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Le CGAAER recommande de créer un observatoire de l’écosystème alimentaire

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L’étude « Quelles places de l’agriculture et de l’agroalimentaire français dans une offre alimentaire à bas prix ? » rendue publique le 15 juillet 2024 par le CGAAER, rappelle les faiblesses structurelles des industries agroalimentaires et de la production agricole dans le domaine de la concurrence prix.

Le CGAAER recommande de créer un observatoire de l’écosystème alimentaire
Le CGAAER recommande de créer un observatoire de l’écosystème alimentaire

Alerter sur les menaces, de plus en plus palpables, d’éviction de la matière première agricole française dans l’offre alimentaire à bas prix, telle est l’une des missions de l’étude « Quelles places de l’agriculture et de l’agroalimentaire français dans une offre alimentaire à bas prix ? » rendue publique le 15 juillet 2024 par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). L’étude rappelle les faiblesses structurelles des industries agroalimentaires et de la production agricole dans le domaine de la concurrence prix. « Elle recommande de créer, sans tarder, un observatoire du marché de l’agroalimentaire intégrant des données par segment de marché final et d’investir dès maintenant dans une large étude, socle du futur observatoire, afin de mieux cibler les politiques publiques », écrivent Caroline Medous et Fabrice Marty, inspecteurs généraux et auteurs de l’étude.

« Elle invite l’État à intégrer dans toute politique publique ou toute action collective la question de la concurrence prix et à lancer un plan d’action visant à améliorer la compétitivité prix du secteur alimentaire français, sans renoncer au haut de gamme, en agissant sur les différentes faiblesses identifiées. Enfin, elle encourage au développement de gammes à prix accessibles, valorisant une différenciation qualité, basée par exemple sur l’origine nationale ou plus locale des produits ».

Le CGAAER émet cinq recommandations dans son étude :

  • Disposer d’un observatoire de l’écosystème alimentaire s’appuyant sur les données existantes (Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires [OFPM], analyses de filière ou Agreste) et intégrant une caractérisation des produits et des acteurs économiques pour chaque segment de marché

« Sur la base des études structurées déjà existantes (OFPM, analyses de filière de FranceAgriMer, ou enquête annuelle Agreste), un focus sur le fonctionnement des circuits de production, transformation et commercialisation par segment de marché s’avère nécessaire pour évaluer la compétitivité des divers acteurs, les partenariats à l’œuvre et comprendre les dynamiques en cours. Cette recommandation est également présente dans les revendications de la coopération Agricole, qui demande un observatoire des marques de distributeur (MDD), avec un focus sur l’origine géographique des produits sur le marché final.

Ainsi la mission propose de questionner les industries agro-alimentaires (IAA) sur deux points :

- les matières premières agricoles : nature et volume d’approvisionnement, valeur annuelle, origine géographique, type d’intermédiaire,

- les produits agroalimentaires transformés : destination de la production, valeur et volume, type de commanditaire distributeur (MDD éco, Enseignes à dominante marques propres [EDMP], MDD cœur de gamme, MDD premium) ou marque nationale. Elle recommande également de lancer deux enquêtes annuelles, l’une auprès des producteurs agricoles et des premiers acheteurs (négoce, grossistes, coopératives) pour recueillir des données sur les circuits de destination des produits (distribution, transformation, autre) et l’autre auprès des distributeurs, pour obtenir des informations sur l’origine de l’approvisionnement en volume et valeur (au stade transformation ou production selon le type de vente) de leurs MDD économiques, MDD cœur de gamme et MDD premium.

Compte tenu des enjeux éventuels sur la réflexion collective, le positionnement de cet observatoire doit être garant de sa neutralité. Il est donc préférable de le placer dans une structure publique ou parapublique. »

  • Lancer en urgence une étude visant à recueillir par enquête les informations qui seront présentes dans le futur observatoire. Ces travaux pourront être conduits par l’organisme qui aura été choisi pour créer ce dernier.

« La mission considère qu’il existe trois possibilités de positionnement :

  • au sein du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Oquali, cofondé par Inrae et Anses :

    Ce positionnement permettrait de lier qualité nutritionnelle, prix, segments de marché. Il serait neutre dans le jeu d’acteurs et directement utilisable par la communauté scientifique et d’expertise. En revanche les analyses devraient être réalisées par segment de marché et intégrer des données structurelles économiques et financières sur les acteurs. De plus, le flux d’information et de traitement de données doit devenir plus régulier et automatique, probablement au prix de moyens supplémentaires de suivi et d’analyse.

  • au sein de FranceAgriMer déjà gestionnaire de l’OFPM :

    FranceAgriMer représente la principale source d’expertise systémique sur le secteur alimentaire et agricole. Producteur et analyste de données, il est pourvoyeur et animateur d’analyse stratégique, de haut niveau, régulière et actualisée. Compléter les approches de FranceAgriMer avec ce suivi par segment de marché permettrait d’asseoir et de pérenniser l’expertise publique sur les maillons de la transformation et de la distribution lui conférant ainsi une place centrale et légitime en complément de l’OFPM. En effet, l’OFPM ne traite ni de la diversité de l’offre alimentaire par segment de marché, ni des diverses structures de transformation, ni de la diversité d’origine géographique. Rassembler les deux approches au sein de FranceAgriMer créerait un outil puissant d’observation. Ce renforcement ne peut s’effectuer qu’au prix de moyens supplémentaires alloués à des services déjà saturés, et en veille constante.

  • au sein du SSP du ministère chargé de l’Agriculture, déjà chargé notamment du service Agreste :

    Ce service maîtrise déjà le recueil rigoureux de données et une analyse standardisée en lien direct avec la Commission européenne. Un positionnement de l’observatoire au sein d’Agreste, par exemple, permettrait de compléter assez facilement les enquêtes mensuelles déjà envoyées aux entreprises agroalimentaires, par quelques questions complémentaires sur l’origine et la destination vers un segment de marché des produits transformés. L’approche serait incomplète, mais déjà utile.

  • La mission conseille d’intégrer dans toute politique publique la question de la concurrence prix et donc de la compétitivité prix. Au sein de la concurrence prix, une concurrence qualité pourrait être introduite sur des caractéristiques d’origine.

« Contrairement aux deux dernières décennies, il est nécessaire de bénéficier d’un écosystème alimentaire fondé à la fois sur la concurrence-prix capable d’économies d’échelle et de réduction des coûts, et la concurrence qualité apte à valoriser le savoir-faire français et l’innovation. Les menaces actuelles dues à l’inflation, et la concurrence prix accrue qui en résulte, montrent les fragilités de l’écosystème français dans un contexte très spécifique.

La concurrence qualité au sein de la concurrence prix, c’est-à-dire un prix accessible pour un produit répondant à quelques caractéristiques valorisantes essentielles (origine locale et nationale en priorité) est une voie prometteuse, par exemple pour les coopératives ou des MDD ciblées. Ce type de produits se situerait au niveau des prix de Lidl en raison d’économies d’échelle, de frais réduits de publicité et d’une gamme ciblée non foisonnante. Il répondrait aux impératifs de concurrence prix, privilégierait les entreprises et les exploitations du territoire national, actuellement menacées par la concurrence pure sur les prix.

La mission rappelle que toute politique récréant des barrières internes au marché unique, notamment sur la chaîne des fournisseurs ne serait pas accueillie favorablement par la cour européenne de justice en cas de contentieux. Il s’agit donc ici de retrouver une compétitivité prix, et non de créer de nouvelles barrières à l’entrée. »

  • Lancer en urgence une politique industrielle interministérielle intégrant le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MASA) visant à promouvoir la diversité de l’offre alimentaire depuis les premiers prix jusqu’au haut de gamme. Pour cela, faciliter l’agrandissement des entreprises et la création de grosses PME ou ETI, réparties sur le territoire, pourvoyeuses d’emplois, capables de produire dans la durée à bas coûts, et associées aux réflexions collectives sur les politiques publiques territoriales et nationales.

« Cette consolidation d’entreprises françaises compétitives sur le prix et sur le territoire français contribuerait à préserver l’approvisionnement local. La création de marques collectives ou la mise en œuvre, en France et sous réserve d’évolution du droit communautaire d’une mention d’origine obligatoire y compris pour les produits transformés serait de nature à protéger le marché français, si l’approvisionnement adéquat existe.

Les leviers d’une politique industrielle devraient être mobilisés par les ministères en charge de ce type de problématique : vérification des critères d’attribution des aides de France 2030 pour soutenir une concentration ou un agrandissement, déclaration de suramortissement, allègements fiscaux, facilitation du dépôt de permis de construire, aide à l’investissement, subventions assurant des synergies entre compétitivité prix, décarbonation, robotisation. »