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Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien…

Le | Cooperatives-negoces

Les distributeurs de l’Ouest se sont retrouvés pour les 35 ans du Space à Rennes, dans une ambiance détendue. Si le moral des céréaliers et éleveurs est bon, tiré par les prix à la hausse, les inquiétudes pour les prochaines années sont réelles, du fait des perspectives de prix des intrants et de l’énergie. Les coopératives et négoces sont également confrontés à des problèmes de recrutement et au renouvellement des générations. Tour des stands chez Agrial, Cavac, Cooperl, Eureden, Garun-Paysanne, Le Gouessant, Négoce Ouest et Terrena

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien…
Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien…

Pour la deuxième année, le Space, se tenait sur trois jours en présentiel, du 13 au 15 septembre à Rennes. Si la journée d’ouverture était calme, les deux autres jours ont connu une affluence très correcte, selon les distributeurs présents au salon dédié aux productions animales. « Les agriculteurs du sud de la Loire venaient peu les autres éditions, explique Jacques Bourgeais, directeur de Cavac. Or, cette année nous avons rencontré pas mal de monde, sûrement lié à la précocité des récoltes et des chantiers d’ensilage. »

Les agriculteurs ont le moral

Hormis sur le secteur des légumes, les agriculteurs, céréaliers comme éleveurs, ont le moral. « La récolte n’est pas excellente, mais les prix sont en hausse, reconnaît Christophe Couroussé, directeur développement agricole chez Terrena. L’ambiance est sereine, mais concentrée sur les prochaines années, avec des questions montantes comme le carbone et l’énergie. Ce sont de bonnes réflexions ! »  Le thème de l’environnement, qui avait quelque peu disparu des stands ces dernières années, a ainsi fait son retour dans les communications des stands.

Les inquiétudes pour les prochaines campagnes étaient toutefois palpables. « Cette année, la valorisation est bonne et les intrants ont été achetés à des prix relativement bas par rapport à ce qui nous attend », explique Ludovic Spiers, directeur d’Agrial. Or, avec la succession d’évènements hors norme, les agriculteurs semblent vouloir vivre au jour le jour. Les projections sont également compliquées pour les entreprises. « Difficile de penser investissements actuellement », reconnaît Céline Bernardin, responsable communication de Cavac. Ludovic Spiers abonde : « Nous sommes devant un flou. Nous avons le tournis car nous étions habitués à gérer avec de la stabilité. »

Énergie et recrutement

Le coût de l’énergie pourrait peser lourd sur les entreprises, même si elles pressentent que l’agriculture sera un secteur prioritaire. Tous les distributeurs ont sorti leurs calculettes pour identifier les postes les plus énergivores et là où les économies sont possibles. La faible collecte en maïs pourrait même être perçue comme une bonne nouvelle, car elle réduit la facture de séchage.

Les coopératives et négoces sont également confrontés à la problématique du recrutement. Sur les stands d’Eureden et de Le Gouessant, les services ressources humaines étaient sur le pont.  « Nous avons signé un accord de télétravail, jusqu’à deux jours par semaine, pour ceux qui le peuvent », précise Caroline Vignon-Nogues, responsable communication et marketing de Le Gouessant.

Le renouvellement des générations inquiète

Enfin, à plus long terme, c’est bien le renouvellement des générations qui inquiète. « Nous savons qu’un agriculteur sur deux partira à la retraite dans dix ans en Bretagne, c’est un enjeu majeur pour nous, insiste Pierre Antonny, directeur d’Eureden agriculture. Or, l’attractivité du métier est faible. » Les distributeurs se tournent vers les nouveaux arrivants pour reprendre les exploitations. « Dans dix ans, nous aurons davantage d’agriculteurs non issus du milieu agricole, indique Christophe Couroussé. C’est un risque supplémentaire à anticiper. » Sébastien Blot, directeur de la coopérative Garun-Paysanne alerte sur la décroissance du secteur du porc et de la volaille. « Si nous n’avons pas de visibilité sur les prix des produits finaux, nous n’arriverons pas à installer des jeunes », prévient-il.


Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Ludovic Spiers, directeur d’Agrial

« Le moral est bon, mais il y a une inquiétude pour l’avenir, et la question de l’énergie va prendre toute sa part. La période 2023 - 2024 va être compliquée. Une chose est sûre : l’inflation va durer jusqu’en 2024 et il est actuellement difficile de le répercuter à l’aval. Nous faisons tampons. Les prix alimentaires devraient augmenter : le consommateur va acheter moins cher et réduire ses achats. »

Quid de l’énergie ? « Nous avons intégré cette question dans notre stratégie à horizon dix à quinze ans, mais nous ne sommes pas encore prêts. Un des problèmes sera sur le lait que nous sommes obligés de garder au froid. Si nous avons des ruptures énergétiques, nous ne pourrons plus le collecter. Nous n’avons pas de solutions pour les filières frais. »

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Jacques Bourgeais, directeur de Cavac

« Les campagnes 2021 et 2022 ont été correctes, le moral des agriculteurs est bon. Mais l’anxiété est pour 2023, avec la hausse du prix des intrants et de l’énergie, insiste Jacques Bourgeais. Nous espérons que les prix agricoles vont rester à un niveau élevé ». Impliquée dans les engrais organiques, avec Fertil’Eveil, Cavac devra toutefois composer avec une baisse de production liée à la grippe aviaire et au fait que des éleveurs ont choisi de conserver leur propre matière organique. Cavac avoue accompagner encore timidement les crédits carbone. « C’est parfois beaucoup d’énergie pour pas grand-chose », indique le directeur.

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Philippe Duros, responsable commercial efficience végétal, et Dominique Masson, responsable action commerciale à la Cooperl

La Cooperl a axé sa communication sur la Responsabilité sociétale et environnementale. « Nous parlons territoires, humains, planète, bien-être animal, explique Dominique Masson. C’est le fondement de l’avenir des exploitations. Elles ne trouveront pas de repreneurs si nous faisons comme il y a trente ans. »  Dans ses locaux, la Cooperl a créé une « bulle environnement », il y a six mois, soit une salle dédiée à ce que la coopérative fait en la matière à destination des jeunes, des journalistes, du grand public, mais également des salariés.

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Pierre Antonny, directeur d’Eureden agriculture

« Avec une année mauvaise sur les légumes, les enjeux des impasses phytosanitaires et de l’irrigation reviennent en force. Or, nous avons peu de retenues en Bretagne. La guerre en Ukraine a augmenté la compétitivité des céréales par rapport aux légumes et nous craignons les transferts de l’un vers l’autre. Nous expliquons que la diversité des assolements contenue dans les éco-régimes de la nouvelle Pac est un atout pour la filière maraîchage. Quant à l’énergie, la consigne sera de ne pas dépasser 19°c dans les bureaux. L’éclairage et les températures des magasins Verts seront également réduits. »

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Sébastien Blot directeur de la coopérative Garun-Paysanne

La coopérative Garun-Paysanne communiquait sur la bonne performance de l’entreprise. « En quatre ans, nous sommes passés d’une production de 300 000 tonnes d’aliments à plus de 400 000 tonnes en 2021. Cela conforte notre modèle économique, explique Sébastien Blot. La collecte a été excellente en céréales : 153 000 tonnes contre 125 000 tonnes en 2021. Mais elle sera très basse en maïs. »  L’énergie sera un des plus gros dossiers de la rentrée pour la structure et son impact sur le coût de production de l’aliment. Garun-Paysanne travaille également sur l’empreinte carbone. « Un audit a été demandé en 2021, pour établir un point initial, poursuit le directeur. Les résultats seront disponibles en 2023. »

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Caroline Vignon-Nogues, responsable communication et marketing de Le Gouessant

Le Gouessant communiquait sur Physior, un concept de bâtiment d’élevage axé sur le bien-être animal. Démarré en 2020, il concerne actuellement trois élevages, avec pour objectif une vingtaine de fermes d’ici à 2025. La coopérative reste également engagée sur le bio : la nouvelle usine d’ingrédients, située à Noyal-sur-Vilaine, sera inaugurée fin septembre. Côté productions végétales, le service a été restructuré il y a un an, avec l’arrivé de Guillaume Priou, directeur de l’activité. Avec le choix de la vente des produits phytosanitaires, la structure se tourne vers le développement des services, comme les OAD et l’agronomie.

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Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Frédéric Gaudin, directeur de GM Solutions, et Vincent Bernard, délégué régional de Négoce Ouest[/caption]

Vincent Bernard, délégué régional de Négoce Ouest

Les négociants ont défilé sur le stand de Négoce Ouest pour rencontrer leurs clients. « Beaucoup d’entreprises ont répondu présent, c’est mieux que ce que nous pensions », se réjouit Vincent Bernard. Les préoccupations tournent autour de l’énergie, même si cette année, la faible récolte du maïs n’a pas fait exploser les factures, et de la disponibilité en engrais pour le printemps prochain. « Il y aura des impasses », assure Vincent Bernard. Le risque d’un manque de semences de maïs plane également. « La multiplication n’a pas été au rendez-vous, ajoute-t-il. Or, les éleveurs vont vouloir semer du maïs pour reconstituer les stocks de fourrage. La collecte s’étant déroulée normalement, les équipes ont pu toutefois se reposer cet été pour entamer cette campagne à haut risque. »

Échos du Space 2022, jusqu’ici tout va bien… - © D.R.
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Christophe Courroussé, directeur développement agricole chez Terrena

Traditionnel point de rencontre avec l’adhérent, le stand de Terrena avait notamment pour objectif d’informer sur le projet Terrena 2030. « Il est centré sur l’exploitant, sa qualité de vie et sa relation avec la coopérative », indique Christophe Couroussé. La structure a refait en juin son extranet et a mis en place un indicateur de satisfaction dont une mesure sera réalisée en fin d’année. Terrena entend également offrir des opportunités de développement aux agriculteurs. « Le contexte est chahuté mais nous poursuivons le développement du bio, de la nouvelle agriculture et des contrats de filières », précise-t-il. Autre axe de travail : la synergie culture-élevage, seule garante, selon Terrena, de la capacité à gérer l’enjeu carbone ou celui de l’autonomie protéique. La structure souhaite augmenter la production de semences de fourrage pour sécuriser les stocks des éleveurs.