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Le réseau Dephy n’a pas réussi à diffuser les pratiques pour réduire les phytosanitaires

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Manque d’appropriation des structures portant le dispositif, une prise de risque pas assez prise en compte, séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, etc. Les raisons de l’incapacité du réseau de fermes Dephy à diffuser au plus grand nombre les pratiques conduisant à la réduction des pesticides ont été analysés le 24 octobre à l’Assemblée nationale.  

Le réseau Dephy n’a pas réussi à diffuser les pratiques pour réduire les phytosanitaires
Le réseau Dephy n’a pas réussi à diffuser les pratiques pour réduire les phytosanitaires

Lors de son audition à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires, Virginie Brun, cheffe de projet Dephy Écophyto, a défendu, le 24 octobre à l’Assemblée nationale, « un dispositif unique en Europe qui a permis de démontrer que la réduction des produits phytosanitaires était possible ». Et ce sans pénaliser les performances économiques des exploitations ni les autres enjeux environnementaux. Les résultats sont probants : les fermes du réseau Dephy ont réussi à diminuer leur utilisation de pesticides de 26 % entre leur entrée dans le dispositif et la moyenne des années 2018-2019-2020. « Elles ont donc atteint les objectifs du plan Écophyto qui prônait une baisse de 25 % pour 2020 », ajoute-t-elle.

Un manque d’appropriation des structures

Pour autant, ces démonstrations n’ont pas diffusé auprès des autres agriculteurs et le réseau a échoué dans la massification de ces bonnes pratiques. « Il n’y a pas eu d’appropriation optimale des structures qui ont porté ce dossier », a reconnu Virginie Brun, indiquant un manque d’intégration des résultats Dephy dans leur stratégie. Frédéric Decrozailles, président de la commission, a alors demandé des chiffres pour connaître le nombre de fois où le réseau Dephy a été à l’ordre du jour des instances délibératrices de ces organismes. D’ailleurs, les groupes 30 000, qui avaient pour enjeu une diffusion plus large des pratiques limitant les produits phytosanitaires, n’ont pas réussi à mobiliser les exploitants. « Il y a eu un manque de moyens pour articuler les deux dispositifs », reconnaît Nicolas Chartier, responsable du traitement et de la valorisation des données du réseau Dephy.

« Nous allons demander des comptes »

Autre point qui a interpellé le rapporteur de la commission d’enquête, Dominique Potier : la réduction du nombre de fermes Dephy en 2021, passant alors de 3000 à 2000, afin d’optimiser le dispositif. « C’est contre-intuitif, s’est-il exclamé. Dephy, c’est ce qui marche et nous avons réduit les budgets ! Nous allons demander des comptes à qui de droit pour comprendre cette baisse. »

Une grande prise de risque

La prise de risque des agriculteurs a été aussi un élément cité. Car si le réseau Dephy montre que la baisse des pesticides est possible, elle ne peut se faire que par une reconception globale des systèmes, qui ne va pas sans des efforts conséquents des agriculteurs. Un changement qui demande aussi de la motivation et du temps. « Il faut un accompagnement de qualité et au minimum sur cinq ans », poursuit Virginie Brun.

La séparation de vente et du conseil, « un beau gâchis »

Par ailleurs, la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires a freiné la dynamique. « La présence des coopératives était intéressante à plus d’un titre, pour ce qu’elles apportaient à leurs adhérents et de par leur implication dans les filières », ajoute-t-elle. Dominique Potier insiste : « Nous étions dans une démarche proche des CEPP pour la distribution agricole. C’est un beau gâchis ! »

Dephy 2024 : eau, climat et retrait de molécules

La cheffe de projet Dephy Écophyto a annoncé qu’une troisième vague d’appel à candidatures pour rejoindre le réseau Dephy serait lancée en 2024, avec un objectif plus fort de transférabilité des résultats, en prenant en compte les enjeux de l’eau et du changement climatique, et en axant sur le retrait de molécules qui devrait être un axe fort du prochain plan Écophyto. « Il faut repositionner le réseau dans cet objectif, identifier les systèmes qui se passent de ces molécules », poursuit Virginie Brun, convaincue que les fermes Dephy pourraient être un excellent levier pour accompagner ces retraits.

Le réseau Dephy, animé par Chambres d’agriculture France, a été lancé en 2011 avec 1200 fermes. En 2015, il prend de l’ampleur : 3000 fermes participent au réseau, 40 projets Dephy Expé sont conduits, et l’outil Agrosyst collecte et centralise les données.

Sur le plan financier, il a coûté douze millions d’euros par an, dont 5,7 M€ pour les 180 conseillers, 3,5 M€ pour les projets Dephy Expé, 2,4 M€ pour l’animation et la communication, et 300 000 euros pour le fonctionnement d’Agrosyst. Il a nécessité 120 équivalents temps plein, dont 100 ETP pour l’animation terrain et 20 ETP pour la coordination et la communication.