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« La chimie du végétal, plus qu’un effet de mode », Sophie Marquis, ACDV

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Les utilisations industrielles de la biomasse, notamment agricoles, sont en plein essor. Les débouchés se multiplient. Après avoir travaillé dans le secteur agricole, Sophie Marquis occupe depuis juin le poste de déléguée générale de l’Association chimie du végétal (ACDV), qui rassemble 60 structures de ces filières. Elle témoigne du dynamisme de ce secteur.

Sophie Marquis, déléguée générale de l’ACDV. - © D.R.
Sophie Marquis, déléguée générale de l’ACDV. - © D.R.

Quels sont les contours de l’Association chimie du végétal, ACDV ?

Sophie Marquis : L’association fêtera ses 15 ans en 2022. L’ACDV fédère 60 membres, contre quatre lors de son lancement, en 2007. Initialement, sa vocation était avant tout de réunir, de l’amont à l’aval, les acteurs des filières travaillant la biomasse pour la chimie dans une perspective de prix du pétrole élevé. Aujourd’hui, elle dépasse le cadre de cette simple recherche d’alternatives de matières fossiles, et draine une véritable ambition d’innovation. Son périmètre est assez vaste : des compléments alimentaires aux cosmétiques, en passant par les emballages, détergents, peintures, biotechnologies… En revanche, nous ne traitons pas les débouchés liés à l’énergie.

Quelle est la dynamique de ce secteur ?

S.M. : Nous estimons que le marché est en croissance d’environ 5 % par an. En 2018, 11 % des matières premières de l’industrie chimique était d’origine végétale. La dynamique veut que ce chiffre aille en augmentant. Ce n’est pas qu’un effet de mode, nous sentons un vrai élan aujourd’hui : des usines sortent de terre, des sociétés prennent de l’ampleur et entrent en bourse. C’est le fruit d’une impulsion donnée il y a une dizaine d’années. Le fonctionnement des bioraffineries connaît une amélioration continue dans ses applications, la capacité à tirer profit de chaque coproduit et trouver de nouveaux débouchés. L’amidon est un bon exemple : d’une seule matière première, peut être tirée toute une gamme de produits à destination du BTP, de la papeterie, du textile ou de la pharmacie.

Quels sont, selon l’ACDV, les ressorts de cet élan ?

S.M. : La dynamique est alimentée à la fois par les besoins du marché, stimulé par la recherche d’autonomie en matières premières, et plus globalement par l’attractivité du « biosourcé », qui en plus de la « naturalité », apporte des propriétés nouvelles et intéressantes aux produits. Les politiques ont compris qu’il était important d’accompagner le mouvement. La chimie du végétale est l’une des dix technologies-clés retenues par le Plan France relance, en 2020. L’État a accompagné 17 des 35 projets candidats à l’appel à manifestation d’intérêt lancé dans ce cadre. Ces aides concernent aussi bien la R&D que l’industrialisation. Précédemment, la France et l’Europe s’étaient dotées de plans d’action pour la bioéconomie, dès 2018, comme nous le souhaitions.

Quel lien le secteur entretient-il avec l’agriculture ?

S.M. : Les trois gisements principaux du secteur sont l’agriculture et la forêt, les déchets végétaux, les algues. Le secteur agricole est un partenaire naturel et historique de nos adhérents. Les usines s’approvisionnent souvent localement. Nous avons réalisé une cartographie des sites impliqués dans le biosourcé. La France en compte plus de 300, répartis sur le territoire et ancrés dans leur région. Toutefois, dans l’univers de la chimie, la diversité des ingrédients est importante, et certaines matières premières sont importées, comme par exemple le guar en cosmétique ou le ricin utilisé pour produire du nylon et matériaux de haute technicité, cultivés hors de France sous des démarches durables et équitables. Plus localement, les nouveaux débouchés qu’ouvrent la chimie du végétal représentent un potentiel de revenu complémentaire pour nos agriculteurs, notamment par une valorisation plus globale de leur production.