La facture énergétique, au cœur des stratégies des OS
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Les prix du gaz et de l’électricité atteignent actuellement des sommets jamais égalés. Pour les OS, la facture s’annonce très salée, notamment pour les unités de séchage avec, à la clé, une optimisation des sites et une hausse des frais de séchage pour les agriculteurs. Chacun cherche des solutions pour réduire la note. Témoignages chez Maïsadour, Euralis et InVivo.
Depuis un an, les tensions autour du prix du gaz et de l’électricité n’ont cessé de se renforcer. Difficile de prédire le marché pour les mois à venir mais une chose est sûre, pour beaucoup d’organismes stockeurs, le poste énergie est devenu cette année, pour la première fois, la charge la plus élevée. « C’est le cas chez Maïsadour où il dépasse les transports, la main d’œuvre et les amortissements », témoigne Jean-Louis Zwick, directeur du pôle agricole.
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« En tant qu’acheteur d’énergie, il est aujourd’hui très compliqué d’anticiper », reconnaît Olivier Rebenne chez Euralis.[/caption]
Mettre en place la « stratégie des petits pas »
Avec un prix du gaz qui, en quelques mois, est passé de 20 à 250 € le Mégawatt et celui du MW électrique, de 50 à plus de 900 €, il est aisé de comprendre l’inquiétude des acheteurs d’énergie au sein des entreprises. « Jusque-là, quand le marché subissait une variation de 50 centimes dans la journée, c’était l’affolement général, se souvient Olivier Rebenne, responsable de la filière énergie d’Euralis. En 2021, le prix a été multiplié par quatre et avoisine aujourd’hui les 300 € avec parfois, des variations de 60 €, à la hausse ou à la baisse dans une seule journée ! Résultat de cette extrême tension : personne n’est couvert à 100 %. En tant qu’acheteur, il est très compliqué d’anticiper. Nous pratiquons la stratégie des « petits pas » pour limiter les risques. Je suis d’ailleurs actuellement davantage couvert pour la fin 2023 que pour début 2023 car les tarifs sont plus intéressants. En revanche, il est actuellement impossible de prendre des positions pour 2025.»
Les frais de séchage, en hausse
Euralis consomme en moyenne chaque année 100 000 MW d’électricité et 150 000 MW de gaz, dont 60 à 80 000 MW dédiés aux unités de séchage. « Cette année, du fait de la récolte de maïs en net recul, nous devrions plutôt être aux alentours de 40 000, pronostique-t-il. Rien que pour le séchage, la facture énergétique devrait grossir de 6 M€. C’est considérable ! Pour les adhérents, la hausse du coût des frais de séchage sera de 60 %. Si nous avions appliqué la totalité de l’augmentation du prix, elle aurait été de 1000 %. La coopérative prend une grande partie à sa charge mais elle ne peut pas tout absorber. » La filiale énergie (1), créée par Euralis il y a un an, prend tout son sens. La « vocation énergétique » du groupe est d’ailleurs l’un de ses axes stratégiques.
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« En gaz, nous sommes couverts jusque fin octobre mais nous cherchons déjà à nous positionner pour la récolte 2023, ce qui reste très difficile », confirme Jean-Louis Zwick, directeur du pôle agricole de Maïsadour.[/caption]
Se couvrir pour les récoltes à venir
Chez Maïsadour aussi, les unités de séchage sont au cœur de la facture énergétique : 80 % de gaz et 20 % d’électricité. « Pour le gaz, les achats se font en général en quatre fois au cours de l’année, selon les tarifs proposés, détaille Jean-Louis Zwick. Là, nous sommes couverts jusque fin octobre mais nous cherchons déjà à nous positionner pour la récolte 2023, ce qui reste très difficile. Pour cette campagne, en ayant réservé bien en amont, les prix ont quand même été multipliés par 3 pour le gaz naturel et par 1,5 pour le gaz liquide. Pour ceux qui n’avaient pas réservé, en un an, les tarifs ont pu être multipliés par 10 ! »
« Heureusement », moins de maïs à sécher cette année
La récolte de maïs, annoncée en fort recul, serait presque une bonne nouvelle, d’autant que les taux d’humidité sont, eux aussi, plus faibles. « La récolte a débuté mi-août, un record de précocité pour le groupe, poursuit Jean-Louis Zwick. L’enjeu est de faire fonctionner les séchoirs en flux continu, sans les saturer mais sans les arrêter. Avec une collecte de maïs en baisse de 40 %, certains séchoirs ne seront pas allumés. Les tarifs de séchage, eux, vont être ajustés pour ne pas que les adhérents subissent de plein fouet la hausse. Ramenée à la tonne de grains séchés, la hausse avoisinera les 2 € pour l’électricité et entre 10 et 15 € pour le gaz. »
Déployer des plans de sobriété énergétique
Sur son site d’Ottmarsheim, au bord du Rhin, InVivo est également un gros consommateur de gaz pour le séchage des grains. « Le gaz représente entre 50 et 60 % du prix du séchage, précise Nicolas Barjot, le directeur d’exploitation du site. La hausse de ces derniers mois fait augmenter le coût de séchage de 50 à 150 %. » Le groupe a d’ailleurs fait part, la semaine passée de sa volonté d’accélérer son plan de sobriété énergétique d’ici à 2025, sur l’ensemble de ses sites et de ses magasins.
Réduire la consommation d’énergie, une solution déjà enclenchée
Réduire la consommation d’énergie n’est pas un sujet nouveau pour Maïsadour. Certifiée Iso 50001 depuis 2015, le groupe a déjà réduit sa consommation de 15 % en cinq ans (2). Certification également décrochée par Euralis en 2017 qui avance une diminution de sa consommation de 10 % en quatre ans. Tous veulent accélérer sur le dossier. Objectif de Maïsadour : réduire en moyenne de 2 % chaque année. Pour diminuer la facture, Euralis a identifié deux leviers : « accroître l’efficacité énergétique des bâtiments, via des projets de fond comme le changement de mode d’éclairage ou l’isolation ; et développer la sobriété énergétique en impliquant chaque salarié », précise Olivier Rebenne. Le groupe compte développer le photovoltaïque pour « produire 20 à 25 % de ce que nous consommons, poursuit-il. Un projet de 70 M€ pour installer 300 000 m2 de panneaux sur les toits des installations du groupe et sur 30 ha au sol. Un projet à long terme qui commence doucement », reconnaît-il.
(1) Cette filiale, créée il y a un an, est encore en cours de construction. Pour l’heure, elle rassemble deux personnes. Mais deux recrutements sont prévus dans les mois à venir.
(2) Maïsadour a accueilli, durant trois ans, Sébastien Ducos, doctorant qui a fait une thèse sur la consommation d’énergie. Ou comment la collecte de données en temps réel au sein d’un séchoir peut faire baisser la facture énergétique.