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Biocarburants, la Cour des comptes livre une analyse salée de la filière française

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Un bilan environnemental négatif, un bilan climatique décevant, des bénéfices plus limités pour les agriculteurs que pour les agro-industriels et une dépendance extérieure qui s’aggrave. Dans son analyse de la filière des biocarburants française, publiée le 20 décembre 2021, la Cour de comptes ne prend pas de pincettes.

Biocarburants, la Cour des comptes livre une analyse salée de la filière française
Biocarburants, la Cour des comptes livre une analyse salée de la filière française

Le 20 décembre, la Cour des comptes a publié une note de plus de 150 pages, sobrement intitulée «  La politique de développement des biocarburants ». Neuf ans après une analyse déjà mitigée en 2012, l’instance confirme que la stratégie française en matière de biocarburants ne remplit pas ses objectifs. Le document démarre pourtant sur des constats a priori positifs. La France est ainsi le cinquième pays dans le classement de l’UE intégrant le plus d’énergies renouvelables dans les transports (9,25 %), soit trois points de plus qu’en 2008 (6,25 %), sachant que les agrocarburants représentent l’écrasante majorité (89 %) de ces énergies. Une évolution qui doit beaucoup aux incitations mises en places en France, qui ont favorisé dans la décennie 2000 un développement agro-industriel conséquent : la France est désormais le premier producteur européen de biodiesel et le deuxième producteur d’éthanol.

Un secteur industriel qui recule

Ensuite, viennent les constats moins flatteurs. La Cour des comptes constate que les productions françaises plafonnent « depuis une dizaine d’années ». Les industriels connaissent des difficultés liées à une concurrence plus forte, la filière biodiesel souffrant en outre de la baisse des ventes de véhicules gazole. Résultat : depuis 2016, le solde global des échanges commerciaux en biocarburants est déficitaire « et continue à se creuser ». La part de biocarburants made in France consommés dans l’Hexagone, qui était de 68 % en 2014, n’est plus que de 48 % en 2019. Pire : la part des matières premières agricoles dans cette filière qui recule, est elle-même en déclin. « Le biodiesel emploie un quart de matières premières françaises seulement (principalement du colza), alors que les biocarburants essence en utilisent deux tiers (betteraves et céréales) », constatent les spécialistes de la Cour des comptes.

Des revenus agricoles qui s’étiolent

Quel est le bilan du côté du secteur agricole ? Il a moins bénéficié de la dynamique des années 2000, avec 13 500 emplois au sein des exploitations, contre 18 600 au sein des agro-industries. Si « les biocarburants constituent un marché complémentaire important », le rapport établit toutefois que « l’intérêt des biocarburants est nuancé pour les exploitants spécialisés en oléo-protéagineux, plantes sucrières et céréales, qui ont vu leurs revenus agricoles par exploitation devenir inférieurs à la moyenne ».

Biocarburants et environnement, un bilan ambigu

Troisième et dernière lame passée par le document sur la filière : son empreinte environnementale et climatique. Les atteintes à la biodiversité et à la qualité des sols et de l’eau sont avérées, selon la Cour des comptes qui appelle toutefois à affiner ces constats. Même analyse concernant la qualité de l’air et l’empreinte climatique des biocarburants. L’évaluation des émissions de GES dans les transports dues aux biocarburants, « en apparence satisfaisante », ne prend pas suffisamment en compte le fameux changement d’affectation des sols, CAS. Au cœur de nombreux débats scientifiques, le CAS correspond aux émissions de carbones dues à l’utilisation de terres auparavant non-agricoles pour la productions de biocarburants.

Cinq recommandations

Parmi les cinq recommandations émises par la Cour des comptes, la première porte clairement sur la nécessité de mieux documenter les interactions entre les filières de production de biocarburant et l’environnement, « en prenant en compte leurs origines géographiques ». Les quatre autres recommandations :

  • Inciter l’UE à revoir ses paramètres d’évaluation de l’intérêt des biocarburants dans le cadre de la directive européenne sur les énergies renouvelables, en prenant davantage en compte leur origine géographique, les critères actuels tendent à « avantager les producteurs extra-européens ».
  • Revoir le système de réduction de taxes accordées pour la mise à la consommation des agrocarburants (SP95 E10, E85, ED 95, gazole B100) en les basant sur des « données fiables et objectives de surcoûts ».
  • Achever de déployer la base de données interactive CarbuRe, lancée au printemps 2021 et que les opérateurs doivent alimenter, et plus globalement renforcer les moyens d’observation et d’analyse de la filière.
  • Définir une stratégie pour préciser l’évolution à long terme respectivement des biocarburants conventionnels et biocarburants avancés dans le mix énergétique des transports.