Les semenciers, impactés par l’interdiction d’exporter des phytos non autorisés en Europe
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Un décret, paru au JO du 24 mars, interdit de produire, stocker ou déplacer des produits phytosanitaires non autorisés sur les sols européens. Un coup pour les semenciers français, contraints d’abandonner des marchés ou de délocaliser les traitements de leurs semences. Référence agro fait le point avec Claude Tabel, président de l’Union française des semenciers.
L’article 83 de la loi EGalim prévoit l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale, et de l’environnement. Jusqu’alors, les substances actives dont l’approbation était retirée, ou dont l’autorisation n’était pas renouvelée, ne pouvaient plus être utilisées au sein de l’UE, mais pouvaient être produites sur le sol européen et exportées dans des pays tiers. Depuis le 1er janvier 2022, cette pratique est interdite en France, et un décret, paru au JO du 24 mars 2022, encadre les dispositions de cette nouvelle réglementation. Alors que la France reste le leader mondial de l’exportation des semences et plants, les semenciers risquent d’être impactés par cette nouvelle réglementation.
300 M€ de perte pour les semenciers français
Claude Tabel, président de l’Union française des semenciers, précise : « nous sommes des utilisateurs de ces produits pour le traitement de nos semences. Aussi, ce qui nous impacte, c’est l’interdiction de les stocker et de les transporter. Cela fait peser un risque sur nos activités, car de nombreux pays tiers, clients des semenciers français, demandent le traitement des semences par ces produits. » L’impact financier pour les semenciers français pourrait être de 300 millions d’euros, soit près 10 % du chiffre d’affaires total du secteur, 3,5 milliards d’euros par an et près de 20 % des exportations de semences.
Un risque de délocalisation du marché
Les leaders du marché, qui ont des implantations à l’étranger, pourront y traiter leurs semences ou développer des alternatives leur permettant de conserver leurs marchés. Mais une partie de la production française dépend de sociétés non-délocalisables. « Les acteurs qui pourraient être les plus impactés sont les entreprises franco-françaises, les agriculteurs multiplicateurs, les coopératives », s’alarme Claude Tabel. De plus, un traitement des semences à l’étranger entraînerait des coûts supplémentaires de transport et de ruptures de charges. « Ceux qui ont la capacité de quitter le territoire français pour produire leurs semences pourraient être tentés de le faire », regrette le président de l’UFS.
Certains délais de grâce à définir
Le décret précise que l’interdiction démarre à la fin du délai de grâce accordé par les règlements européens retirant l’approbation d’une substance active ou en refusant le renouvellement. Pour les substances actives dont l’approbation arrive à échéance et pour lesquelles aucune demande de renouvellement n’a été soumise pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement, l’interdiction démarre à une date fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement. Cette date sera déterminée « sur la base d’une évaluation de l’impact de l’interdiction de production, de stockage et de mise en circulation en vue de leur exportation des produits contenant les substances concernées ».
Quant aux molécules sur lesquelles la France souhaite aller plus loin seule, leur étude se fera au cas par cas, avec un délai de grâce propre à chaque substance. « Cela nous laisse un délai d’adaptation, confie Claude Tabel. Nous ignorons si cette réglementation passera avant les élections présidentielles, ni si elle sera maintenue dans le cas d’un changement à la tête de l’État. En tant qu’utilisateurs, nous espérons que les fournisseurs de traitements de semences seront en mesure de nous apporter des produits alternatifs prochainement pour conserver nos parts de marchés. »