En plaine, tout n’est pas encore joué
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Fin janvier, nous avions fait un point sur l’état des semis de céréales d’hiver dans les zones fortement touchées par les intempéries. Deux mois après, quelle est la situation ? Les implantations tardives ont-elles pu avoir lieu ? Quel est l’état des cultures en place et quelles sont les prévisions pour ce printemps ? La réponse chez Cavac, Océalia, Unéal, EMC2, Armbruster et Bourgogne du Sud.
Cavac (85) - Christophe Vinet, directeur des productions végétales - « Dans les terres de limon, beaucoup de blés ont pourri »
La Cavac est l’une des coopératives qui paie le plus lourd tribu des difficiles conditions d’implantation à l’automne. Près de 50 % des hectares de blé tendre n’ont pas pu être implantés. « En cette fin mars, dans ce qui est semé, nous constatons que dans les structures légères, en plaine, les céréales sont les plus belles : le potentiel semble se maintenir. En revanche, dans le bocage, dans les terres de limon, la situation est toute autre. Beaucoup de pieds ont pourri, voire disparu. Dans ces parcelles, nous attendu un recul des rendements compris entre 15 et 20 %. En revanche, bonne nouvelle pour les blés durs où, au 25 mars, près des 90 % des semis prévus dans les zones de marais sont réalisés. En 2020 aussi les implantations avaient été tardives et les résultats étaient au rendez-vous. Nous espérons désormais que la nouvelle période de pluie annoncée pour les jours à venir ne sera pas trop importante. Pour les semis de printemps, le maïs grain devrait, en Vendée, être le grand gagnant avec une progression de la sol de 25 à 30 %. »
Océalia (16) - Philippe Ballanger, directeur terrain - « Entre 10 000 et 15 000 ha de blés sont jugés à risque »
« Depuis fin janvier, peu d’évolution sur les surfaces de céréales d’hiver implantées car les fenêtres climatiques propices n’ont pas été suffisamment longues pour retourner dans les champs. Les semis d’orge de printemps sont également bien en dessous des prévisions. Et pour ce qui est en terre, la situation est très hétérogène selon les dates de semis et les conditions d’implantation. Pour les blés tendres, les stades vont de fin tallage à 1er nœud. Les parcelles les plus avancées sont celles qui ont bénéficié de bonnes conditions mi-octobre. Pour les autres, des déficits d’enracinement sont constatés avec la crainte de chaleur et de sécheresse en mai : un climat qui mettrait à mal le potentiel de ces cultures. Au final, sur les 75 000 ha de blé semés, entre 10 000 et 15 000 ha sont à risque ! Pour les semis de printemps, le maïs devrait progresser : nous prévoyons entre 15 et 16 % d’hectares en plus. La sole de tournesol est attendue également en hausse, entre 5 et 8 %. À la marge, le sorgho, le millet et le sarrasin aussi. »
Unéal (62) - Maxime Thuillier, directeur céréales - « Seules 20 à 25 % des surfaces d’orge de printemps sont semées »
« Certaines parcelles de blé tendre, inondées, devront être retournées, dès que les sols permettront une entrée des engins. Cela représente près de 5 % des surfaces. Au final, pour la coopérative, nous tablons sur 10 % de volume en moins pour cette céréale car pour ce qui est en terre, les disparités sont fortes. Près de la moitié des parcelles n’ont pas pu être désherbées avec un impact certain sur le rendement final. Aujourd’hui, seulement 20 à 25 % des orges de printemps ont pu être semées : nous arrivons désormais dans les dates limites. Le maïs devrait profiter de ce contexte et pourrait progresser de 50 à 100 %. Car les alternatives au printemps sont peu nombreuses : si les industriels ne peuvent pas absorber plus de surfaces de betterave et de lin, en pomme de terre, c’est le manque de plants qui risque d’être limitant. »
EMC2 (55) - David Meder, directeur terrain - « Les prévisions de semis d’orge de printemps sont en baisse »
« La zone d’EMC2 a été peu impactée par les pluies automnales, comparée à d’autres régions de France. La sole des céréales d’hiver a été quasiment normale, en dehors de quelques parcelles qui, après le maïs et le tournesol, n’ont pas eu le temps d’être semées avant la pluie. Mais depuis, l’état des cultures s’est dégradé, en raison de l’humidité du sol. Dans certaines terres hydromorphes, les plantes sont asphyxiées. Le colza est la culture la plus concernée, entre 5 et 20 % des parcelles devront être retournées. Dans d’autres secteurs, les tracteurs n’ont pas pu rentrer dans les champs, car ils risquaient de ne plus pouvoir en sortir, et les cultures souffrent du manque d’azote. Quant aux semis à venir, ils sont incertains : nous sommes dans un secteur qui produit beaucoup d’orge de printemps, mais les prévisions sont en baisse, car la météo ne nous donne pas la possibilité de semer. Les agriculteurs changent leur fusil d’épaule, et pourraient se tourner plutôt vers le maïs ou le tournesol. »
Armbruster (68) - André Streicher, directeur céréales - « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter »
« Les conditions de semis du blé et du colza ont été un peu moins bonnes que l’année dernière, mais dans l’ensemble, nous avons été très peu impactés par les pluies. Les surfaces de blé pourraient reculer de 2 à 3 % dans la région, mais rien à voir avec la situation de nos collègues du Nord ou de l’Ouest de la France. Les semis de betteraves ont démarré, mais pas encore ceux de maïs, qui se feront courant avril. La météo s’annonce toujours humide, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter. »
Bourgogne du Sud (71) - Aline Saget, directrice communication - « Les vents forts qui soufflent aujourd’hui font courir des risques aux colzas »
« Des pieds de colza ont disparu en raison des excès d’eau et des problèmes d’altise. Les vents forts qui soufflent depuis quelques jours font courir des risques aux colzas, au niveau de l’enracinement qui n’est pas très bon. Le potentiel devrait être toutefois correct pour la moitié des parcelles. Les orges ont un démarrage tardif, à cause de l’eau et de l’impossibilité d’entrer dans les parcelles pour désherber. L’impossibilité d’accéder aux parcelles pour traiter pose également problème pour les blés, sur lesquels on constate des problèmes de pucerons. A date, ces surfaces ne devraient pas être retournées, mais les rendements seront moins élevés qu’escompté. Concernant les cultures de printemps, il y a beaucoup d’intention de semis en blé et orge de printemps, ainsi qu’en avoine. La sole de tournesol devrait être en régression, tandis que celle de maïs est attendue en hausse, et celle de soja, similaire à l’année dernière. »