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Grosse altise, la filière colza prépare l’an 2 du post-phosmet

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Pour la deuxième année consécutive, les filières colza et moutarde bénéficient d’une dérogation pour utiliser l’insecticide Minecto Gold, en 2023. Une mesure ciblée sur certaines zones où les pyréthrinoïdes, dernières molécules du marché depuis le retrait du phosmet, rencontrent des résistances. Cette dérogation souligne la rareté des solutions contre la grosse altise.

Grosse altise, la filière colza prépare l’an 2 du post-phosmet
Grosse altise, la filière colza prépare l’an 2 du post-phosmet

L’annonce est tombée le 11 septembre : certains producteurs de colza et moutarde pourront utiliser Minecto Gold contre les larves de grosse altise, lors de la prochaine campagne. Comme l’an passé, les autorités ont consenti à une dérogation pour cet insecticide proposé par Syngenta, dont l’homologation ne devrait pas arriver avant 2025. Cette dérogation est limitée aux régions Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Île-de-France, Centre-Val-de-Loire et les départements de l’Allier et de l’Aisne concernés par des phénomènes avérés de forte résistance liée à la mutation SKDR.

100 000 hectares de colza traités en 2022

Seules différences avec la dérogation de 2022 : l’ajout de l’Aisne dans les zones concernées, et une fenêtre d’application légèrement différente (10 octobre-31 décembre, pour 2023). Elle vient offrir une solution face aux grosses altises présentant une résistance « SKDR », sur lesquelles les pyréthrinoïdes, dernières molécules du marché suite à l’interdiction du phosmet, sont totalement inefficaces.

Quel bilan pour Minecto Gold sur sa première année ? « Il est impossible de comparer son efficacité chez les agriculteurs avec celle du phosmet faute d’année commune aux deux molécules, répond Laurent Ruck, ingénieur développement chez Terres Inovia. Mais les essais réalisés en amont montrent des résultats similaires, avec 50 à 70 % de larves touchées en entrée hiver. » L’automne 2022 a aussi eu son influence : très doux, il a favorisé la production de biomasse par les colzas, les rendant plus robustes et limitant donc les dégâts liés aux larves. « Le marché a augmenté de 5 %, alors que les surfaces en colza ont augmenté de 13 %, glisse Marine Denniel, responsable des solutions de contrôle des insectes chez Syngenta. Les applications ont été moins nombreuses qu’anticipé.  » Le Minecto Gold aurait été utilisé sur 100 000 hectares.

Sécuriser les approvisionnements

Pour la firme, le challenge est notamment logistique. La dérogation a été délivrée moins d’un mois avant son démarrage opérationnel. « Cette année, les colzas poussent bien et nous avons déjà des questions du terrain, commente Marine Denniel. Un certain nombre de traitements pourraient être précoces. » Dans ce contexte, l’enjeu est maintenant de sécuriser les approvisionnements.

Franck Duroueix, expert stratégique protection intégrée des cultures chez Terres Inovia, rebondit sur un autre aspect du dossier Minecto Gold. Il avertit : si l’insecticide a été autorisé en 2022 et 2023, rien n’est automatique, et chaque dérogation est le fruit de négociations, et d’apports de preuves supplémentaires. « La DGAL souligne que la France octroie trop de dérogations de ce type, constate-t-il. Mais sans Minecto Gold, de nombreuses zones seraient tout simplement dans l’impasse ! » L’intérêt de ces dérogations est d’autant plus vif que, selon l’institut technique, aucune autre innovation ne semble devoir apparaître rapidement. « Pour le biocontrôle, il y a des frémissement, pour le reste, rien en vue », synthétise Franck Duroueix.

Une résistance qui gagne du terrain

Or, les zones où les pyréthrinoïdes perdent en efficacité se développent. « L’ajout de l’Aisne dans la dérogation 2023, par rapport à 2022, traduit une progression de ces résistances, note Laurent Ruck. Des premiers cas de SKDR ont été notés dans la Creuse, Saône-et-Loire mais aussi l’Orne, la Vienne, l’Eure ou l’Ain, donc assez loin du bassin principal de résistance, situé dans l’Est. » Selon le monitoring réalisé par Terres Inovia et ses partenaires, 41 départements présentent aujourd’hui des cas de résistance « SKDR », dont désormais 11 départements  où cette résistance forte est considérée comme généralisée.