« Les Agences de l’eau n’ont pas vocation à financer durablement les PSE », Martin Gutton, Agence Loire Bretagne
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Une mission d’information de l’Assemblée nationale a réalisé un rapport sur la gestion des conflits en situation de pénurie d’eau. Les députés proposent notamment la création d’un fonds d’un milliard d’euros pour développer les Paiements pour services environnementaux, géré par les Agences de l’eau, ou encore d’abroger l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 qui a restreint la définition des cours d’eau. Réactions de Martin Gutton, directeur général de l’Agence de l’eau Loire Bretagne.
Référence agro : Quel est votre avis sur le rapport de Loïc Prud’homme, député de Gironde (LFI) et Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime (groupe Ecologie Démocratie Solidarité) ?
Martin Gutton : Depuis quelques années, nous avons beaucoup de rapports parlementaires sur l’eau et nous nous en réjouissons. Celui-ci est une nouvelle contribution au moment où la France connaît de plus en plus de tension sur l’eau, alors que nous étions un pays favorisé sur le sujet. Les deux députés sont venus dans notre bassin hydrographique notamment pour étudier les situations de conflits sur la Sèvre niortaise et sur l’Indre où la rivière a presque disparu durant l’été 2019. Les deux parlementaires connaissent bien le dossier et le fonctionnement des Agences : le rapport est pertinent car il choisit l’entrée du conflit, avec la mise en avant de l’apport des sciences humaines et sociales. Il évoque les questions réglementaires, le rôle des préfets dans la police de l’eau, l’organisation des concertations, ou encore les rapports de force entre les acteurs, notamment de la part des agriculteurs pour obtenir des dérogations.
R.A. : Une des mesures fortes est la création d’un fonds d’un milliard d’euros dédié aux Paiements pour service environnementaux, PSE. Qu’en pensez-vous ?
M. G : Cette proposition m’a surpris ! Elle est assez aboutie et les modes de financement présentés sont tout à fait plausibles (NDLR, les députés proposent que ce fonds soit alimenté par l’intégralité du plafond mordant des Agences et par une augmentation des redevances de 200 millions d’euros par an). Le gouvernement a en effet missionné les Agences de l’eau pour expérimenter les PSE, avec un budget de 150 millions d’euros dans le cadre du plan biodiversité. Mais l’objectif est bien de proposer un dispositif efficace pour la réforme de la Politique agricole commune. Avec l’agriculture, en matière financière, nous entrons vite dans la loi des grands nombres : il faut faire attention aux promesses car l’enjeu peut être conséquent. Par exemple, si nous versons une indemnité de 250 euros par hectare et par an, pour une exploitation moyenne de 70 ha, l’enveloppe globale s’élèvera à 87 000 euros sur cinq ans. Même un fonds d’un milliard d’euros sur cinq ans pourrait ne pas être suffisant pour une généralisation. C’est la raison pour laquelle il me paraît indispensable, si l’on veut les pérenniser, d’intégrer les PSE à la nouvelle Pac. Dans un souci d’anticipation, les députés ont tracé ce qu’ils pensent être des solutions pour éviter les conflits. Mais cette proposition, qui montre la confiance qu’ils ont dans nos établissements, donne l’impression que les parlementaires doutent de l’évolution positive de la Pac.
R.A. : Les deux députés demandent également d’abroger l’arrêté interministériel de 2017 qui régit l’utilisation de produits phytosanitaires et qui a pu entraîner des arrêtés préfectoraux restreignant la définition des cours d’eau et faisant disparaître les obligations environnementales en bordure de certains d’entre eux …
M. G. : Les associations environnementales ont attaqué certains de ces arrêtés préfectoraux et les tribunaux leur ont donné raison en application du principe législatif de « non régression environnementale ». Les préfets vont devoir reprendre leur copie et mettre tout le monde autour de la table : les agriculteurs bien sûr mais aussi les associations de protection de l’environnement. Il faut que chacun s’écoute et se respecte, afin de trouver un accord partagé. La question de l’eau intéresse tous nos concitoyens, surtout dans un contexte de changement climatique accéléré. L’eau est un bien commun : c’est ce que nous rappelle opportunément la mission parlementaire. »