Delphine Guey, Unifa « Notre industrie est la seule à pouvoir assurer l’indépendance de la production agricole »
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La Commission européenne vient de proposer de lever les droits de douane pour l’importation d’urée et d’ammoniac. Une décision qui, si elle est attendue par les agriculteurs, pourrait être défavorable aux producteurs d’engrais. Décryptage avec Delphine Guey, présidente de l’Unifa.
Référence agro : Que pensez-vous de la décision de la commission européenne de lever les droits de douane sur l’urée et l’ammoniac ?
Delphine Guey : La situation est complexe, et l’Unifa comprend la décision de la Commission européenne, qui répond aux demandes des agriculteurs. Mais une telle décision pourrait rendre la concurrence plus difficile encore pour les industriels français et européens. Cette exonération des droits de douane concerne des pays qui ont accès à des prix du gaz nettement inférieurs. Cela constitue une double peine pour les producteurs européens, dont certains ont dû, à nouveau, réduire leur production. L’industrie européenne des engrais azotés reste fragile, pour preuve la fermeture l’année dernière d’une usine britannique en pleine crise. Notre industrie est la seule à pouvoir assurer l’indépendance de la production agricole face à des pays tiers, notamment la Russie, mais aussi les États-Unis ou Trinité-et-Tobago.
R.A. : Quelles sont les attentes de l’Unifa vis-à -vis des services publics ?
D. G. : Nous avons peu de demandes à l’égard du gouvernement français, car il a été présent et a soutenu les producteurs d’engrais. Le plan de résilience prévoit plusieurs mesures pour sortir de la dépendance au gaz russe, avec, par exemple, l’électrification de nos sites industriels. Le nouveau ministère de la Transition énergétique est un appui intéressant pour notre secteur.
R.A. : Comment se déroule la campagne d’appro ?
D. G. :Nous aurons des données chiffrées à la rentrée, mais dans l’ensemble, nous constatons une dynamique semblable à celle de l’année dernière. La situation est attentiste, et les opérateurs attendent le dernier moment pour faire leurs achats. Or, cette position pénalise les producteurs d’engrais, dont les usines doivent produire toute l’année. La réglementation nous impose d’arrêter la production, si nous avons plus d’un mois de stock. Or les outils industriels ne peuvent pas s’arrêter et se relancer si facilement, et cela pourrait avoir un effet négatif sur le cours des engrais. C’est pourquoi nous incitons les distributeurs à anticiper leurs commandes, et à les faire au fur et à mesure de la campagne.