Charte de protection des riverains, le grand flou
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Suite à une saisie d’ONG auprès du Conseil d’Etat, les chartes départementales encadrant l’usage des pesticides près des habitations ont été jugées inconstitutionnelles. Contactés par Référence agro, le ministère de l’Agriculture, la FNSEA et FNE livrent leur première réaction sur les conséquences de cette décision. Le flou demeure important.
Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict le 19 mars : les chartes d’engagements départementales relatives à l’utilisation des pesticides près des habitations sont contraires à la Constitution. Ces dernières, qui doivent notamment permettre aux agriculteurs de réduire les distances de sécurité vis-à-vis des habitations lors de l’application des pesticides (ZNT), ne seraient pas en phase avec l’article 7 de la charte de l’environnement sur la concertation du public. Laquelle indique que « toute personne » a le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Or, la charte stipule « une participation du public ». Cette notion a été jugée trop restrictive par le Conseil constitutionnel.
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« Tant que les préfets ne nous diront pas que les chartes sont invalides, nous les considérerons valides », Christian Durlin, vice-président de la FNSEA.[/caption]
Le ministère de l’Agriculture examine les conséquences et les suites
Quelles sont les conséquences de cette décision ? Contacté par Référence agro, le ministère de l’Agriculture indique « examiner ses conséquences en droit et les suites à y donner ». Il réaffirme toutefois sa confiance dans le dispositif et dans les mesures recommandées par l’Anses « pour adapter les distances minimales de sécurité et apporter des garanties en matière d’exposition des résidents par rapport aux conditions normales d’application des produits ». Les chartes « conservent d’un point de vue pratique leur efficacité en dépit de leur invalidation et leur mise en œuvre doit pouvoir continuer de permettre l’adaptation des distances minimales de sécurité », affirme le ministère de l’Agriculture. Il indique « vouloir préserver la démarche vertueuse que constituent ces chartes élaborées dans les départements et qui favorisent le dialogue entre les parties prenantes. »
Pour la FNSEA, les chartes sont valides
Reste que, sur le terrain, les parties prenantes demeurent dans le flou. Si Christian Durlin, vice-président de la FNSEA indique que les conséquences de cette décision sont opaques, il estime que les mesures de réduction des ZNT riverains s’appliquent toujours : « Nous n’avons reçu aucune consigne du ministère de l’Agriculture contraires à cela. Tant que les préfets ne nous diront pas que les chartes sont invalides, nous les considérerons valides. Notre message aux agriculteurs est que nos chartes ont été conçues en conformité avec la charte de l’environnement : la consultation a été bien faite auprès du public, avec un accès à tout le monde. Les avis de tous ont été pris en compte. » La FNSEA estime qu’il n’y a donc aucune raison pour que celles-ci soient remises en cause. « Elles sont valables », martèle Christian Durlin.
Le défaut de concertation est réel
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« Les chartes déployées n’ont pas amélioré les relations entre les agriculteurs et les citoyens », Thibault Leroux, FNE.[/caption]
De son côté, Thibault Leroux, chargé de mission agriculture et santé environnementale à France nature environnement, estime que les chartes déployées n’ont pas amélioré les relations entre les agriculteurs et les citoyens. Le défaut de concertation est réel, les associations environnementales l’ont souvent reproché. « La décision du Conseil constitutionnel est un soulagement, même si le Conseil d’Etat, saisi par les ONG*, n’a pas encore rendu son avis, indique-t-il. Il devrait s’appuyer sur cette décision, mais nous ne connaissons pas le calendrier. » FNE renvoie la balle au ministère de l’Agriculture : « Ce sera ensuite à lui de trancher. »
Quoiqu’il en soit, la FNSEA ne veut pas que les agriculteurs portent le chapeau de cette affaire. « La profession a fait un lourd travail sur le terrain, l’élaboration des chartes a été complexe, ajoute Christian Durlin. Ce genre de décision sape le moral des agriculteurs. »
Une brèche ouverte
Cette décision ouvrira-t-elle la voie à d’autres revendications sur l’absence de débat public dans des dossiers environnementaux ? « L’instauration d’une réelle concertation dans les dossiers touchant l’environnement est une demande récurrente de FNE, explique Thibault Leroux. Notre fédération va continuer de défendre devant toutes les instances décisionnelles et juridictionnelles l’application de la Charte de l’environnement et notamment les principes d’information et de participation. C’est fondamental pour une réelle appropriation des enjeux par le public, et nous ferons tout pour que l’ensemble des citoyens puisse s’informer et participer. »
* Alerte Médecins Pesticides, Collectif de soutien aux victimes des pesticides des Hauts de France, Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Collectif vigilance OGM et Pesticides 16, Eau & Rivières de Bretagne, Générations Futures, FNE, UFC-Que Choisir, Union syndicale Solidaires.