Tendance herbicides maïs, le marché fait face aux restrictions
Le | Agrofournisseurs
Pas d’innovation en vue, et des molécules historiques sous surveillance, voire soumises à des restrictions de doses à l’instar de la tête d’affiche, le S-métolachlore. Les acteurs du marché des herbicides maïs cherchent la bonne formule, avec un panel de solutions limité et le souci de ne pas le voir se restreindre davantage.
Firmes, conseillers, distributeurs, agriculteurs… tous les acteurs du marché des herbicides maïs partagent la même prudence quant à l’avenir de ce segment. En 2021, le S-métolachlore reste la tête d’affiche de la prélevée et permet à Syngenta, qui le commercialise, de garder la position de leader. Mais la molécule est sous surveillance, et le spectre d’une interdiction plane. En cause : la détection fréquente d’un de ses métabolites dans les eaux des aires de captage. Fin 2021, l’Anses a modifié les AMM des produits à base de « S-moc » avec une dose revue à la baisse et de nouvelles conditions d’emploi.
S-métolachlore, molécule leader à l’utilisation raisonnée
Didier Bruxelle, chef de marché chez Syngenta, rappelle que la firme n’a pas attendu ces restrictions réglementaires pour recommander un emploi raisonné de la molécule. Depuis 2017, le message va dans ce sens : pas d’utilisation sur les périmètres des aires d’alimentation de captage prioritaires, et doses adaptées au cas par cas selon la situation de la parcelle avec une application spécifique, Quali’cible. « En quatre ans, nous avons constaté que les doses moyennes d’utilisation avaient baissé significativement, précise Didier Bruxelle. Il reste plébiscité sur l’ensemble des bassins maïsicoles, notamment face au développement des graminées résistantes. » Jean-Luc Englezio, responsable territoire chez Vivadour (Gers et départements limitrophes), confirme que les ventes de la molécule ont diminué au niveau de sa coopérative : « C’est la troisième campagne de suite sur cette tendance, avec un recul d’environ 30 % en volume sur cette période. »
Le DMTA-P en embuscade, mais…
Une dynamique qui profite, en partie, au DMTA-P de BASF. La firme allemande se situe sur la deuxième marche du podium, avec environ 20 % de parts du marché des herbicides maïs. Le DMTA-P progresse depuis que l’étau se resserre autour du S-métolachlore, confirme le chef marché herbicides chez BASF, Hubert Vincent. Ce dernier se garde toutefois de se réjouir des contraintes de plus en plus marquées autour de son concurrent : « Bien qu’ayant des profils différents, DMTA-P et S-moc sont issus de la même famille, les chloroacétamides, rappelle-t-il. L’usage est similaire, en prélevée pour un meilleur contrôle des graminées. » Autrement dit : DMTA-P est bien placé pour récupérer les parts de marché de S-moc… mais aussi le revers de la médaille.
« Attention à ne pas déplacer le problème »
Technicien agronome chez Oxyane, Yann Faynel le formule clairement : « Pour nos adhérents chez qui la problématique graminées est très élevée, les chloroacétamides sont assez incontournables dans ce cas. La tendance est de se rabattre sur le DMTA-P, avec le risque de déplacer le problème. Autrement dit, détecter des taux inquiétants de DMTA-P dans l’eau d’ici quelques années, et voir cette molécule mise sur la sellette, à son tour. » Il rappelle que le S-métolachlore a suivi cette trajectoire après avoir lui-même bénéficié de la suppression d’une substance herbicide utilisée en prélevée, l’acétochlore. BASF a d’ores et déjà établi des recommandations d’itinéraires de désherbage durable du maïs avec le DMTA-P, afin de pérenniser l’avenir de cette molécule.
Herbicides maïs, pas d’innovation en vue
Les produits de prélevée ne sont d’ailleurs pas les seuls à connaître des restrictions. Pour la post-levée, en 2022, les maïsiculteurs ne pourront plus utiliser de bromoxynil, et la dose d’utilisation autorisée du prosulfuron est réduite à 20 g/ha cumulés sur trois ans. Autre élément de contexte important, aucune innovation ne semble devoir faire son arrivée à court terme. Le mot d’ordre est donc clair : préconiser un usage durable des molécules existantes. Le recours au désherbage mécanique, pour remodeler l’utilisation des solutions chimiques, fait l’objet de nombreux essais, avec un panel de combinaisons assez vaste. Vivadour s’appuie par exemple sur une ferme expérimentale de 40 ha, en partenariat avec Arvalis-Institut du Végétal : « Nous testons notamment le binage, piste intéressante à condition de prendre garde à ce que les dicotylédones complexes ne passent pas à travers les mailles du filet », précise Jean-Luc Englezio.
Pour l’heure, les alternatives pleinement satisfaisantes peinent à émerger, mais la mobilisation est là. Des firmes aux acteurs de terrain, distributeurs et chambres, en passant par Arvalis, les professionnels interrogés par Référence agro semblent partager le même objectif : ne pas fragiliser un marché sur lequel le nombre de solutions de repli s’amenuise.
Repère : la répartition des stratégies pré et post-levée
Selon les firmes, les hectares traités intégralement en prélevée représentent 20 % des surfaces de maïs, contre 30 % pour la combinaison pré/post-levée. Environ un hectare sur deux serait traité uniquement en post-levée. Des proportions globalement stables sur la période 2019-2021.