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Créer un contrat blé premium à la bourse de Chicago, une idée réaliste ?

Le | Cooperatives-negoces

L’idée a été évoquée par Thierry Blandinières, le patron d’InVivo, lors du congrès de l’AGPB, le 1er juin. L’enjeu : valoriser une qualité de blé niveau RSE avec un premium payé sur la bourse de Chicago. Et ainsi, créer une démarche de différenciation au niveau des commodités qui représentent, pour la France, près de 80 % des volumes à l’export. Référence Agro a demandé à plusieurs acteurs du marché des céréales si cette idée pouvait faire son chemin : les premières réactions sont plutôt dubitatives.

Créer un contrat blé premium à la bourse de Chicago, une idée réaliste ?
Créer un contrat blé premium à la bourse de Chicago, une idée réaliste ?

Le 1er juin, Thierry Blandinières, le directeur général d’InVivo était invité au congrès de l’AGPB pour s’exprimer sur l’innovation, la transition agroécologique et le conseil aux agriculteurs. Il a également parlé export et création de valeur. Selon lui, pour valoriser, sur le marché international, les efforts des agriculteurs français en matière de pratiques environnementales, il faut s’engager collectivement. Il a donc émis une idée qu’il souhaiterait voir se concrétiser d’ici à 2030.

Montrer l’exemple

« Pourquoi ne pas se mettre d’accord avec nos amis américains pour valoriser une qualité de blé niveau RSE avec un premium payé sur la bourse de Chicago ? Nous ne ferons vraiment bouger les lignes que quand nous aurons ce levier au niveau des commodités qui, rappelons-le, pèsent près de 80 % de la production française. À mon sens, l’Europe doit montrer l’exemple. Mais sans les Américains, nous ne pourrons rien faire. Allons rencontrer Cargill, ADM et tous les ABCD pour créer ce levier de différenciation et de valeur afin de sécuriser le revenu des agriculteurs français ».

Le prix avant tout

Un projet ambitieux qui interroge les acteurs du monde des céréales. Valoriser les pratiques RSE sur le marché à terme ? « Hors Europe, ce que demandent nos clients, c’est une qualité et un prix, constate un responsable d’union de collecte. Et aujourd’hui, la meilleure qualité à l’export, c’est le prix ! Nos clients du Maghreb, de l’Afrique de l’Ouest souffrent de la crise. Ils tirent les prix, tardent à se positionner, voire annulent certains chargements. Aucune demande de marchandises aux couleurs « RSE » n’émane pour l’heure des acheteurs. À plus long terme, une telle exigence s’imposera peut-être… mais vers quelles destinations ? »

Un marché de niche

Même écho du côté d’un trader. « Pour qu’un marché à terme fonctionne, il faut la rencontre d’une offre et d’une demande, et le plus souvent, sur un produit banalisé, standard. Là, ce serait tout l’inverse. Plus le produit est technique et spécialisé, plus nous sommes sur un marché de niche avec des difficultés plus grandes à attirer des clients, explique-t-il. L’exemple des filières CRC est parlant. Le prix de ces blés s’indexe en primes par à rapport à une cotation Euronext. L’idée de promouvoir et de valoriser les pratiques environnementales est légitime. Mais cela doit-il passer par la création d’un nouveau marché à terme ? Je suis dubitatif. »

Sécurité alimentaire ou sécurité sanitaire ?

L’ambition émise par Thierry Blandinières de viser directement la Bourse de Chicago, et non Euronext, est en revanche très bien comprise. « Pour être visible, pour générer du flux, de la liquidité, cette stratégie semble effectivement la plus pertinente, commente un directeur de coopérative. Mais aujourd’hui, seuls les clients français, et quelques-uns de nos voisins européens, s’intéressent aux pratiques liées à la RSE. Car les consommateurs de ces pays exigent des aliments plus sains. Mais ailleurs, la plupart des acheteurs de blé cherchent avant tout à asseoir la sécurité alimentaire de leurs populations. Peu raisonnent en termes de sécurité sanitaire. En tout cas, ils ne sont pas prêts à payer plus pour avoir une marchandise produite plus vertueusement. Pas encore. »