Stéphane Wilhelm, DG d’Area, « Pour la prochaine campagne, notre chiffre d’affaires dépassera sûrement le milliard d’euros »
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Le 27 octobre, l’Alliance Régionale Est Appro, Area, célébrait ses dix ans, avec un an de retard, en raison de la pandémie. Fondée en 2011, avec le regroupement de l’Union Est Agro, le GIE Transval et la Sica Seine-Yonne, la structure dispose aujourd’hui de 18 membres. À l’occasion de cet anniversaire, Stéphane Wilhelm, directeur général d’Area, s’est entretenu avec Référence agro.
Area fêtait ses 10 ans le 27 octobre à Nancy. L’occasion d’accueillir 400 personnes : directeurs de coopératives, responsables appro, fournisseurs, etc. Tous ont évoqué le contexte actuel chamboulé. Des échos qui confirment ceux relayés dans notre mag dédié aux unions et réseaux de l’appro et de la commercialisation des grains.
Référence agro : Vous fêtez les 10 ans d’Area. Quel bilan tirez-vous de cette première décennie ?
Stéphane Wilhelm : Nous avons su faire progresser l’Union, en attirant de nombreux partenaires depuis la création. Nous sommes passés de 16 à 18 membres et jusqu’à présent, nous n’avons eu aucun départ. Nous avons aussi su faire grandir l’union dans ses activités, notamment avec un pôle services qui consolide, autour de l’animation agronomique, des OAD, de la télédétection, de la traçabilité. Nous avons, par exemple, développé OSS, pour Outil de saisie et de synthèse, qui va équiper les coopératives membres d’Area, ainsi que nos partenaires Axéréal et Inoxa. Il a été développé par l’Union, et va permettre aux responsables agronomiques des coopératives de saisir tous les résultats d’essais de nos protocoles communs (ndlr : Area mène 330 essais, dont, entre autres, 98 en maïs grain, 80 en phyto et 10 en biostimulants), de les exploiter, d’un point de vue statistique et graphique et de pouvoir faire des regroupements. OSS est en cours de déploiement dans les coopératives depuis cet automne.
Quels autres projets pourriez-vous mener ?
À court terme, nous n’avons pas voté de nouveau projet en conseil d’administration, mais il existe des pistes, par exemple, autour de l’organisation logistique. Au cours des échanges qui ont eu lieu aujourd’hui, nous avons aussi entendu les coopératives aborder le problème de fiches CEPP déposées mais qui sont bloquées par l’administration en raison du choix de la vente. Il faudrait peut-être que nous prenions le relais. Nous avions déjà déposé une fiche action en 2021, Pro’Melli, un mélange variétal pour un couvert végétal mellifère.
Comment se profile la campagne 2022/2023 ?
Elle sera dans le prolongement de celle que nous venons de vivre. Nous avons enregistré un chiffre d’affaires à 973 M€, en progression de 50 %, ce qui s’explique par une hausse des prix dans toutes les activités. Pour la prochaine campagne, le chiffre d’affaires dépassera sûrement le milliard, car nous prévoyons des hausses importantes sur les semences, qui avaient été préservées jusque-là. Mais il est important de noter que la finalité de l’Union n’est pas d’accroître le chiffre d’affaires, puisqu’il est le reflet des achats des coopératives.
L’accès aux engrais va poser problème. Aujourd’hui, comment êtes-vous couverts pour le printemps, et de quelles alternatives disposez-vous ?
Aujourd’hui nous avons un taux de couverture équivalent à celui de l’année dernière à la même date. Notre principale difficulté sera d’aller chercher les dernières tonnes, en particulier en raison de difficultés logistiques. La sécheresse de cet été a pénalisé le fret fluvial, qui est notre mode de transport privilégié. Nous aurons ce retard à rattraper au moins jusqu’à décembre. Nous allons avoir des difficultés à nous approvisionner en ammonitrates, et tout l’enjeu est de trouver des alternatives. Nous arrivons à capter des flux en urée, car en Europe, il y a une prime à l’urée de 100 à 150 €/t. L’autre forme d’azote à laquelle nous pouvons avoir recours, particulièrement en systèmes céréaliers, c’est la solution azotée, qui malgré les barrières anti-dumping, retrouve un intérêt économique.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez sur le marché des produits phytosanitaires et des semences ?
Nous allons avoir des problèmes de disponibilités sur une centaine de références de produits phytosanitaires, dès le printemps prochain. À mon sens, il n’y aura pas de rupture sèche, mais des quotas en dessous des besoins. Nous allons devoir répartir ces produits entre nos adhérents, selon des règles établies entre nous et validées par tous, qui reposent sur les cultures, les achats des années passées, les commandes, les taux de couverture…
Pour les semences, toutes les cultures sont impactées, en particulier le maïs, le tournesol et les fourragères. Il faudra accepter de faire des concessions, et semer des variétés différentes. Notre force, c’est qu’Area s’étend sur un territoire de 700 km du Nord au Sud et sur 350 km d’Est en Ouest, ce qui nous permet de traiter toutes les précocités. Nous organisons des bourses d’échange de semences entre les différentes coopératives. Tout le monde peut acheter des semences de colza, mais en fonction de là où il y a de l’eau, elles se sèment ou pas. Cela peut dépanner.
Quelles sont vos relations avec les fournisseurs aujourd’hui. Arrivez-vous à vous faire entendre ?
Dans le contexte actuel, nous avons perdu tous nos repères. L’inflation annoncée atteint parfois 20 ou 30 %, alors qu’auparavant, nous négocions à 1 % près. Nous ne savons plus identifier si une hausse de 24 % ou 27 % c’est un bon prix. Je ne nie pas les problématiques des fournisseurs, mais nous voudrions discuter de leur intensité. Tout le monde doit comprendre que ce qui devient difficile pour les agriculteurs, c’est le cumul. Toutes les matières premières ne peuvent pas être maximisées, car le revenu de l’agriculteur n’est, lui, pas maximisé. Oui, il y a une problématique liée à la hausse de l’énergie, à l’approvisionnement en gaz, mais il ne faut pas tomber dans le « tout ce qui est tendu doit s’envoler ».