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Space 2016 - Pour les distributeurs régionaux, retrouver de la compétitivité

Le | Cooperatives-negoces

Les distributeurs présents au parc expo de Rennes du 13 au 16 septembre 2016 pour la 30e édition du Space étaient unanimes : la situation économique est exceptionnelle car elle concerne à la fois les filières animales et végétales. Les entreprises ont débloqué des aides financières, parfois très conséquentes, pour renflouer les trésoreries des exploitations. Mais au-delà de ces mesures d'urgence, c'est l'accompagnement technico-économique qui est en réflexion.

Toutefois, sur le salon, la situation était plus sereine qu'escomptée. D'une part, les cours du porc se portent mieux depuis la fin de l'année 2015. D'autre part, l'accord trouvé entre les syndicats et Lactalis sur le prix du lait a détendu l'atmosphère avec des perspectives frémissantes de hausse du fait de la demande chinoise. Enfin, sur les céréales, le Grand Ouest enregistre une baisse des rendements moins sensible que dans d'autres régions françaises. Les distributeurs ont donc pu remplir la mission traditionnelle du salon : bien accueillir les agriculteurs, créer un moment de rencontre et de proximité entre l'entreprise et les adhérents. Le tour des stands chez Terrena, la Cooperl, Triskalia, la Cam, Agrial, Le Gouessant, Négoce Ouest, la Cecab et Garun.


Yves Riette, responsable marketing et développement de Terrena

« Pour le lait, les accords signés entre les syndicats et Lactalis ont détendu l'atmosphère. Nous avons organisé des réunions avec les éleveurs laitiers avant le Space sur les marchés et la volatilité des prix, pour donner de la visibilité. Nous savons qu'il y a des écarts de coûts de production de 80 à 100 euros pour 1000 litres de lait entre les producteurs. Et cela n'a rien à voir avec la taille de l'exploitation. Il y aura bien sûr des aides financières pour accompagner les agriculteurs, mais cela ne résout pas le problème. Il faut travailler sur l'accompagnement technico-économique ainsi que sur la connaissance et la maîtrise des coûts de production. Il y a parfois un surinvestissement dans les exploitations.

Par ailleurs, la collecte de céréales a baissé en quantité et en qualité. Elle pose des questions agronomiques de fonds sur la conduite des cultures, la protection des sols dans les grandes parcelles, la résilience des cultures. »


Denis Olivry, directeur branche aliment Cooperl

« Notre objectif est d'apporter le plus de compétitivité à nos éleveurs. C'est la seule façon de s'en sortir. Nous le travaillons depuis de longues années avec nos adhérents, essentiellement des éleveurs porcins, notamment sur l'amélioration du prix de revient. Peut-être qu'en lait, ce travail n'a pas été complètement accompli. Depuis 2007, les écarts de marges brutes par hectare s'élèvent entre 250 et 300 euros à l'avantage de nos éleveurs par rapport à la moyenne. Il est vrai que le marché du porc va mieux, on sort la tête de l'eau. Nous savons que la Chine va importer deux millions de tonnes de viande dans le monde : la Cooperl exporte 450 000 tonnes vers ce pays. Mais nous n'oublions pas que les crises sont structurelles en élevage. Le Space reste un lieu de rencontre où nous expliquons à nos adhérents la compétitivité et nos innovations. »


Georges Galardon, président de Triskalia

« Nous n'avons jamais débloqué autant d'aides à la trésorerie. Entre les ristournes et les différents prêts, l'enveloppe s'élève à 8 M€ pour 2016. Le problème est simple : il nous manque le prix ! Il va falloir retrouver de la compétitivité, moderniser les exploitations et reprendre les investissements dans les outils industriels. La société et les politiques devront par ailleurs s'exprimer sur la reconnaissance du rôle de l'agriculture pour l'alimentation et l'environnement. Nous avons besoin d'aides publiques. »


Jean-Marc Le Franc, directeur production animale CAM

« La CAM a dédié une enveloppe importante pour aider les agriculteurs, d'un montant total de 10,5 M€ entre les mesures d'urgence, notamment pour le lait et les céréales dont la collecte a baissé de 25 %, et celles habituelles. Près de 4 M€ ont été déployés comme avances sur le prix d'acompte de la collecte de céréales, sur un engagement de livraison. Cette mesure a concerné 1000 adhérents environ. Ensuite, le service « recherche économique » a débloqué une aide exceptionnelle de 1,3 M€. À cela s'ajoute les enveloppes classiques : 3 M€ d'avances de trésorerie pour les OP bovins et porcs et 1,2 M€ de fonds de développement sur les productions de porcs, bovins viandes et volailles. Nous allons recruter une personne au sein du service économique pour accompagner les exploitants dans la gestion de l'exploitation. »


Michel Mariette, responsable communication d'Agrial

« La ferme France est touchée sur deux gros secteurs. La crise laitière dure depuis 18 mois, même s'il y a des signes annonciateurs d'une hausse. De plus, cette année, la moisson est catastrophique avec des baisses de rendement de l'ordre de 30 % en moyenne sur notre zone. Heureusement que la moisson 2015 était très bonne. Cela rappelle l'importance des aléas climatiques et économiques, qui provoque une volatilité des marchés. Bien sûr, nous aidons la trésorerie des exploitants. Mais, surtout, nous avons renforcé l'accompagnement technico-économique réalisé par les conseillers. Nos exploitations doivent gagner en performance pour passer les crises. Il y a des écarts de coûts de production d'environ 10 % entre certains producteurs : il y a donc des marges de progrès pour améliorer le prix de revient. » Cette année, Agrial a fusionné avec sept coopératives laitières dans le cadre de son rapprochement avec Eurial. « Toute l'organisation est en construction », précise-t-il.


Patrick Farrier, président du Gouessant ((photo))

« Nous travaillons sur la valeur ajoutée. Nous allons apporter un soutien économique aux producteurs de lait qui sera conséquente car nous sommes particulièrement concernés par ce secteur. Sur la zone, les rendements de blé sont en baisse de 12 %. C'est beaucoup moins que dans d'autres régions. Toutefois, les céréales constituent d'habitude un revenu d'appoint pour les producteurs de lait, qui en auraient eu besoin cette année. Parmi les solutions apportées : nous valorisons les produits de nos adhérents à travers une marque, Terre de Breizh qui existe depuis un an et demie. Nous avons démarré avec les pommes de terre et les œufs, et nous allons lancer une gamme sur le jambon. »


Jean-Yves MOISDON, président de Négoce Ouest

« La collecte de céréales a baissé d'environ 20 % chez les négociants. Nous allons discuter avec les banques pour mettre en place des prêts de mise en terre afin d'aider à l'achat des intrants ». Par ailleurs, pour la deuxième année, Négoce Ouest organisait le 14 septembre un job dating. Une vingtaine de postes de conseillers terrain était proposée. « La difficulté est la méconnaissance de nos métiers. Le négoce a besoin de se faire connaitre. Nous incitons les entreprises à recruter des personnes en alternance qui font des licences professionnelles ou une troisième année technico-économique à la suite d'un BTS. »

Photo : Jean-Yves Moisdon et Yves Chandéris, président et directeur de Négoce Ouest


Serge Le Batz, président, et David Chauvin, directeur de Cecab - Coop de Broons

« C'est une campagne atypique. Même si l'on peut s'attendre à une légère remontée des cours, la situation des éleveurs laitiers est complexe. En céréales, nous avons perdu 15 % de rendement, soit une baisse de marge brute de 450 à 500 euros par hectare. Nous nous inquiétons également des niveaux de production des maïs, du fait du manque d'eau. Une météo qui a aussi impacté la production de légumes : nous serons clairement en dessous de notre prévisionnel et nous aurons du mal à honorer tous nos contrats. Cette année rappelle d'ailleurs l'importance des retenues de substitution de l'eau pour pouvoir irriguer les cultures. »


Sylvain Théon, directeur de la coopérative du Garun

« Les situations se font au cas par cas, car tous les exploitants ne sont pas au même niveau d'investissement ni dans leur remboursement de prêts. Nous avons versé un acompte début septembre sur la collecte de céréales pour renflouer rapidement les trésoreries. Mais nous ne pouvons pas nous substituer aux banques. Le monde de l'élevage connait des crises depuis longtemps et est donc malheureusement habitué à faire avec. »