Marvic, 8 M€ pour favoriser le stockage de carbone dans les sols agricoles européens
Le | Stockage de carbone
Financé par le programme de recherche Horizon Europe, le projet Marvic conseille la Commission européenne dans l’élaboration des lignes directrices pour une agriculture bas carbone, notamment pour définir un cadre et proposer des outils digitaux pour mesurer et certifier la séquestration du carbone atmosphérique dans les sols. Il rassemble 15 instituts de recherche et Agrosolutions. Edouard Lanckriet, directeur stratégie Agrosolutions, répond aux questions de Référence agro.
Quelle est la genèse du projet Marvic ?
L’Union européenne a assigné à chaque secteur économique des objectifs de réduction des émissions. L’agriculture n’a pas encore de trajectoire obligatoire, mais la Commission souhaite l’engager dans une stratégie de réduction d’émissions mais également de stockage de carbone dans les sols, car c’est le seul secteur capable de le faire. La Commission veut que, dès 2026, tous les agriculteurs européens puissent mesurer leur dynamique de stockage ou de déstockage de carbone ainsi que l’effet de changement de pratiques agricoles pour améliorer ce stockage. Elle prévoit un cadre certifié permettant aux agriculteurs de vendre des crédits carbone, similaire au label bas carbone, mais à l’échelle européenne, avec un mécanisme de marché pour garantir un débouché pour ce carbone.
Quels sont les outils nécessaires pour atteindre cet objectif ?
Pour y parvenir, la Commission a besoin de règles, de méthodes et d’outils de reporting du stockage de carbone pour tous types d’agriculture dans tous les pays européens. Le projet Marvic, financé à hauteur de 8 millions d’euros sur quatre ans, vise à développer des outils MRV (mesurer, reporter, vérifier) qui allient précision et faible coût d’utilisation. L’utilisation d’images satellites pour automatiser le processus est l’un des leviers explorés par l’équipe Marvic pour améliorer la précision des outils et en réduire les coûts d’usages. Ces outils collectent de nombreuses données, et nous travaillons à les rendre plus accessibles pour les agriculteurs, afin qu’ils n’aient pas à ressaisir manuellement ces informations.
Les méthodes de calcul sont au cœur de notre travail, elles sont conçues pour être compatibles avec les autres standards internationaux, par exemple ceux du SBTi, ces outils pourront donc aussi être utilisés par les acteurs des filières pour leur reporting bas-carbone. L’objectif est de centraliser tout le reporting carbone de l’agriculteur au sein d’un même outil. Nous développons des modèles qui simulent les dynamiques de stockage de carbone dans les sols à partir de données collectées par imagerie satellite et paramétrés sur les sols européens par les centres de recherches des pays européens : cela est essentiel pour sécuriser la robustesse scientifique des calculs réalisés et éviter les scandales que l’on observe sur certains programmes de crédits carbone à l’étranger. Le réseau de MRV carbone du CRCF européen a pour objectif d’être à la fois le plus robuste scientifiquement et le plus simple à utiliser. En plus des modèles de calculs nous devons déterminer des règles pour prendre en compte ce qu’on appelle les critères de qualité des crédits carbone : l’additionnalité, la permanence et les doubles comptes.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le consortium impliqué dans ce projet ?
Notre consortium est composé de 16 acteurs, principalement des centres de recherche européens comme l’Inrae en France et Wageningen aux Pays-Bas. Agrosolutions, qui n’est pas un centre de recherche mais un cabinet d’expertise-conseil, apporte son expérience du Label bas-carbone et des entreprises de l’agro-industrie, également concernées par le dispositif. Notre rôle est de traduire les travaux scientifiques en méthodes et outils digitaux utilisables par les agriculteurs. Notre projet concerne toute l’Europe, mais principalement la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, la République tchèque et la Suisse.
Le projet est piloté par Ilvo, l’équivalent de l’Inrae en Flandres, qui coordonne nos efforts et garantit le caractère efficace et utilisable par les agriculteurs européens des solutions que nous fournissons.
Où en êtes-vous ?
Nous avons inventorié les modèles disponibles et identifié les étapes nécessaires pour automatiser leur fonctionnement avec des données satellites. Nous avons également fait des propositions à la Commission sur des sujets comme l’additionnalité, le calcul des baselines de stockage de carbone et les règles pour éviter les doubles comptes. Nous allons organiser un club d’utilisateurs, regroupant des coopératives agricoles, des agro-industries, des banques et des assurances, pour partager les avancées du projet. Ce club sera lancé lors du sommet du carbon farming européen en mars 2025 à Dublin. Nous prévoyons également de tester les premières briques de nos modèles dans différentes fermes pour comparer leur efficacité.
Existe-t-il d’autres projets similaires financés par la Commission européenne ?
Oui, il existe un autre projet appelé MRV4SOC avec des missions et un budget similaires. Il n’y a pas de compétition entre nos projets, mais plutôt une complémentarité en termes de pays couverts. Le projet Marvic a une approche plus large que MRV4SOC : en plus de proposer des méthodes et des outils déployables à l’échelle de la ferme dans différents pays, il proposera à la Commission un cadre général pour accompagner la validation de futurs modèles et méthodes de carbon farming dans le cadre européen.