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« Tous les conseillers trouvent un « plus » dans l’usage des OAD »

Le | Cooperatives-negoces

Étudiante à l’École supérieure d’agriculture d’Angers, Soizig di Bianco a finalisé sa thèse chez Terrena en janvier 2021. Elle s’est attachée à comprendre comment les outils d’aide à la décision, ou OAD, s’intègrent aux rôles des conseillers. De 2015 à 2020, elle a interrogé 161 conseillers de la coopérative. Elle nous livre les résultats de son travail.

« Tous les conseillers trouvent un « plus » dans l’usage des OAD »
« Tous les conseillers trouvent un « plus » dans l’usage des OAD »

Référence agro : Comment les OAD sont-ils appréhendés par les conseillers ?

Soizig di Bianco : L’OAD est un équipement opaque et normatif, conçu par des services supports pour répondre à des objectifs préidentifiés avec des raisonnements encapsulés, sur lesquels les conseillers n’ont pas la main. Ceux que j’ai interrogés étaient au départ réfractaires à leur usage. Ils avaient peur d’être dépossédés de leur rôle, de devenir un simple relai d’information, au profit du renforcement du pouvoir de décision des agriculteurs.

R.A. : Estimez-vous que les conseillers sont « aliénés » à ces outils ?

S. d. B. :  Non, car la majorité d’entre eux a pu faire un choix dans les outils utilisés, avant de se les approprier : les conseillers ne relaient pas l’information telle quelle, mais la retravaille et la complète par d’autres sources d’informations locales. Dans mon travail plus précis sur les OAD visant à optimiser l’usage des traitements fongicides sur blé,  j’ai pu voir que la manière d’utiliser ces outils dépend du profil du conseiller. Pour les plus techniques, ceux que j’appelle « experts », les OAD renforcent leur autorité en matière de conseil. Pour les « civiques », c’est-à-à dire ceux qui font la promotion du modèle coopératif et se positionnent comme un médiateur entre l’agriculteur et l’entreprise, l’OAD va être un moyen de renouveler l’attachement de l’agriculteur à sa coopérative. Les plus commerciaux vont y voir une nouvelle clé d’entrée pour proposer d’autres services. Tous ont finalement trouvé un « plus » dans les OAD. Et puis, il ne faut pas oublier que ces outils permettent de sécuriser le conseil.

R.A. : Est-ce que les OAD aident à progresser sur le conseil agroécologique ?

S. d. B. :  Alors que ces outils peuvent permettre de réduire l’usage des intrants, ils n’ont paradoxalement pas servi à faire progresser le conseil matière d’agroécologie. Parce que les OAD sont opaques, les conseillers ont relégué l’ « écologisation » du conseil aux recommandations des OAD. C’est, je pense, une occasion manquée mais pas une issue fatale. Il y a un véritable enjeu à former les conseillers et futurs conseillers à des raisonnements complémentaires aux OAD. Par le biais de leur coopérative, ils peuvent également s’investir davantage dans la co-construction de ces outils, en faisant remonter les informations et les attentes du terrain. Ce serait un rôle valorisant de leur métier.

Enfin, il y a un vrai débat à ouvrir sur les raisonnements encapsulés dans ces outils. D’abord parce que ces raisonnement ne correspondent pas forcément à ceux de tous les agriculteurs. Lesquels peuvent aussi chercher à accroître les services écosystémiques ou à travailler sur le maintien et l’adaptation de certaines cultures au changement climatique par exemple. Cette standardisation pose également question dans le cadre d’une transition agroécologique, qui appelle à produire un raisonnement singulier sur chaque exploitation, adapté aux spécificités techniques et sociales locales.