Exportations, une situation toujours très tendue malgré le renouvellement du corridor
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Alors que le corridor permettant l’exportation de céréales ukrainiennes vient d’être renouvelé pour 60 jours, Intercéréales organisait, le 15 mars, sa 144ème journée dédiée à l’export. Jean-François Lepy, directeur général de Soufflet Négoce, est revenu sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les marchés céréaliers.
Le 15 mars, à l’occasion de la 144ème journée dédiée à l’export, Jean-François Lepy, directeur général de Soufflet Négoce, a dressé un bilan des exportations de céréales ukrainiennes.
« Depuis le début de la guerre, l’Ukraine a réussi à exporter presque 40 Mt de grains (contre 55 Mt en moyenne, en temps normal, ndlr), ce qui est, avec le recul, exceptionnel », a-t-il rappelé en introduction. Une moitié a bénéficié des corridors terrestres, notamment avec l’Union européenne : trains, camions, voies fluviales, et dans une moindre mesure, ferry. « Un véritable chamboulement, alors qu’auparavant, 98 % des exports d’Ukraine se faisaient par voie maritime. »
Une restructuration des processus d’exportation ukrainiens
Dès août 2022, « les ports de haute mer, d’Odessa, de Tchornomorsk et de Pivdenny se sont réouverts sous l’initiative du corridor maritime, qui a permis d’exporter 19 Mt », poursuit Jean-François Lepy. L'accord sur ce corridor a d’ailleurs été renouvelé le 18 mars pour une durée de 60 jours. Une réorganisation des flux permise grâce à une forte capacité d’adaptation des opérateurs, et notamment des agro-holding, de gigantesques fermes exploitant des centaines de milliers d’hectares.
« D’une vingtaine d’opérateurs, qui faisaient 90 % des exportations de céréales, il y a désormais entre 2000 et 3000 exportateurs », a ajouté le directeur de Soufflet Négoce. Les agro-holding investissent de nouveau, notamment sur le séchage du grain et la trituration, ainsi que sur le stockage. « Le total de stockage avant la guerre était estimé à 66 Mt. 6,5 Mt ont été détruites, et 2,9 Mt endommagées. Il y a eu une grosse impulsion sur les silos bags, financés par l’Onu et la FAO pour 7 Mt. »
Le secteur agroalimentaire ukrainien aurait perdu 32 Mds$ en un an
Même si les opérateurs ukrainiens font preuve d’une forte résilience, Jean-François Lepy estime que « la campagne qui vient et celles qui vont suivre vont mettre à genoux les exploitations ». Les coûts logistiques ont explosé, tout comme les coûts de production, tandis que la disponibilité des matières premières reste compliquée. La Hryvnia, la monnaie ukrainienne, a subi une dévaluation de 35 % en 2022.
« Le secteur agroalimentaire ukrainien aurait perdu 32 Mds$ en 2022 », pointe-t-il. Tout l’enjeu va désormais être de pouvoir mener à bien les prochaines campagnes, alors que les semis de maïs vont commencer. L’Ukrainian Grain Association estime le potentiel de la prochaine campagne à 64 Mt. Un volume bien en deçà du record de 2021/2022, à 106 Mt. Un chiffre optimiste, voire maximal, selon le directeur de Soufflet Négoce.
Les céréales ukrainiennes redirigées vers l’Europe
Il rappelle également que si l’Ukraine a pu exporter sa production au cours de l’année écoulée, les flux ont été principalement redirigés vers l’Europe, au détriment des pays africains. Cela a d’ailleurs entraîné des tensions sur les voisins européens de l’Ukraine, tels que la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie, dont les marchés céréaliers ont été perturbés.
« À plus long terme, nous avons des certitudes, expose-t-il. Le bassin méditerranéen, l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient ne pourront pas se passer des céréales ukrainiennes et russes. Or, certains importateurs comme l’UE peuvent en supporter le prix, et la hausse des coûts logistiques, mais d’autres pays, qui ne disposent pas de ressources naturelles, auront des difficultés à importer des céréales et à nourrir leur population. » Le risque de crise alimentaire mondiale est loin d’être écarté.