« La cible, ce sont des acteurs plus territoriaux », Dominique Moreau-Ferellec, Carbioz
Le | Stockage de carbone
Offre de service lancée par le Crédit Agricole et France Carbone Agri le 12 mars 2024, Carbioz est le principal mandataire de projets agricoles bas carbone dans l’Hexagone. Dominique Moreau-Ferellec, son directeur, fait le point sur les premiers mois de développement de la plateforme.
Où en êtes-vous dans le développement de votre plateforme Carbioz, lancée en mars ? Comment s’est déroulée votre communication autour du concept de « crédits carbone volontaires » ?
Nous sommes dans une phase de notoriété pour vulgariser, populariser le concept de contribution carbone volontaire, qui dépend de beaucoup d’interlocuteurs, avec beaucoup d’idées fausses qu’il faut écarter, à commencer par la confusion entre les certificats carbone label Bas Carbone (LBC) et les crédits carbone en général, qui n’ont pas bonne presse, souvent pour de bonnes raisons. Il y a une phase, assez longue, pour lever les objections. Vous pouvez avoir une plateforme, aussi belle et riche de fonctionnalité soit-elle, il faut réussir à créer de la curiosité, du trafic. Pour cela, la vraie valeur ajoutée de notre mode de fonctionnement est la présence d’interlocuteurs chargés d’affaires entreprise, chargés d’affaires collectivités territoriales et, maintenant, des conseillers transition dans les caisses régionales. À l’occasion d’un entretien avec un chef d’entreprise, pour évoquer ses besoins d’investissement futur, nous pouvons lui proposer une étape supplémentaire, la contribution carbone, avec un outil de paiement et de pédagogie, notre plateforme.
La phase suivante consiste à le mettre en relation avec l’expert. Je dirige une petite équipe d’experts (cinq personnes, trois issues du Crédit Agricole, deux de France Carbone Agri) capables d’expliquer et de répondre à des questions de compréhension. L’entreprise peut ensuite, seule ou avec notre aide, choisir les projets qu’elle veut financer. Une fois leur projet choisi, cela va générer un contrat qu’ils vont pouvoir signer en ligne, et qui sera archivé avec un archivage probant car il faut une traçabilité de l’ensemble des activités de contribution, notamment pour s’assurer de l’unicité du certificat carbone. Elle aura un espace dédié de gestion dans lequel elle pourra suivre l’évolution du projet et des différentes générations de certificats carbone achetés.
Sur un projet de cinq ans, selon le mandataire, le calendrier de paiement est différent. Les projets que nous avons aujourd’hui se règlent à 50 % au moment de la signature, 25 % au premier audit indépendant (au bout de 2 ans et demi-trois ans) et le solde à la livraison. Nous nous retrouvons avec un projet comportant trois échéances. Si nous avons plusieurs mandataires et plusieurs générations de contrats, nous nous retrouvons avec une gestion financière un peu compliquée, pour savoir quand planifier les échéances. La dernière fonctionnalité que nous avons développée concernent des outils de reporting à des fins de communication corporelle, de communication interne, etc. pour, là aussi, simplifier vie des contributeurs et une restitution au format du reporting réglementaire CSRD pour qu’ils puissent directement injecter la photographie de leur activité en matière de contribution, dans le cadre de leur déclaration extra-financière.
Les projets proposés sur votre plateforme sont-ils uniquement de nature agricole ? Quelle est la part des projets agricoles présents sur Carbioz ?
Aujourd’hui, nous avons tous les projets dont France Carbone Agri est le mandataire. Sachant que France Carbone Agri est le mandataire de 75 % des projets agricoles, nous pouvons donc dire que nous avons 75 % des projets LBC d’origine agricole sur la plateforme. Dès le début, nous avons convenu que le choix des services apportés aux contributeurs potentiels devait être plus large. Nous allons donc élargir à des certificats pas forcément agricoles, ou du moins qui sont issus d’autres méthodes agricoles (haies, forêts, etc.), toujours porteurs du LBC. Aujourd’hui, il est le seul label de confiance et qui ne concerne que des produits français.
Cela simplifie la vie des mandataires, qui n’ont pas forcément ni le réseau ni le temps de trouver des contributeurs potentiels. La plupart sont des structures relativement petites. Nous les soulageons de la prospection commerciale, même s’ils ont le droit de vendre en direct. Avec l’outil, nous pouvons piloter cela et leur donner de la visibilité d’une part, et leur faire gagner du temps d’autre part. Nous leur facilitons la vie avec des outils de pilotage, de visualisation de leur situation, de leur trésorerie prévisionnelle.
Carbioz s’adresse-t-elle uniquement à des acteurs privés ou comptez-vous également des entités publiques dans vos clients ?
Parmi les contributeurs, il y a des collectivités. La cible, ce sont les personnes morales, et plus précisément les entreprises qui ne sont pas les plus grandes, parce que ces dernières passent par des appels offres, des achats de gré à gré. Elles ne vont pas aller dans une vitrine virtuelle choisir tel ou tel projet. La cible, ce sont des acteurs plus territoriaux, qui ont besoin de trois projets et non pas 300. Là dedans, on trouve les entreprises de taille moyenne, les collectivités territoriales. On trouve aussi, même si pour l’instant nous n’en avons pas, des associations relativement importantes et/ou des organisateurs d’événements. Il y a un contributeur bien connu depuis plusieurs années, qui est le festival de Cannes.
De plus en plus, on demande aux entreprises postulant à des appels d’offres non seulement ce qu’elles font pour leur émissions carbone, mais aussi ce qu’elles font à côté. C’est un argument qui ne pèse peut être pas très lourd pour le moment, mais c’est un argument de compétitivité extra-financière qui montera en puissance. D’autant plus que le donneur d’ordre aura accès à la CRSD des soumissionnaires et saura ce qu’ils font ou non.
Combien de projets sont aujourd’hui référencés sur Carbioz ? Parvenez-vous à couvrir l’ensemble du territoire français ?
Aujourd’hui, il y a 1 934 projets référencés, représentant 1,3 million de tonnes. Nous avons une répartition géographique qui couvre à peu près tout le territoire, à l’exception des régions où il n’y a pas d’élevage (Bouches-du-Rhône, Vaucluse, le Sud-Est) et les zones très axées viticulture-arboriculture (Lot-et-Garonne, Gironde). Le fait d’aller chercher des nouvelles méthodes, c’est aussi pour pouvoir leur proposer une offre. Des méthodes verger ou des méthodes forêt nous permettrons de combler les trous pour tenir la promesse des projets locaux.
Nous avons beaucoup de transactions qui sont dans les tuyaux. Nous commençons par une méthode bien connue, qui est celle du Friends and family, c’est à dire que les entités du groupe Crédit Agricole montrent l’exemple, car on ne prescrit bien un produit que si on le connaît bien. Ils sont en train de finir cette phase, ainsi que la phase de montée en compétence des conseillers. Les premières entreprises et les premières collectivités arriveront ensuite.