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Mercosur : un calendrier favorable… à un non-accord

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Nouvel échec dans les négociations engagées depuis près de 19 ans ? Les commissaires européens sont revenus sans accord de leur séjour au Paraguay et de leurs échanges avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Or, dans trois semaines, tout projet commercial entre les deux zones sera stoppé par le démarrage de la campagne électorale au Brésil. Et sans ce pays, difficile de trouver un accord intéressant pour l'Union européenne. En France, les filières viande, sucre et éthanol pointent les incohérences du projet en attendant la fin du mois.


L’accord commercial bilatéral entre l’Europe et le Mercosur serait-il sur la voie d’une nouvelle « pause », 19 ans après le démarrage des pourparlers ? Réunis au Paraguay, après un mois de février âpre en négociations, les commissaires européens sont revenus, début mars, sans accord. Les points de blocage portent sur les indications géographiques et le lait, mais pas seulement. Il y a aussi l’automobile, le transport maritime… Or dans trois semaines, le Brésil entre en campagne électorale, pour les présidentielles et les législatives. Difficile dès lors de s’engager dans un potentiel accord commercial avec l’Union européenne. Et si le Brésil ne s’engage pas, l’accord avec les autres pays du Mercosur devient beaucoup moins stratégique. Pour les filières françaises particulièrement concurrencées par ce projet, plusieurs incohérences subsistent.


Ethanol : le marché n’est pas au rendez-vous

A commencer par l’éthanol. « L’effet du contingent est bien plus important aujourd’hui qu’en 2004 lors de l’offre, explique Gildas Cotten, responsable nouveaux débouchés à l’association générale des producteurs de maïs (AGPM). Car à l’époque, nous envisagions pour 2015-2020, un marché trois à quatre fois plus élevé qu’aujourd’hui pour le bioéthanol de première génération. » De plus, l’ouverture à l’éthanol brésilien interroge dans une Europe qui tend à encadrer, voire à réduire, la production de biocarburants de première génération.


Betteraves : 8 à 10 % des surfaces françaises déjà affectées par le Brexit

Du côté du sucre, outre la perte de part de marché pour la France dans les raffineries européennes à la faveur du contingent brésilien, l’actualité autour du Brexit renforce l’inquiétude. « Aujourd’hui, la production de 8 à 10 % des surfaces de betteraves françaises trouve preneurs au Royaume-Uni, analyse Timothé Masson en charge des questions internationales à la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). L’avenir de ce débouché est aujourd'hui incertain. Ce n’est donc pas le moment d’ouvrir de nouveaux contingents à un concurrent comme le Brésil. »


Viande : scandales et doutes sanitaires

Du côté des viandes, pour le bœuf, la volaille et le porc, la problématique est avant tout sanitaire. Quelques jours après le scandale de fraude à la salmonelle qui a touché BRF, le deuxième plus gros groupe d’abattage-transformation du Brésil et premier exportateur mondial de volailles, les doutes sur la qualité des contrôles sanitaires dans ce pays sont permis. « Nous restons dubitatifs sur la traçabilité sanitaire effectuée au Brésil, explique Pascale Magdelaine, directrice du service économie de l’Itavi, l’institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole. Autant les cahiers des charges sont stricts pour les achats français en direct auprès de partenaires brésiliens, autant la filière du négoce, via des traders, pose question. »


L’Europe installe un double contrôle

Même les autorités européennes remettent en cause le système de contrôle sanitaire brésilien. « C’est un système de façade, explique Jean-Pierre Fleury, président du groupe de travail viande bovine du Copa-cogeca. Après deux scandales en un an, la DG Sanco [l’instance européenne de la sécurité sanitaire et alimentaire, NDLR] est loin d’être convaincue par le contrôle sanitaire brésilien. Elle est obligée d’installer un double contrôle, au départ et à l’arrivée. »


Et dans trois semaines ?

Trois semaines donc pour arracher un accord ? Même si personne n’ose l’avancer, les conditions d’un désaccord sont plutôt bien réunies. A commencer par le calendrier. « Il n’y a pas de rendez-vous fixé avant le début de la campagne brésilienne, poursuit Timothé Masson. Un accord à distance paraît étonnant. » Visioconférence, mail, conférence téléphonique, les commissaires continuent les négociations depuis Bruxelles. Mais un autre élément de l’agenda vient aussi réduire la probabilité d’un accord conclu dans ce délai, comme le souligne Jean-Pierre Fleury. « Suite au scandale de la viande avariée en 2017, une délégation de parlementaires européens est attendue au Brésil. La Commission fera-t-elle l’affront au Parlement de conclure un accord avant le retour de cette délégation ? »


Le Mercosur en quelques chiffres…

-    Les pourparlers sont engagés depuis 1999 et ont déjà connu deux blocages, en 2004 et 2012, soit près de neuf ans de pause au total ;

-    Ces discussions concernent l’Union européenne et quatre des six pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay).

-    Les contingents agricoles actuellement en négociation sont de :

-    Ethanol : 600 000 tonnes soit 7,5 Mhl ou 12 % du marché européen, réparti entre les biocarburants et les autres usages en chimie verte (400 000 tonnes).

-    Sucre : officieusement fixé à 100 000 tonnes. 20 % du sucre consommé en Europe est importé.

-    Volailles : officieusement fixé à 90 000 tonnes. Le Brésil représente déjà 50 % des importations européennes avec 407 000 tonnes en 2017.

-    Bœuf : officieusement fixé à 99 000 tonnes. L’accord entraînerait la perte de 30 000 élevages selon les estimations de l’Idele.