Intercéréales/Terres Univia : la feuille de route carbone des filières grandes cultures pour 2030
Le | Stockage de carbone
Intercéréales et Terres Univia ont dévoilé, le 26 novembre 2024, leurs objectifs de décarbonation des filières grandes cultures pour l’horizon 2030. Ils comprennent notamment une baisse de -20 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour l’amont agricole par rapport à 2015 et -24 % pour les industries par rapport à 2021.
-20 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour l’amont agricole par rapport à 2015 et -24 % pour les industries par rapport à 2021, tels sont les objectifs de décarbonation des filières grandes cultures pour l’horizon 2030, présentés par Intercéréales et Terres Univia, le 26 novembre 2024. Les deux interprofessions appellent à un partage des risques et des responsabilités entre agriculteurs, transformateurs, consommateurs et pouvoirs publics pour atteindre ces objectifs.
« Il faudra que les industriels, qui ont besoin de décarboner leurs filières, accompagnent les agriculteurs avec de l’argent sonnant et trébuchant pour des pratiques vertueuses, avec des obligations de résultat. C’est ce qu’on appelle l’accompagnement à la prise de risques des agriculteurs », a déclaré Christoph Büren, élu référent décarbonation à Intercéréales et président de Vivescia. « Il n’y a pas de solution générale, il faudra s’adapter à chaque système d’exploitation. »
Trois enjeux ont été définis :
- décarboner les étapes de production et de transformation ;
- contribuer activement à la captation du carbone et à son stockage dans les sols ;
- produire de la biomasse pour permettre aux autres secteurs économiques d’accélérer leur propre décarbonation.
Une dizaine de leviers ont été identifiés pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’amont, en particulier le progrès variétal, l’évolution des cultures et leurs rotations, l’enjeu de fertilisation et le sujet de l’énergie. Pour l’aval, plus de 200 leviers ont été identifiés, dont une trentaine modélisés, pour réduire les émissions des scopes 1 et 2. Ces leviers concernent surtout l’énergie, le transport et l’emballage.
« Il y aura aussi une question de l’engagement de l’État, qu’il y ait les accompagnements nécessaires. Je suis extrêmement inquiet quand je vois que le budget du plan protéines dans la planification écologique a été mis à 0, que pour la décarbonation, on est passé de 80 M€ à 0… Les discussions ne sont pas terminées, mais le signal est très mauvais… », a déclaré Benjamin Lammert, président de Terres Univia.
Décarboner les filières des grandes cultures
Les deux interprofessions ont présenté le contexte de la décarbonation des filières de grandes cultures. Cela concerne 120 000 exploitations produisant des oléoprotéagineux et 210 000 exploitations de production de céréales, pour un total de 11,6 Mha de surfaces et 70 Mt produites par an.
Le bilan carbone réalisé par Intercéréales et Terres Univia en 2015 montre que 63 % des émissions sont liés au fonctionnement de l’exploitation agricole (dont 85 % liés aux N2O, notamment via la fertilisation et 15 % au CO2 via la combustion de l’énergie pour les engins et les séchoirs à la ferme, par exemple). Les 37 % restants sont indirects pour la fabrication des intrants (engrais et énergie).
La production agricole représente les 2/3 des émissions des filières grandes cultures (amont et aval). « Il est important de noter que c’est sans compter toutes les émissions évitées grâce à la production agricole, comptabilisées aux bénéfices des utilisateurs d’énergie décarbonée, ni l’atténuation permise par le stockage de carbone dans les sols de grandes cultures », précisent Intercéréales et Terres Univia.
La modélisation de leviers a permis d’aboutir à un scénario de décarbonation pour les grandes cultures. Les émissions directes du volet agricole peuvent baisser de 20 % environ par rapport à 2015 (cf. le schéma ci-dessous). Celles indirectes peuvent baisser der 16 %. Au total, les grandes cultures peuvent contribuer à la réduction des émissions en France avec entre -35 % et -38 % d’émissions en moins à horizon 2030.
« Les objectifs de la SNBC pour l’agriculture sont techniquement atteignables. En revanche, ils ne sont pas neutres économiquement pour les agriculteurs », indiquent les interprofessions.
Les leviers mobilisables pour l’amont agricole
Intercéréales et Terres Univia fournissent des exemples d’actions à mettre en place, dont :
- Le développement des légumineuses en cultures principales en accord avec le plan protéines : « Les légumineuses ont un pouvoir de réduction des intrants azotés par leur capacité à fixer l’azote dans le sol. Elles sont des précédents de cultures permettant de meilleurs rendements (par exemple, +7 q/ha en moyenne pour le blé cultivé après un pois au lieu d’une céréale), et une réduction des doses azotées nécessaires pour la fertilisation (-33 kgN/ha pour le blé et le maïs suivant, -40kgN/ha pour le colza). Une augmentation des surfaces des légumineuses serait donc un levier important, sous condition d’une organisation de filière structurée et d’investissements pour rattraper le retard en R&D et les impasses techniques des légumineuses. »
- Le développement des cultures à faibles besoins en azote : « Certaines cultures ont des besoins réduits en engrais azotés, ce qui les rend attractives comme levier de réduction des émissions de N2O, et des émissions indirectes de CO2 nécessaires à la fabrication des engrais. On trouve notamment le tournesol, et des cultures de diversification comme le lin oléagineux et textile, le chanvre, etc. »
- Le développement des couverts végétaux non récoltés dont engrais verts, plantes compagnes, semis sous couverts : « Le développement des couverts végétaux permet de réduire l’érosion des sols et d’améliorer le stockage de carbone dans les sols via une plus grande production de biomasse. L’utilisation de légumineuses pour constituer les couverts peut également réduire les besoins d’engrais azotés des cultures suivantes (cas des couverts d’interculture) ou de la culture associée (cas du colza semé avec un couvert de légumineuses gélives). »
- Le développement de génétiques plus efficientes en azote : « Ce levier génétique vise à augmenter l’efficience en azote des cultures, et ainsi réduire les émissions de N2O et de CO2 liées à leur fertilisation. Selon la projection de la tendance actuelle, le potentiel de ce levier pour les céréales à paille et le maïs est de 1 % tous les trois ans, donc 5 % à horizon 2030 par rapport à 2015. »
Les leviers mobilisables pour l’aval
Intercéréales et Terres Univia proposent quelques actions à mettre en place :
- La sobriété via l’optimisation des process, l’efficacité énergétique des machines et des bâtiments, et l'utilisation de sources d’énergie décarbonée.
- Le report modal par exemple vers le fret ferroviaire ou fluvial, l’optimisation des tournées, ou encore l’utilisation des biocarburants pour le fret routier.
- L’écoconception via la sobriété et le changement de type de matériaux d’emballage, ainsi que l’utilisation d’emballages à faible empreinte carbone.