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Biocarburants, Avril anticipe les débouchés liés aux impératifs de l’aviation

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Pour le secteur de l’aviation, la décarbonation passera par des carburants « durables ». Une loi européenne devrait être adoptée d’ici à la fin d’année 2023, imposant des taux d’intégration progressifs de ces carburants dans le kérosène. Dans ce cadre, Avril estime que certaines espèces oléoprotéagineuses, implantées en cultures intermédiaires, pourraient être à la base de nouvelles filières de biocarburants.

Jean-Philippe Puig et Kristell Guizouarn, respectivement DG et responsable des affaires réglementair - © D.R.
Jean-Philippe Puig et Kristell Guizouarn, respectivement DG et responsable des affaires réglementair - © D.R.

En France comme en Europe, le secteur de l’aviation se prépare à une évolution de son approvisionnement en carburants. Le renouvelable va progressivement s’imposer dans les réservoirs. « Les projections à 2050 montrent que pour les véhicules terrestres, la décarbonation passera par l’électrique ou les solutions gazeuses, introduit Jean-Philippe Puig, DG d’Avril, lors d’un point presse organisé le 26 septembre. Ces alternatives ne sont pas compatibles avec les contraintes du secteur aérien. Les biocarburants, si. »

Une loi européenne proche d’aboutir

De fait, l’Union européenne devrait se fixer des objectifs en la matière à très court terme. « Un texte déjà validé par le Parlement sera étudié et probablement validé par le Conseil d’ici à la fin de l’année 2023, précise Kristell Guizouarn, directrice des affaires réglementaires d’Avril. Il sera applicable à tous les États membres, qui devront incorporer 2 % de carburants durables dans le kérosène en 2025, 6 % en 2030, puis 70 % en 2050. » La France se veut avant-gardiste. Elle n’a pas attendu cette future loi européenne pour établir son propre cap. Depuis 2022, 1 % de carburants durables est intégré dans le kérosène proposé par les aéroports français. En 2024, ce sera 1,5 %. « Les pénalités s’élèvent à 1400 € par mètre cube non-incorporé, ce qui est réellement dissuasif, précise Kristell Guizouarn. Ce n’est pas une mesurette. »

Lobbying pour définir les carburants durable de l’aviation

Ce virage ouvre des portes intéressantes aux filières de biocarburants issus de l’agriculture. Car, pour le moment, les carburants durables incorporées dans le kérosène sont essentiellement produits à partir d’huiles recyclées. Les acteurs des filières oléoprotéagineuses ont pesé pour que les huiles issues de leurs cultures soient intégrées dans la liste des composants autorisés dans les carburants durables. Si cette liste n’est pas encore tout à fait arrêtée, Kristell Guizouarn se veut raisonnablement optimiste : « Nous avons notamment défendu l’idée d’une huile produite à partir de cultures intermédiaires insérées entre deux cultures principales, avance-t-elle. Cela permet d’éviter la consommation de terres additionnelles pour leur production. »

Une piste qui permettrait d’éviter les critiques liées à une concurrence alimentaire, récurrente quand il s’agit de biocarburants d’origine agricole. Avril l’a également fait valoir auprès de la mission d’information du Sénat sur le développement « d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert », au premier semestre 2023.

L’aval presque prêt, des défis pour l’amont

Pour Avril, la structuration d’un cadre européen peut être le déclencheur de la création de nouvelles filières prometteuses. Jean-Philippe Puig explique que le groupe est dans l’anticipation. « Les biocarburants que nous proposons actuellement ne sont pas adaptés aux avions, reconnaît-il. L’adaptation de notre outil industriel n’est pas un problème, nous savons comment procéder. Mais en amont, nous devons relever un défi agronomique concernant les espèces adaptées aux cultures intermédiaires. » De premières réflexions et expérimentations sont engagées notamment autour des cultures de carinata, de tournesol « de cent jours » ou de cameline, avec perspectives plus ou moins prometteuses. Selon son directeur général, Avril prépare son outil industriel pour être opérationnel, dès 2025, afin de gérer 100 000 tonnes de graines de cameline, « en espérant évidemment que ce volume soit produit en France », glisse Jean-Philippe Puig.