Annonces de Gabriel Attal, les syndicats et ONG entre satisfaction et réprobation
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Elles n’ont pas attendu bien longtemps. Les premières réactions aux annonces du Premier ministre Gabriel Attal, le 1er février 2024, sont tombées dans les rangs du monde agricole, mobilisé depuis plusieurs mois. Si plusieurs syndicats se disent convaincus par les nouvelles mesures, des associations s’alarment des concessions faites sur le volet environnemental.
Ils ont été les fers de lance de l’opération « On marche sur la tête ! », lancée en Occitanie dès la fin octobre, et qui souhaitait dénoncer l’accumulation de contraintes et de normes parfois contradictoires pesant sur les agriculteurs. Trois mois plus tard, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) semblent avoir obtenu gain de cause de l’exécutif, si l’on en croit leurs réactions aux annonces faites, le 1er février 2024, par le Premier ministre Gabriel Attal. « L’exercice de vendredi dernier était un exercice raté, incomplet. Nous nous réjouissons de l’écoute attentive du Premier ministre pour apporter des réponses complémentaires, que nous lui avions demandées », s’est félicité Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, lors d’une conférence de presse commune aux deux syndicats. Parmi les motifs de satisfaction affichés par le dirigeant : les mesures d’urgence concernant le GNR, les indemnisations sanitaire et climatique, le plan d’aide à la viticulture.
À ses côtés, Arnaud Gaillot, président des JA, s’est dit « rassuré que le Premier Ministre ait corrigé son erreur de vendredi, où il avait complétement omis de parler du renouvellement des générations ». Il salue le renforcement du contrôle de l’origine France : « Cela nous semble être la bonne voie : jusqu’à présent, il y avait des tromperies ». L'Association générale de la production viticole (AGPV) approuve également ces annonces « qui vont dans le bon sens sur les deux volets, à la fois conjoncturel et structurel » tout en reconnaissant qu’il « reste […] du travail à réaliser », notamment sur les critères d’éligibilité aux aides à la filière.
« Rien de concret sur le revenu »
Du côté de Coordination Rurale (CR), le discours est moins réjoui. S’il constate que certaines annonces de Gabriel Attal « vont dans le bon sens », citant la simplification administrative sur les projets d’irrigation, le décret à venir sur les curages ou encore la fin des objectifs de réduction de 50 % de produits phytosanitaires dans le Green Deal, le syndicat dit « rester sur sa faim ». En cause : l’absence d’un PGE parmi les mesures du Premier ministre, le plan d’aide de 150 millions d’euros à la filière de l’élevage jugé « dérisoire par rapport au nombre d’élevages », le souhait de « ne plus voir d’accord de libre-échange impliquant l’agriculture ».
Si la Confédération paysanne déplore également qu’aucune « remise en cause réelle du libre-échange » ne soit faite, elle se montre encore plus critique sur le discours de Gabriel Attal. « Rien de concret sur le revenu, c’est bien le drame de ces annonces face à une telle mobilisation. Annoncer le « renforcement de la loi Egalim » est une vaste fumisterie […]. Ce qu’il faut c’est l’interdiction d’achat en dessous du prix de revient de nos produits agricoles ». Les agriculteurs bio, quant à eux, s’estiment être « les grands laissés pour compte de la négociation », d’après un communiqué de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB). Son président, Philippe Camburet, estime que les 50 millions d’euros promis par Gabriel Attal le 26 janvier ne suffiront pas à endiguer les pertes de la filière, estimées à 300 millions d’euros en 2023. « Aujourd’hui, on représente 16 % des fermes, ce n’est pas rien, on s’attendait quand même à une annonce complémentaire hier soir, regrette-t-il. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous sommes déçus ».
La suspension du plan Écophyto, « un scandale sanitaire »
Chez les associations de protection de l’environnement, la « mise à l’arrêt » du plan Écophyto jusqu’au prochain Salon de l’Agriculture cristallise l’essentiel des critiques : « Nous rejetterons toute participation à une nouvelle dynamique Écophyto dont l’indicateur serait biaisé et donnerait une vision tronquée de la dépendance de l’agriculture française aux pesticides », estime François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. Il s’agit d’une erreur politique majeure car si la question du revenu agricole est une vraie question pour un certain nombre d’agriculteurs, ce n’est pas en sacrifiant l’environnement et les ressources naturelles qu’on règlera ce problème, bien au contraire ». « C’est un scandale sanitaire, une régression grave pour la santé des citoyen.ne.s », renchérit France Nature Environnement. La fédération s’inquiète, en outre, des dérogations faites sur les zones humides et les jachères qui, selon elle, « vont avoir un effet très négatif sur la biodiversité, sans changer grand chose aux revenus des agriculteurs et agricultrices ».
« Pour le gouvernement, la seule réponse à apporter à la colère paysanne est un retour 15 ans en arrière, à l’époque sinistre où le dérèglement climatique ne préoccupait pas les acteurs économiques internationaux », constate pour sa part l’association Agir pour l’environnement. Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux, ne se montre pas plus tendre avec l’exécutif : « En mettant dos à dos la protection de l’agriculture et celle de la nature, le gouvernement créé un écran de fumée qui occulte les véritables problèmes des paysans, avant tout d’ordre économique et liés au modèle ultra-libéral de production alimentaire détruisant la biodiversité depuis plus d’un demi-siècle ». Même constat pour le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), pour lequel ces « mesures aux accents très libéraux visant à affaiblir le cadre de protection environnementale et toujours mieux satisfaire aux lois du marché ».
Quelles conséquences ces annonces auront-elles sur les manifestations paysannes ? Si la Confédération paysanne a affirmé son souhait de poursuivre le mouvement de colère, la FNSEA et les JA ont d’ores et déjà appelé à « suspendre les blocages » afin de passer à « une nouvelle forme de mobilisation ». Avec, comme impératif, que des premiers résultats soient observés dès fin février, au moment du Salon de l’Agriculture.