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Remue-ménage dans le monde des engrais

Le | Agrofournisseurs

La guerre en Ukraine secoue le monde des engrais. Les fournisseurs russes sont visés par des sanctions européennes, tandis que les producteurs européens sont confrontés à des hausses des charges. L’organisation globale de ce marché pourrait en être transformée.

Remue-ménage dans le monde des engrais
Remue-ménage dans le monde des engrais

Les engrais avaient déjà connu des hausses inédites à l’automne, mais les conséquences de la guerre en Ukraine pourraient être plus fortes et plus durables. Les 9 et 14 mars, l’Union européenne a rallongé sa liste noire de personnes et entreprises visées par des sanctions. Parmi eux, de nombreux oligarques russes qui détiennent et dirigent les quatre principales sociétés exportatrices d’engrais, dont le chiffre d’affaires combiné dépasse les 15 Md€. Les dirigeants ont démissionné, pour permettre à leurs sociétés de continuer à exporter à destination du marché européen.

Mais la manœuvre pourrait se révéler insuffisante. Yara a annoncé sa décision de ne plus s’approvisionner auprès de fournisseurs ayant fait l’objet de sanctions, tandis que Borealis, qui devait initialement vendre son activité azote à EuroChem, va plus loin, en annonçant dans un communiqué de presse : « Nous supprimons progressivement l’approvisionnement en Russie et en Biélorussie, pour nous tourner vers des sources occidentales ». La société autrichienne a également annoncé cesser ses ventes à destination de Moscou et de Minsk, et rediriger ces volumes à destination des pays occidentaux.

L’un des leaders mondiaux de l’ammoniac suspend sa livraison par pipeline

Mais ces choix stratégiques ne se font pas sans peine, et l’approvisionnement en matières premières, et notamment en gaz, entrave la production d’ammoniac. Yara et Nitrogénművek, une société hongroise, ont annoncé une restriction temporaire de leur production d’ammoniac et d’urée. Togliattiazot, société russe, qui assure l’approvisionnement de 20 % de la demande nationale russe et 11 % des exportations mondiales d’ammoniac, a pris une décision similaire, en décidant de suspendre la production de quatre unités et d’en passer trois en charge réduite. La livraison de l’ammoniac via le pipeline Togliatti-Odessa, le plus long pipeline d’ammoniac du monde, est interrompue, alors que Moscou a annoncé, dans un communiqué du 4 mars, avoir recommandé aux producteurs russes de suspendre l’exportation d’engrais.

Une augmentation de la production d’engrais canadiens et brésiliens

Le canadien Nutrien a annoncé, par la voix de son directeur général par intérim, augmenter sa production d’engrais pour anticiper la diminution de l’offre russe et répondre à la demande mondiale. Brazil Potash Corp a également proposé de doubler sa production, passant de 2,44 à plus de 5 millions de tonnes de potasse. Mais la société brésilienne aurait besoin de trois ans pour fonctionner à plein régime, et cette augmentation de la production ne couvrirait que la moitié des besoins du Brésil, qui importe en temps normal une grande partie de ses fertilisants. L’Inde, très grand consommateur d’engrais, s’est déjà positionné pour acquérir entre 4 et 5 millions de tonnes d’engrais au Canada, en Israël et au Maroc, en remplacement de ses habituels approvisionnements russes. Alors que les opérateurs français manquent encore de visibilité sur leurs futurs approvisionnements, les jeux de pouvoir et d’influence sont en train de se redéfinir à l’échelle mondiale.

 

Quelques chiffres

  • La Russie est le quatrième producteur d’engrais azotés au monde, avec environ 10 Mt, soit 8,5 % de la production mondiale (derrière la Chine, 28 Mt soit 24 %, les États-Unis, 13,6 Mt soit 11,5 % et l’Inde, 13,3 Mt soit 11,3 %)
  • La Russie est le quatrième producteur d’engrais phosphatés au monde, avec 3,56 Mt, soit 7,63 % de la production mondiale (derrière la Chine, 17,6 Mt soit 37,7 %, les États-Unis 4,6 Mt soit 9,87 % et l’Inde, 4,59 Mt soit 9,84 %)
  • La Russie est le troisième producteur de potasse au monde, avec 7,1 Mt, soit 16,1 % de la production mondiale (derrière le Canada, 14 Mt soit 32 % et la Biélorussie, 7,26 Mt soit 16,5 %)