Au Sénat, FranceAgrimer resitue la complexité et le poids des biocarburants pour l’agriculture
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Une délégation de FranceAgriMer a été interrogée par la mission d’information sénatoriale dédiée au développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert en France, le 28 mars. L’occasion de sensibiliser les élus, à la recherche de clés de lecture simples, à la complexité et la multiplicité des enjeux drainés par la filière des biocarburants d’origine agricole.
Lancée fin janvier, la mission d’information sur le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert du Sénat en est au stade des auditions. Le 28 mars, c’est FranceAgriMer qui était entendu, à travers Pierre Claquin, Patrick Aigrain et Aurore Payen, respectivement directeur marchés et prospectives, chef du service évaluation, prospectives et analyses transversales, et cheffe d’unité analyses transversales. Le sujet du jour ? Les biocarburants, et en particulier ceux issus de filières agricoles.
Gare aux idées simplistes
Le rapporteur de la mission, Vincent Capo-Canellas, a clairement annoncé la couleur : « Nous avons reçu ici la Cour des comptes, très critique sur ces filières, et l’association Transport et environnement qui estime que l’on peut mieux employer les terres actuellement utilisées pour les biocarburants. » Pendant deux heures, les représentants de FranceAgriMer, sans sortir de leur périmètre de compétence, ont exposé la complexité de ce secteur situé à l’intersection de multiples enjeux : souveraineté alimentaire, énergies renouvelables, économie, rotations agricoles… « Tous les mécanismes liés à cette filière ne sont, de plus, pas encore très documentés scientifiquement », a averti Patrick Aigrain, face à des sénateurs manifestement en attente de réponses simples.
La sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub a ainsi demandé si, pour résoudre deux problèmes à la fois, il était envisageable d’utiliser de nouveaux gisements, type algues ou adventices invasives. Au-delà du potentiel technologique, qui ne se décrète pas, Patrick Aigrain a rappelé : « N’oubliez pas que pour les biocarburants de première génération, les filières agricoles prennent en charge la logistique de collecte. Organiser le rassemblement et le transport de suffisamment d’algues ou d’adventices peut avoir un coût dissuasif. »
Deuxième et troisième génération de biocarburants, pas à maturité
Pierre Claquin a de son côté rappelé la réalité des biocarburants de deuxième et troisième génération. « Actuellement, la G2 peine à passer à l’échelle industrielle, a-t-il indiqué. Il existe des sites de production pour la G3 et la transformation de micro-algues, en revanche, mais avec des coûts encore importants. Aujourd’hui, derrière les biocarburants d’origine agricole, relativement matures, ce qui se développe le plus est le recyclage de déchets, notamment d’huiles usagées. »
Les représentants de FranceAgriMer ont insisté sur le fait que le sujet « biocarburants » dépassait sa seule dimension agricole. Ils ont ainsi défendu l’intérêt d’une interface interministérielle intégrant les trois dimensions de la durabilité (économie, environnement, social). Aurore Payen a cité un article scientifique qui s’essayait à ce type de grille de lecture multiple, concluant que la G3 à base de micro-algues n’était pas la plus intéressante, à cause des dépenses énergétiques importantes qu’elle génère. « Les déchets ménagers ont un meilleur score, mais représentent un gisement limité, a-t-elle cité. C’est le biodiesel qui est classé en deuxième position. »
Un dossier éminemment politique
Enfin, Pierre Claquin a indirectement renvoyé les sénateurs au rôle des arbitrages politiques dans l’avenir des filières biocarburants, ce sujet n’offrant pas de lecture unilatéralement positive ou négative. « Pour l’agriculture, ces filières ont apporté une diversification des débouchés, des revenus et ont permis de limiter la dépendance au importations pour l’alimentation animale, a-t-il posé. Elles ont peut-être des défauts par ailleurs. Nous n’avons pas la compétence pour départager les enjeux. » Aux sénateurs de la mission d’information, qui rendra ses conclusions en juin, de continuer à écouter les parties prenantes pour affiner leur perception de ce dossier épineux.