Estelle Thibaut, Scara, « Nous attendons des retours du ministère pour nos deux fiches CEPP »
Le | Cooperatives-negoces
La Scara a soumis aux autorités deux fiches actions CEPP depuis 2020. Objectif : faciliter, pour cette coopérative auboise, l’atteinte de ses obligations en matière de certificats d’économies de produits phytosanitaires. Pour le moment, cette proactivité n’est pas récompensée et la Scara attend toujours la validation de ses fiches. Le point avec Estelle Thibaut, directrice générale.
La Scara a proposé deux fiches actions CEPP. Pourquoi avoir initié ce travail ?
Estelle Thibaut : Lors de l’entrée en vigueur de la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, nous avons opté pour la vente de ces produits. En grandes cultures, nous avons constaté que les fiches CEPP existantes ne permettaient pas d’atteindre nos objectifs en tant qu’obligés et donc ne nous permettaient pas de participer autant que nous l’aurions souhaité à la politique d’utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. D’où notre idée de proposer nos propres fiches, adaptées à nos besoins et ceux de nos adhérents. Le responsable de notre pôle agronomie, innovation et services, Philippe Michonneau, s’y est attelé. Une première fiche, centrée sur l’accompagnement des adhérents dans le volet vert d'Agri Confiance, a été soumise à la commission d’évaluation en novembre 2020, qui a émis un avis favorable. Encouragés par ce signal, nous avons travaillé une deuxième fiche, autour de l’utilisation d’un OAD, C3PO pour optimiser le recours aux fongicides en grandes cultures. Nous l’avons présentée à la commission en février 2021 et avons eu également un retour a priori positif, par mail. Mais ces deux fiches n’ont pas été officiellement entérinées, dans les listes publiées depuis.
Avez-vous eu des explications ?
E.T. : Non, nous n’avons eu ni précision, ni commentaire. Il semblerait que cette question se pose : dans quelle mesure une structure comme la nôtre, qui a choisi la vente, pourrait accompagner les agriculteurs dans l’utilisation des produits phytosanitaires, dans le cadre de l’exécution d’une fiche action CEPP ? Nous avons évidemment contacté le ministère de l’Agriculture afin d’en savoir plus, pour le moment sans retour. Nous n’attendons pas passivement, nous allons continuer à solliciter les autorités pour comprendre et avancer. Nous ne contestons pas la finalité de la séparation conseil/vente, ni la méthode, dans laquelle nous essayons au contraire de nous intégrer. Proposer des fiches actions, de façon autonome, est une démarche rare de la part d’un distributeur, surtout pour une coopérative de notre taille. Nous en sommes plutôt fiers ! En revanche, nous avons mis en sommeil nos travaux sur d’autres fiches. Nous avions des idées, notamment une centrée sur l’accompagnement vers la HVE. Mais cela demande du travail, en particulier pour démontrer les effets positifs de l’action présentée afin de réduire les usages de produits phytosanitaires. Nous avons besoin d’un retour clair pour être sûr de ne pas perdre de temps et d’énergie.
Plus globalement, quel regard portez-vous sur la séparation du conseil et de la vente sur votre territoire ?
E.T. : Je pense que la séparation du conseil et de la vente draine une refonte plus vaste qu’un simple changement du métier de technico-commercial comme nous avions l’habitude de l’exercer. Elle pose la question du besoin d’accompagnement des agriculteurs et de la façon d’y répondre dans une période forte de transition agroécologique. Le législateur est parti du principe que le producteur pouvait être plus autonome dans sa prise de décision sur les phytosanitaires. Or, pour ce qui nous concerne, les techniciens de la Scara étaient davantage sollicités pour du diagnostic de parcelles que pour du conseil phyto. Le rééquilibrage de l’économie du conseil est en cours, mais ce sera un processus progressif, sans toutefois dessaisir les distributeurs que nous sommes de leurs compétences en matière d’informations appropriées à l’utilisation des produits phytosanitaires. Les acteurs déjà présents ne peuvent pas absorber le volume de services rendus en matière phytopharmaceutique par les distributeurs du jour au lendemain. Les chambres, les Ceta, les Geda, s’organisent. Nous sommes prêts à échanger avec eux si besoin.