce n’est pas la même chose. Des solutions sont possibles, comme par exemple les coalitions de clients qui auront un point de passage via les coopératives, et qui achèteront l’ensemble de la production. C’est une des solutions pour optimiser les efforts des agriculteurs, car tout cela leur coûte de l’argent. La question est de savoir comment faire pour les aider. Sinon, ils ne le feront pas.

Quels sont les leviers les plus urgents à actionner pour l’amont et l’aval ?

Pour l’aval, c’est l’énergie en général. Il s’agit de changer de source d’énergie, et de passer du gaz ou du pétrole à des sources électriques, de biogaz, à l’hydrogène vert, ou à la biomasse.

Pour l’amont, il y a trois leviers principaux : le changement d’assolement, le changement de type d’azote et le développement de cultures intermédiaires pour produire de la biomasse. L’ensemble va permettre de réduire les émissions.

Quels sont les freins aujourd’hui à la décarbonation des filières grandes cultures ?

L’argent. Techniquement on peut faire des choses, mais sans financement c’est impossible. Les solutions existent pour atteindre nos objectifs, mais si vous voulez changer de type d’azote, cela coûte. Mais qui va payer ? Aujourd’hui, les systèmes sont optimisés économiquement. Si on demande aux agriculteurs de changer leur façon de faire, cela va coûter plus cher. Il faut que quelqu’un paie.

Nous avons besoin d’un accompagnement : de l’État, de financeurs privés et des entreprises qui doivent, quelque part, répercuter sur leurs clients. Les industriels de la filière ont des obligations de décarbonation, donc ils doivent s’intéresser à leurs émissions directes, mais aussi indirectes. Ils seront dans l’obligation de discuter avec les producteurs, et c’est là que nous arrivons aux flux tirés avec des volumes engagés, tracés et contractualisés, pour lesquels ils accepteront d’acheter un premium parce que ces volumes seront décarbonés.