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Le think tank Europe Jacques Delors conforte la nécessité de réduire l’usage des pesticides

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Dans un rapport publié le 28 mars 2023, le think tank Europe Jacques Delors dénonce les arguments de baisse de productivité et de sécurité alimentaire avancés pour retarder ou amoindrir les objectifs de réduction d’utilisation de pesticides. Selon lui, la résilience du système alimentaire européen exige une mise en œuvre rapide du règlement SUR et des principes de la protection intégrée, en recentrant les discussions sur le déploiement des alternatives. Le think tank propose la mise en place d’une loi-cadre pour un système alimentaire durable, avec une gouvernance européenne globale.

Le think tank Europe Jacques Delors conforte la nécessité de réduire l’usage des pesticides
Le think tank Europe Jacques Delors conforte la nécessité de réduire l’usage des pesticides

Le think tank Europe Jacques Delors, basé à Bruxelles, s’est penché sur la stratégie européenne Farm to fork (de la ferme à la table) et sur les oppositions apparues dès le début de la guerre en Ukraine. Dans un rapport(1) publié le 28 mars 2023 et intitulé « De la ferme à la table pris entre deux feux politiques », il met en avant la nécessité d’établir une stratégie agricole à long terme, avec notamment la réduction d’utilisation de pesticides visée par le règlement SUR.

Sécurité alimentaire : un faux prétexte selon Europe Jacques Delors

Selon le think tank, la tendance à promouvoir la productivité plutôt que la durabilité au nom de la sécurité alimentaire, qui s’est propagée depuis le début de la guerre en Ukraine, entrave le processus de verdissement du système agroalimentaire de l’Union européenne. « De toute évidence, les arguments de baisse de productivité et de sécurité alimentaire liés à la guerre sont utilisés pour détourner la discussion », peut-on lire dans le rapport.

Europe Jacques Delors recommande de mettre rapidement en œuvre la stratégie de la ferme à la table. « Tout retard ou baisse d’ambition entraînera inévitablement des conséquences encore plus graves pour l’environnement, le climat, la santé publique et la production alimentaire future. » Pour le think tank, la superficie des terres agricoles de l’UE étant limitée, les méthodes de production et les modèles de consommation dans l’UE doivent être modifiés, au risque d’augmenter la non-durabilité de notre système et de compromettre la sécurité alimentaire.

Recentrer les discussions sur le déploiement d’alternatives

Le think tank rappelle que les principes de la protection intégrée contre les ravageurs ont été rendus obligatoires à partir de 2014 par la directive SUD. Mais, faute d’une mise en œuvre efficace dans les différents États membres, l’utilisation des pesticides n’a pas été réduite et dix ans ont été perdus pour la biodiversité et la santé humaine. Il souligne par ailleurs que le projet de règlement SUR ne vise pas une suppression complète des pesticides et que les obligations de réduction seront progressives jusqu’en 2030. « Les discussions devraient être recentrées sur le développement et le déploiement de pratiques alternatives viables, sur une rémunération adéquate des agriculteurs et sur des procédures plus rapides d’autorisation pour les alternatives. »

Créer une loi-cadre pour un système alimentaire durable

Pour Europe Jacques Delors, les préoccupations concernant la sécurité alimentaire et les ruptures d’approvisionnement à court terme dévoilent les problèmes des systèmes alimentaires actuels ainsi que des incohérences politiques. Le think tank propose de ce fait la mise en place, par l’UE, d’une loi-cadre, incluant entre autres la Pac, afin de donner une vision claire à l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire, y compris les fournisseurs d’intrants et les transformateurs. Cette loi-cadre doit, selon lui, aborder les questions environnementales, économiques et sociales, et être traduite en objectifs et plans d’action nationaux. Elle doit fournir une définition complète des systèmes alimentaires durables, introduire le principe d’économie circulaire comme ligne directrice pour mieux gérer les ressources et déchets sur toute la chaîne de valeur, et faire en sorte que les solutions durables deviennent les plus rentables et les plus abordables.

Une gouvernance globale

Enfin, le think tank met en avant la nécessité d’établir une structure de gouvernance reflétant à la fois la multidimensionnalité de la durabilité et la sécurité alimentaire. « Au niveau de l’UE, un commissaire à l’alimentation en charge de tout le système alimentaire et des politiques agricoles apporterait une meilleure cohérence de la politique dédiée », est-il avancé dans le rapport.

Le think tank souligne que des compromis devront inévitablement être trouvés et que les coûts à payer durant la transition devront être compensés. Il propose enfin que les coûts environnementaux et de santé publique soient intégrés dans les systèmes de tarification des denrées alimentaires.

(1) Le think tank Europe Jacques Delors, créé en 2020, est dédié à la recherche sur le développement durable et la politique environnementale européenne. Auteurs et contributeurs du rapport « Farm to Fork caught in political crossfire » : Pascal Lamy, vice-président du think tank, Geneviève Pons, directrice générale et vice-présidente du think tank, Sophia Hub et Arianna Lombari, analystes politiques.