Crise entre la Russie et l’Ukraine, les marchés agricoles dans l’attente d’une détente
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Une désescalade dans la crise entre l’Ukraine et la Russie semble se profiler, alors que Moscou a annoncé le retrait des troupes à la frontière. Pour autant, ni les dirigeants occidentaux, ni les acteurs du monde agricole ne sont encore tout à fait rassurés, et la situation demeure incertaine. FranceAgriMer a, le 16 février, consacré un point spécifique à la crise en Mer noire, lors de la conférence de presse qui a suivi le conseil spécialisé grandes cultures.
À l’occasion de la conférence de presse qui a suivi le conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer du 16 février, Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre, a évoqué les enjeux du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Il a rappelé que ces deux pays constituent la première zone d’exportation de céréales au monde, avec environ 30 % des exports de blé et d’orge, et représentent, ensemble, 79 % des exportations mondiales d’huiles. L’Ukraine est le 4ème exportateur mondial de maïs et représente la moitié des exportations mondiales d’huile de tournesol. D’après une analyse de la Civil affaires association (USA), une occupation de la Russie à l’est de l’Ukraine priverait Kiev de 30 % de ses orges et de plus de 40 % de sa production de blé, tournesol et maïs.
« Les exportateurs craignent, en cas de conflit, un déficit de céréales en provenance de la Mer noire, avec un report des approvisionnements ailleurs, en Amérique du sud et en Europe, a indiqué Marc Zribi. Cela entraînerait une raréfaction importante des céréales, et une hausse considérable des prix, déjà élevés. » L’offre mondiale en céréales pourrait dès lors se révéler insuffisante, mettant en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays, notamment ceux en voie de développement.
La Mer noire et la Mer d’Azov, classées « à haut risque »
« À la faveur de la crise diplomatique, nous observons une accélération des livraisons et des chargements de navires ces derniers jours, malgré les taxes russes à l’exportation, précise Marc Zribi. Depuis début janvier, les exportations sont très dynamiques, alors qu’habituellement c’est une période de l’année où l’activité ralentit dans cette zone. » Le 15 février, le marché de l’assurance maritime de Londres a inscrit la Mer noire et la Mer d’Azov dans sa liste de zones jugées à haut risque. Les primes d’assurance et le coût du fret maritime pourraient ainsi augmenter fortement pour les États désireux de faire affaire avec la Russie et l’Ukraine. Les flux logistiques risquent d’être déstabilisés : routage, notification des délais de livraison, insécurités juridiques…
Un impact possible sur le cours des engrais
En cas de sanctions financières envers la Russie, notamment via l’interdiction de l’utilisation du dollar ou du système de virement interbancaire Swift, les circuits internationaux pourraient être fortement perturbés, notamment pour les échanges d’engrais. La Russie représente 40 % des exports de nitrate d’ammonium, 17 % du marché des engrais phosphatés et 20 % du commerce de potasse. L’interdiction d’utilisation des outils financiers internationaux pourraient rendre l’exportation de ces produits difficile, voire impossible. En outre, une nouvelle augmentation du prix du gaz serait à craindre, en particulier pour la production des engrais azotés.« Tout cela pourrait alimenter une nouvelle spirale haussière du prix des engrais », s’alarme Marc Zribi. Des politiques de sécurisation des approvisionnements pourraient accroître encore plus les cours.
À la question de Référence agro quant à un possible embargo européen sur les engrais russes, à l’image de l’embargo sur la potasse biélorusse, Marc Zribi a répondu : « À ce stade, cela ne fait pas partie des sanctions annoncées. Nous espérons que cela ne se concrétisera pas. » Une perspective peu probable, mais jugée « catastrophique » par Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer.