Bilan de crise par filières, les présidents de coopératives des Hauts de France témoignent
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Si le marché du blé tendre se porte bien à l’export comme dans l’hexagone, ce n’est pas le cas de toutes les filières. Dans la région Hauts-de-France, plusieurs productions subissent la crise du Covid-19 de plein fouet : lin, sucre, éthanol, pomme de terre. Témoignages de présidents issus de la coopération agricole sur leur secteur.
Certes prioritaire, le secteur agricole ne reste pas moins fragilisé par la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Dans la région des Hauts-de-France, plusieurs filières subissent la chute des cours, se retrouvent en panne de débouchés ou face à des difficultés de stockage.
Céréales, l’appro-collecte peu pénalisée
Globalement, la campagne d’appro et les expéditions de céréales, notamment de blé tendre, vers les usines et les ports se déroulent sans trop de problèmes, malgré quelques tensions sur du réapprovisionnement de semences et d’engrais azotés. Alors que Jean-François Loiseau saluait le maintien des trains de fret le 15 avril après le conseil spécialisé dédié aux céréales de FranceAgriMer, Bertrand Magnien, président de la Coopération agricole Hauts-de-France, nuance le constat. « Dans notre région, le trafic ferroviaire sur les courtes distances pour rejoindre Rouen a baissé de près de 70 % pendant le confinement. Heureusement, il commence à reprendre. Nous avons dû compenser par du fret par camion, et forcément nous perdons en compétitivité. » Si la région ne compte pas de malteries, elle reste toutefois une source d’approvisionnement pour cette industrie. « Pour l’instant, nous n’avons pas encore d’inquiétudes sur l’écoulement de nos orges. En revanche, pour le prix, la prime brasserie, qui doit différencier l’orge de brasserie de l’orge fourragère, est quasi nulle. »
Impasse technique pour le stockage en pommes de terre
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« Cette crise aura forcément des répercutions à long terme », estime Bruno Demory, président de la coopérative Expandis qui produit chaque année 150 000 tonnes de pommes de terre, dont un tiers pour l’industrie de la frite.[/caption]
Avec l’arrêt de la restauration hors domicile, le marché de la pomme de terre industrielle, notamment pour les frites, souffre. Si la réouverture des féculeries ou un transfert sur le marché de la pomme de terre de consommation ont été envisagés, Bertrand Magnien réfute : « Cela ne ferait que détruire ces marchés qui se portent bien ». La coopérative Expandis, qui produit environ 50 000 t pour le marché de la frite a déjà baissé de 10 à 15 % ses assolements 2020, en lien avec les annonces faites par McCain, son client. À ce problème de débouchés s’ajoute celui du stockage. Le CIPC, un produit de conservation, devait être interdit à partir du 1er juillet 2020, date à laquelle les producteurs auront encore exceptionnellement de la marchandise en stock. Si la profession a obtenu un délai, les fournisseurs eux, ont arrêté la production de cette solution. Les producteurs de pommes de terre se retrouvent dans une impasse. « Nous étions sensés nettoyer les bâtiments de stockage pour éviter les résidus. Mais les prestataires ne pouvaient pas travailler. Nous avons donc demandé un assouplissement des seuils auprès de l’UE », explique Bruno Demory, président de la coopérative Expandis.
Inquiétude pour le sucre comme pour l’éthanol
« Les cours mondiaux du sucre se sont effondrés mais nous n’avons pas encore entamé les nouvelles négociations. A ce jour, les groupes sucriers tiennent leurs engagements en matière de prix et de volume », constate Bertrand Magnien. Côté éthanol, les inquiétudes demeurent, avec l’effondrement du cours du pétrole et la réduction drastique de la circulation mondiale. « Heureusement, les coopératives françaises ont les capacités de stockage, et transforment une partie de l’éthanol en alcool pharmaceutique. Cela ne compense pas tout, mais permet de tenir. » Toutefois, le Brésil, gros producteur, pourrait décider d’exporter en masse dans les prochains mois, c’est pourquoi la profession demande une réduction des quotas d’importation d’éthanol extérieur à l’UE.
Lin, l’aide au stockage pour pallier la crise
Le secteur du lin a été victime de la crise bien avant le début du confinement. La Chine, son principal client, a fermé ses frontières dès janvier. « Dès les semis 2020, les entreprises ont demandé à leurs agriculteurs de réduire les surfaces, mais la vraie baisse sera pour la récolte 2021 », considère Hubert Brisset, président de la coopérative Opalin. Les entreprises qui transforment la paille en fibre longue sont à l’arrêt depuis le 17 mars. « Elles ont pu reprendre l’activité depuis le 20 avril, si elles le souhaitent, mais toutes se sont engagées à rester en-dessous de 30 % de leur activité », explique le président, afin de maintenir les cours. Heureusement, le lin, qu’il soit en paille ou en fibre longue, se conserve plusieurs années. « Notre priorité est la demande d’aide pour le stockage, notamment pour trouver des bâtiments, afin que nos agriculteurs puissent faire de la place pour les prochaines récoltes. Nous discutons avec la Région, mais aussi l’UE puisque nous devrions être éligibles au stockage privé », conclut Hubert Brisset.