Efficacité, gouvernance, moyens… Écophyto écorché par un rapport interministériel
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Des services des ministères de l’Agriculture, de l’Économie et de la Transition écologique co-signent un rapport évaluant le fonctionnement du plan Écophyto, publié le 4 juillet. Le document s’avère critique, évoquant un budget insuffisant pour apporter un changement de fond, et une gouvernance floue.
« Ambitieux par ses objectifs, le plan Écophyto finance des actions à l’impact trop faible, via une gouvernance alourdie et une gestion complexe. » Voilà l’intitulé de la première partie d’un rapport, co-écrit par les services (1) des ministères chargés de l’économie, de l’agriculture et de l’économie. Le document vient apporter des réponses à un référé de la Cour des comptes daté de 2019, qui s’interrogeait sur les « difficultés de fonctionnement » du plan. Publié le 4 juillet, ce rapport précède de quelques semaines la présentation d’une nouvelle version du plan Écophyto, attendue pour la rentrée.
Un budget à resituer
L’évaluation proposée dans le rapport revient en longueur sur les rouages économiques d’Écophyto. En la matière, les auteurs estiment que « les outils financiers du plan peuvent paraître importants du point de vue de la dépense publique, sans être des leviers significatifs de changement des pratiques ». Selon eux, Écophyto pèse trop peu face aux rouages économiques de l’agriculture. Le plan en lui-même n’est doté que de 41 M€ de budget, auxquels il faut toutefois ajouter les moyens alloués aux actions d’autres politiques contribuant à ses objectifs ; soit un total de 643 millions d’euros.
Des actions peu diversifiées
En poids relatif, ce montant est jugé comme « faible » comparativement aux neuf milliards d’euros de la Pac, dont seuls 173 M€ contribuent à Écophyto. Le rapport le compare aussi au chiffre d’affaires du secteur agricole français, évalué à 71 milliards d’euros. Le rapport souligne par ailleurs que ces 643 M€ sont ventilés sur un nombre d’actions limité, quatre d’entre elle mobilisant plus des trois quarts de l’enveloppe : l’agriculture biologique (50 %), les agroéquipements (11,5 %), les Maec (9 %) et le soutien aux collectifs d’agriculteurs (9 %).
Gouvernance à revoir
Dans un registre plus organisationnel, le rapport déplore que la gouvernance d’Écophyto « ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques ». De plus, la mise en œuvre du plan « est fragilisée par l’absence d’un réel chef de projet ». Les services des trois ministères qui signent le rapport estiment également qu’une simplification du processus budgétaire est possible. « La gestion financière n’est pas attribuée aux responsables des actions du programme, mais à des opérateurs (OFB, agences de l’eau) dont les missions ne sont pas centrées sur Écophyto », commentent les auteurs.
Les sept recommandations du rapport :
- Intégrer la santé et la biodiversité aux objectifs du plan, et élargir son périmètre à l’ensemble des acteurs concernés, « des fournisseurs aux consommateurs ».
- Insérer dans le plan Écophyto un processus de massification des bonnes pratiques mobilisant trois leviers efficaces : labellisation, incitation fiscale, réglementation et Pac.
- Dédier en priorité le produit de la redevance pour pollutions diffuses à des aides directes aux pratiques faiblement utilisatrices de pesticides.
- Instaurer une gouvernance interministérielle resserrée, coordonnée par le délégué interministériel, et définir les responsabilités de chaque ministère dans la mise en œuvre du plan.
- Dans l’immédiat, simplifier le processus budgétaire par la mise en œuvre sans délai de la pluriannualité des dépenses et l’amélioration de la consommation des crédits par la reprogrammation systématique des crédits de paiements non consommés du programme. À terme, mettre en cohérence les circuits financiers avec l’origine des financements.
- Confier le choix des cibles, l’analyse des indicateurs et l’évaluation des actions à des acteurs indépendants, capables d’évaluer leur mise en œuvre.
- Redéfinir d’ici deux ans un plan Écophyto à 10 ans cohérent avec la nouvelle Pac. D’ici là, mettre en cohérence les politiques publiques nationales.
(1) Le Conseil général de l’environnement et du développement durable du ministère de la Transition écologique ; l’Inspection générale des finances du ministère de l’Économie ; et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux du ministère de l’Agriculture.