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Retrait du S-métolachlore, des conséquences multiples pour la filière maïs

Le | Agrofournisseurs

Pour les agrofournisseurs comme pour les agriculteurs, le retrait annoncé des principaux usages du S-métolachlore (S-moc) rebat fortement les cartes du marché des herbicides maïs. L’efficacité des solutions restant à disposition des agriculteurs interroge. La production de maïs doux et de maïs semence pourrait être remise en cause.

Crédit : Nicolas Bertrand / Inrae - © D.R.
Crédit : Nicolas Bertrand / Inrae - © D.R.

Le retrait des principaux usages du S-métolachlore (S-moc), dont l’Anses a annoncé l’intention le 15 février, a vivement fait réagir dans le secteur agricole. La molécule herbicide est devenue l’un des symboles de ce que la profession considère comme une accumulation de décisions franco-françaises. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lui-même a déploré la situation, le 30 mars. Derrière des enjeux très politiques, des conséquences techniques se profilent pour la filière maïs.

Les parts de marché du S-métolachlore sont à prendre

Syngenta, leader du marché des herbicides maïs grâce à ses solutions à base de S-métolachlore, n’a pas souhaité réagir à nos sollicitations. Au coude à coude pour la deuxième place, Bayer et BASF font valoir les atouts de leurs gammes respectives, sans pour autant se réjouir de la situation. « Identifier un intérêt business à court terme est une chose, explique Laure Pitrois, cheffe marché maïs chez Bayer. Cette actualité pose toutefois des questions sur le cadre actuel en matière de protection des plantes. La réduction de la palette de solutions, à moyen terme, n’est une bonne nouvelle ni d’un point de vue technico-économique, ni d’un point de vue environnemental. » Selon Nadège Pillonel, responsable marketing maïs chez BASF, « il est indispensable de laisser du choix aux agriculteurs, aucun marché n’est durable avec une seule molécule ». Un usage plus fréquent des herbicides restants pourrait créer des problèmes de résistance.

Quelle efficacité pour les itinéraires sans S-métolachlore ?

Selon Valérie Bibard, spécialiste désherbage maïs chez Arvalis, le premier réflexe, après un tel retrait, est de modifier les itinéraires le moins possible, « un phénomène qui profiterait notamment aux solutions à base de DMTA-P chez BASF ou de péthoxamide chez FMC », estime-t-elle. Les produits foliaires de post-levée comme les sulfonylurées et les tricétones pourraient également gagner du terrain. La capacité des firmes à compenser, quantitativement, le volume de S-moc utilisé actuellement avec les solutions restantes, draine cependant son lot d’inquiétudes. Le marché devrait toutefois évoluer au-delà de ces simples vases communicants. Car au-delà d’un choix qui se réduit, c’est aussi la performance des solutions restantes qui pose question.

Différentiel de prix et de temps

« Des itinéraires techniques aussi efficaces sont envisageables, mais ils seront plus chers, et demanderont plus de passages, juge Valérie Bibard. Le DMTA-P par exemple est légèrement moins puissant que S-moc en cas de forte pression de graminées estivales. De plus, les solutions à base de S-métolachlore étaient associées à un phytoprotecteur, le benoxacor, garant de la sélectivité du produit vis-à-vis du maïs et en particulier des maïs doux et maïs semences. » Responsable territoire chez Vivadour, coopérative située dans le Gers et les départements voisins, Jean-Luc Englezio, rebondit : « La moindre sélectivité du DMTA-P est un problème ici, dans nos sols hydromorphes. » Quant aux solutions de post-levée foliaires, leur efficacité sur graminées interroge : « Ce n’est pas encore le cas dans le Sud-Ouest, mais elles montrent des limites contre les sétaires, en raison de résistances », illustre Jean-Luc Englezio.

S-moc in the water

Arvalis-Institut du végétal n’a pas attendu le retrait du S-moc pour se mettre au travail. Valérie Bibard met en avant la prophylaxie et les pratiques agronomiques, ainsi que les traitements de prélevée appliqués sur le rang complétés de désherbage mécanique. Des pistes intéressantes, mais qui semblent à ce jour insuffisantes pour garantir des résultats satisfaisants pour le maïs semence et le maïs doux. « Compte tenu des exigences pour ces deux débouchés, sans le S-moc nous serons clairement démunis », alerte Jean-Luc Englezio. L’aval de ces filières montre déjà des signes d’inquiétude.

Dernier enjeu à surveiller dans le cadre de la nouvelle donne post-retrait du S-moc : le risque, pour les solutions restantes, de faire l’objet d’une vigilance accrue sur la qualité de l’eau. Valérie Bibard avertit : « Plus les solutions se raréfient et plus les usages risquent de se concentrer sur quelques molécules, augmentant d’autant la probabilité de les détecter plus fréquemment dans le milieu aquatique et ce, tant que des solutions alternatives crédibles et substituables à la chimie actuelle n’auront pas été éprouvées. » Dans ce cadre, les firmes insistent sur l’importance des bonnes pratiques qui accompagnent le désherbage et l’itinéraire cultural, « déjà essentielles, et qui vont l’être d’autant plus », conclut Laure Pitrois.