Local, juste rémunération, les attentes pour le bio évoluent
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Poussée par les politiques publiques et la demande, l’offre bio continue de se développer en France. Les exigences sociales complexifient néanmoins la mise en place de nouvelles gammes, ont témoigné Blédina et Picard, lors d’une conférence organisée par la Fnab et l’agence de conseil Utopies, le 26 novembre.
Si le marché du bio est en pleine croissance, l’offre n’est pas toujours simple à construire. D’autant plus que les exigences des consommateurs évoluent. « La principale observation que l’on fait actuellement, c’est que le bio n’est plus suffisant, d’autres valeurs prennent de l’ampleur, notamment celle de la rémunération des agriculteurs », indique Philippe Henry, président de l’Agence bio, lors d’une conférence organisée le 26 novembre, par la Fnab et l’agence de conseil Utopies. Une nouvelle donne que doivent prendre en compte les nouveaux acteurs du marché du bio. « Se mettre au bio, ce n’est pas juste accoler un logo sur nos produits, cela a demandé une véritable réorganisation de nos manières de travailler », témoigne Pierre-Antoine Morel, responsable du développement des filières agricoles chez Blédina. Le groupe a lancé ses premiers produits à partir de la récolte de mars 2018. Une centaine d’agriculteurs est engagée dans cette nouvelle filière.
Montée en puissance du local
« Dans nos réflexions pour créer cette gamme, nous nous sommes vite aperçus que le local était la clé, se souvient Pierre-Antoine Morel. Ce n’est plus un avantage compétitif, mais il est nécessaire pour vendre. » Un facteur pas toujours évident à prendre en compte pour un groupe d’envergure internationale. « En nutrition infantile, la demande est très diversifiée, nous avions de nombreux approvisionnements à sécuriser, c’était un vrai défi », rappelle le responsable du développement des filières agricoles. Pour s’adapter à la situation, les schémas classiques ont été inversés, et les recettes élaborées à partir des matières premières disponibles, et non l’inverse. Le critère du local a aussi été pris en compte chez Picard, qui s’est lancé dans le bio courant 2016. « C’est un handicap car nous n’avons pas assez de magasins à cette échelle, indique Gérald Townsend, responsable du développement durable chez Picard Surgelés. Le fondement de notre démarche est la relocalisation, 80 % de nos gammes sont constituées de produits français, ce n’est pas possible de faire différemment en bio. » Pour la filière bio, les approvisionnements sont pour l’heure à 50 % d’origine française.
L’enjeu du prix
L’autre grand domaine de réflexion est le prix, qui a fait « l’objet de longs débats en interne », admet Pierre-Antoine Morel. Une étude a été réalisée sur plusieurs matières premières iconiques du groupes (pommes, poires, pommes de terre, carottes), pour déterminer le prix de revient. Des contrats de cinq ans sont conclus avec les agriculteurs. « Le plus dur est de nous décorréler des prix du marché », poursuit le responsable chez Blédina. Chez Picard, cette question s’est également posée. Le groupe souhaite avancer sur le volet de l’équitable, en faisant labelliser ces produits bio avec la certification de la Fnab, « local et équitable ». « Pour assurer la pérennité de la bio en France et dans l’UE, les critères sociaux comme la rémunération doivent être inclus dans le cahier des charges, les agriculteurs sont souvent attirés par le sens, mais cette production doit être rémunératrice », résume Stéphanie Pageot, secrétaire nationale de la Fnab, en charge des relations avec les acteurs économiques.
Accompagnement technique
La Fédération a accompagné les deux groupes dans la construction de leur filières, via la mobilisation de ses réseaux régionaux. Des études de conversion ont été réalisées pour déployer un accompagnement individuel des agriculteurs, mais aussi collectif via des formations ou des groupes d’échanges. « Les filières ont une responsabilité majeure : que le bio ne soit pas une impasse et que ces productions soient valorisées », finit Jacques Caplat, agronome et anthropologue expert du développement bio en France.