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Et si le changement climatique était favorable au blé russe ?

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La Russie se dirige vers une nouvelle moisson record de blé de 76 Mt, d’après les estimations du ministère de l’Agriculture russe, soit la deuxième meilleure campagne du pays. Un constat qui pourrait bien s’inscrire sur le long terme, notamment sous l’effet du changement climatique. Ce dernier offre un potentiel de nouvelles terres exploitables, notamment à l’est, mais surtout des conditions de culture plus favorables aux céréales d’hiver. À l’inverse de la plupart des producteurs mondiaux.

Et si le changement climatique était favorable au blé russe ?
Et si le changement climatique était favorable au blé russe ?

La question du changement climatique est sans conteste l’enjeu majeur du 21e siècle. Les effets négatifs sur la planète ne sont plus à démontrer. Mais tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. La Russie, et son agriculture, pourrait faire partie des grandes gagnantes. En s’appuyant sur les scénarios du Giec à l’horizon 2035, Kevin Adams, chercheur au Stockholm Environnent Institute, a modélisé les conséquences du changement climatique sur les échanges mondiaux de plusieurs matières premières agricoles. Contrairement à la plupart des producteurs, la Russie sort plutôt gagnante de ces projections, en particulier pour le blé. « Dans un monde plus chaud, les pays à haute latitude comme la Russie devraient voir leur production agricole augmenter, à l’inverse de la plupart des autres régions du monde dont la production devrait décroître. Du fait de températures plus favorables à la croissance des cultures, les quantités produites devraient augmenter et avec elles, le niveau des exportations russes. Ce pays deviendrait ainsi un acteur encore plus stratégique pour la sécurité alimentaire mondiale », explique le chercheur.

Hausse de productivité plutôt que conquête de nouvelles terres

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Et si le changement climatique était favorable au blé russe ? - © D.R.
Et si le changement climatique était favorable au blé russe ? - © D.R.

Le blé tendre de printemps recule au profit du blé tendre d’hiver, plus productif. Source : Pierre Duclos, Agritrade Consulting[/caption]

Ce surplus de production s’explique par plusieurs facteurs, dont l’augmentation de la sole de blé tendre d’hiver. Entre 2012 et 2020, elle est passée d’environ 12 Mha à près de 16 Mha sur tout le territoire russe. « Ces surfaces se concentrent pour l’instant principalement dans le sud du pays dans le Nord Caucase. À plus long terme, des surfaces pourraient aussi se développer plus à l’est. Dans cette région, le Gouvernement souhaite investir dans les infrastructures logistiques, notamment dans les ports de la Baltique », constate Olivier Bouillet, directeur du bureau ukrainien d’Agritel, en charge du marché russe. Toutefois, la conquête de nouvelles terres agricoles ne constitue pas le facteur principal de cette hausse des volumes. « En nominal, le potentiel de nouvelles terres est énorme. Mais 95 % de la marge de progression de la production russe se trouve dans l’amélioration de la productivité, plutôt que dans l’expansion », rappelait Dmitry Rylko, directeur général de Ikar, la principale agence de consulting et d’analyse des marchés agricoles en Russie, lors du Paris Grain Day en février. Cette hausse de rendement passera par de meilleurs intrants et la préférence pour le blé d’hiver, pour lequel les conditions de cultures s’améliorent et dont « le rendement est souvent deux fois supérieur au blé de printemps », constate Olivier Bouillet. Sur le papier, la Russie semble disposer d’atouts climatiques pour conserver sa place de leader mondial dans les prochaines années. Reste à voir si le réchauffement climatique continuera de suivre la trajectoire durant les prochaines années.