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Objectif réindustrialisation et décarbonation pour les engrais français

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Augmenter les capacités de production française, décarboner les usines et construire une feuille de route commune avec les acteurs du monde agricole : les défis à relever son nombreux pour l’Union nationale des fabricants d’engrais et d’amendements (Unifa). Néanmoins, la filière peut compter sur le soutien affiché du Gouvernement et du chef de l’État pour engager ces changements.

Pierre Jérémie, directeur adjoint de la ministre de la Transition énergétique, Dominique Chargé, pré - © D.R.
Pierre Jérémie, directeur adjoint de la ministre de la Transition énergétique, Dominique Chargé, pré - © D.R.

Deux jours avant leur assemblée générale qui se tenait le 1 juin à Paris, les producteurs d’engrais français de l’Unifa ont reçu un signal fort de la part de l’État. « Le Président de la République souhaite mettre en place un plan national sur la souveraineté des engrais, déclare Delphine Guey, présidente de l’Unifa. L’objectif est de couvrir 51 % des besoins d’engrais en France, contre 42 % aujourd’hui, et également d’engager un plan de décarbonation de nos sites. »

Un objectif qui ne manque pas d’ambition, mais qui soulève des questions sur sa réalisation. « Nous allons maintenant devoir voir comment mettre en musique cet objectif, réfléchir à quelle place donner aux différents intrants, etc., indique Pierre Jérémie, directeur adjoint de la ministre de la Transition énergétique, présent à l’assemblée générale. Des discussions vont s’ouvrir avec les équipes des ministères de l’agriculture et de l’industrie, ainsi qu’avec le secteur agricole et les interprofessions concernées. » L’Unifa salue cette position : « Nous sentons une réelle prise de conscience quant au rôle d’une production française et européenne d’engrais par les ministères, et même à l’échelle européenne. Ce sont des signaux positifs », affirme Delphine Guey.

Une feuille de route commune pour une approche filière

Pour réussir ce double pari de la réindustrialisation et de la décarbonation des engrais, l’Unifa appelle le monde agricole à adopter une « discipline et une approche filière ». L’enjeu : réunir autour de la table les producteurs, les distributeurs et les fabricants d’engrais afin de rédiger une feuille de route commune pour la filière engrais en France. Un appel reçu et validé par les intervenants présents à la table ronde. « Nous répondons à l’appel. Nous avons besoin de nous fixer des objectifs communs et éviter de travailler en solo », souligne Benjamin Lammert, président de la FOP et de Terres Univia. De son côté, Dominique Chargé, président de la Coopération Agricole, confirme aussi son engagement mais souligne que cela impliquera de « définir un horizon commun, où chacun devra abandonner un peu de son intérêt particulier pour l’intérêt général. C’est cela qui risque d’être difficile ». Les intervenants rappellent également que le surcoût de cette décarbonation des engrais ne doit pas peser sur les seuls agriculteurs.

Carbone aux frontières, le Gouvernement favorable à une révision

D’autres difficultés peuvent entraver la trajectoire souhaitée par les fabricants d’engrais, à l’image du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ce dispositif vise à taxer les importations de produits moins vertueux que ceux produits dans l’Union européenne en matière d’émissions de carbone. Les engrais en font partie. « Il y a un effet de fuite. Les aliments produits avec des engrais qui ne respectent pas cette réglementation peuvent rentrer dans l’UE sans problème ! », déplore Benjamin Lammert. Sur ce point, l’agriculteur a reçu l’appui du Gouvernement. « Nous sommes conscients de la limite de cette réglementation du carbone aux frontières. Une close de revoyure est prévue pour 2026 et nous ferons en sorte de parfaire le système, notamment sur la question de l’aval », assure Pierre Jérémie, du ministère de la Transition énergétique. Autre problème de ce mécanisme : les exportations d’engrais produits en France vers des pays moins disant niveau carbone, qui se retrouvent pénalisés, selon l’Unifa. Pour cette situation, « il faudrait un système comme celui de la TVA, d’exonération pour les exportations, et se faire rembourser le carbone par le mécanisme de carbone aux frontières pour les exportations », suggère Pierre Jérémie.

Engrais importés : incertitude sur la suspension des taxes

Autre sujet de crispation pour l’Unifa concernant Bruxelles : le renouvellement, ou non, de la suspension temporaire des taxes douanières accordées aux importations d’urée et d’ammoniac. La Commission doit se prononcer le 17 juin sur le sujet. Elle devait, en amont de cette décision, produire une étude d’impact sur l’effet de ces mesures, mais rien n’a été diffusé pour l’instant. « Nous nous retrouvons sur un marché inondé par de l’urée avec un profil environnemental bien moins bons que les engrais produits en France ou en Europe. En prolongeant cette mesure, on met à mal un bouclier qui nous permet d’être plus autonome en engrais », déplore Delphine Guey.