La cameline, pour faire décoller une nouvelle filière biocarburants
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Pour produire des biocarburants compatibles avec les impératifs du secteur aérien, Avril envisage de développer une nouvelle filière à base de cameline, implantée en interculture. Si les perspectives sont prometteuses, une conférence de presse organisée le 26 septembre a permis d’aborder les multiples challenges à relever.
« On retrouve les sensations que l’on avait il y a 20 ou 30 ans, quand une filière biocarburants se construisait autour du colza. » Agriculteur dans l’Eure, Fabrice Moulard affichait son enthousiasme, le 26 septembre lors d’un point presse organisé par Avril. Il a implanté en 2023, pour la première fois, de la cameline en interculture sur deux de ses parcelles. En espérant contribuer aux premiers pas d’une filière d’avenir.
Avril dans les starting-blocks
La loi européenne imposera bientôt au secteur de l’aviation d’intégrer progressivement des carburants durables dans leur kérosène. Avril a fortement pesé pour que les biocarburants issus de cultures intermédiaires soient éligibles. En relation avec Terres Univia, des réflexions sont engagées autour du potentiel de la cameline. Comme l’explique Jean-Philippe Puig, l’outil industriel d’Avril est compatible avec le raffinage des graines de cette culture. « Une adaptation est nécessaire, mais raisonnable, affirme-t-il. Nous pensons être prêts à transformer 100 000 tonnes de cameline en 2025. » S’il espère que ce volume sera 100 % produit en France, l’aval a toutefois un peu d’avance sur l’amont.
Les semenciers challengés
En ce qui concerne les semences, Avril a rencontré les grandes firmes françaises fin septembre. « L’occasion de les inviter à regarder s’ils ont des variétés intéressantes dans leurs catalogues », glisse Jean-Philippe Puig. Lancer de nouveaux programmes de sélection est envisageable, mais nécessiterait plusieurs années… À ce stade, les semences de cameline sont principalement importées d’Espagne.
Les OS intéressés
« La cameline a ses spécificités qui la distinguent des cultures traditionnelles, précise Jean-Philippe Puig. Elle nécessite un tri rapide pour éviter les germinations, sa graine est plus petite que le colza. » L’adaptation de la chaîne logistique d’une coopérative ou d’un négoce se pose. Les quelque cinq tonnes de graines, maximum, que Fabrice Moulard récoltera cette année, seront expédiées à un voisin équipé pour les trier et les stocker. « Plusieurs coopératives sont attentives à l’émergence d’une telle filière, affirme Jean-Philippe Puig. Aussitôt que les volumes seront conséquents, et le débouché structuré, ce maillon répondra présent. »
Passer de 100 ha à 250 000 ha de cameline
La course contre la montre se joue surtout au niveau agricole. Selon les estimations d’Avril, les 100 000 tonnes de graines que le groupe sera en mesure de transformer en 2025 nécessiteraient 125 000 à 250 000 hectares d’intercultures. Un total qui ne semble pas inaccessible en soi. Mais en 2023, seuls 50 à 100 hectares de cameline auraient été implantés, en culture intermédiaire, avec une vocation très expérimentale. « Nous découvrons des choses intéressantes, souligne Fabrice Moulard. Il semble que la cameline se plaise davantage après un pois qu’une céréale. Sachant que nous cherchons des raisons de privilégier le pois dans les rotations, si cette culture est effectivement favorable à une interculture rémunératrice, cette stratégie pourrait être incitative. »
La rémunération est, de fait, un paramètre essentiel du décollage, ou non, de la cameline. « Les producteurs de carburant pour l’aviation savent qu’ils devront bientôt s’adapter, juge Jean-Philippe Puig. Ils cherchent des gisements, et quand ils seront obligés d’incorporer des carburants durables, ils y mettront le prix pour éviter les sanctions. » Reste qu’une économie basée sur une interculture est moins robuste qu’une culture principale. « Une culture intermédiaire peut avoir un rendement très faible, voire nul, rappelle Fabrice Moulard. Il faudra bien répartir le risque, pour que l’agriculteur ne se retrouve pas à payer seul les charges d’une interculture qui ne prend pas. »