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Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes

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Dix ans après le lancement du premier Plan de lutte contre les algues vertes (Plav), la Cour des comptes a publié, le 2 juillet, son rapport sur cet ensemble d’actions. Le constat est très mitigé, l’instance soulignant des objectifs en décalage avec l’urgence de la situation et des budgets mal mobilisés. Une série de recommandations est formulée pour redresser la barre.

Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes
Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes

Une version non définitive du document avait été relayée dans la presse locale, fin avril. Plus de deux mois plus tard, la Cour des comptes a publié, le 2 juillet 2021, son rapport final sur « La politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne ». Le document, de près de 300 pages, dresse un constat plutôt négatif, jugeant les objectifs de cette politique de lutte « mal définis », « aux effets incertains sur la qualité des eaux  », et dont l’ambition aurait baissé entre 2010 et 2017. Le rapport rappelle ainsi que le premier plan (2010-2015) de lutte contre les algues vertes (Plav) n’avait pas fixé de réel objectif quantitatif et se référait uniquement à l’ambition de réduction de 50 % de la biomasse d’algues vertes à l’horizon 2027, pour répondre à l’exigence de la directive cadre sur l’eau (DCE). « Demeuré implicite, cet objectif n’est ni connu, ni − a fortiori − endossé par la plupart des acteurs », conclut la Cour des comptes.

Des objectifs peu réalistes

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Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes - © D.R.
Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes - © D.R.

En raison de la prolifération des algues vertes, les masses d’eaux côtières des huit baies retenues par le Plav de 2010 demeuraient classées en 2020 en « état médiocre » ou en « état moyen ».[/caption]

Les choses étaient plus claires pour les flux d’azote, une réduction d’au moins 30 à 40 % pour 2015 ayant été indiquée. Mais là non plus, les auteurs n’y trouvent pas satisfaction : « : Fixer un tel objectif à l’horizon de deux à cinq ans n’est pas réaliste au regard du temps de réaction des bassins versants et des délais de mise en place des actions ». Si des objectifs différenciés ont été inscrits dans le deuxième Plav, ceux-ci « n’ont pas fait l’objet d’un avis scientifique suffisamment large et approfondi, ni d’une évaluation environnementale », regrette la Cour des comptes. Les plans d’action de seules quatre baies respectent par ailleurs l’ambition initiale pour 2027 (réduction de moitié de la biomasse algale).

Essoufflement sur le terrain

Le rapport souligne néanmoins que les concentrations de nitrate dans les rivières ont diminué en moyenne de 42 % en 19 ans, descendant même sous la barre des 35 mg/l en 2019 dans six des huit baies concernées. La Cour des comptes reste cependant mesurée quant au lien entre ces baisses et la mise en œuvre des Plav successifs. « La mise en place tardive des actions et le temps moyen de résidence de l’eau et des nitrates dans le milieu (supérieur à cinq ans) retardent la manifestation de leurs effets. » L’absence d’indicateurs harmonisés rend ainsi « malaisé » l’analyse de l’efficacité réelle des plans d’action. Le document insiste par ailleurs sur trois constats : un essoufflement de la mobilisation des agriculteurs dans le Plav 2, avec, notamment, une stagnation des niveaux d’azote épandu ; l’absence de résultats concrets de la diffusion des bonnes pratiques culturales ; des actions d’aménagement et de reconquête des milieux ont peu abouti, en raison d’objectifs souvent déconnectés de la réalité.

Des moyens financiers trop faibles

Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes - © D.R.
Algues vertes, les plans d’actions sont insuffisants pour la Cour des comptes - © D.R.

Plus globalement, le rapport juge les moyens consacrés au financement des actions insuffisants. Selon la Cour des comptes, sur 150 M€ d’engagements et 109 M€ de paiements mobilisés depuis 2010, 19 % des paiements du Plav 1 et 25 % du Plav 2 « sont consacrés à la prévention des fuites d’azote agricole dans les contrats de territoire et les projets transversaux, soit une moyenne de 18,7 €/ha SAU/ an de 2011 à 2016 et 24 €/ha SAU/an de 2017 à 2019 ». Les auteurs regrettent par ailleurs la faiblesse des aides dédiées aux agriculteurs qui n’ont pas eu l’effet incitatif escompté. Mais aussi le manque d’articulation avec la politique foncière agricole, l’absence d’implication des filières agroalimentaires, ou la réduction du nombre de contrôles dans les bassins versants touchés par les algues vertes (- 73 % depuis 2010, en partie en raison de la baisse du nombre de contrôleurs).

Cinq orientations formulées

Pour débloquer la situation, la Cour des comptes formule une série de recommandations, parmi lesquelles :

  • étendre la lutte contre la prolifération des algues vertes au-delà des huit baies bretonnes concernées par les plans de lutte actuels ;
  • définir des objectifs évaluables et en suivre la réalisation à l’échelle des bassins versants, notamment sur le changement de pratiques agricoles à l’horizon 2027 ;
  • redéfinir les leviers incitatifs au changement des pratiques et des systèmes agricoles ;
  • mobiliser les leviers du foncier agricole et des filières agroalimentaires, en conditionnant par exemple les aides accordées aux entreprises des filières agroalimentaires à des engagements sur la prévention des fuites d’azote, ou en intégrant des pratiques de fertilisation à très faibles fuites d’azote dans le référentiel HVE ;
  • adapter et faire respecter la réglementation, en intégrant notamment dans le septième programme d’actions régional de la directive nitrates des obligations renforcées.