PLOA : « Avoir un texte étoffé et complet avant l’été », Arnaud Rousseau, Fnsea
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La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale auditionnait, le 10 avril 2024, trois représentants de la Fnsea : Arnaud Rousseau, président, accompagné de Luc Smessaert et Jérôme Volle, vice-présidents, dans le cadre du cycle d’auditions préalables à l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
« Personne ne doit considérer que, parce qu’on n’est plus au milieu des autoroutes, le problème est réglé. Avoir un texte étoffé et complet avant l’été nous paraît une priorité ». Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, ainsi que deux vice-présidents du syndicat agricole, Luc Smessaert et Jérôme Volle, ont été auditionnés, le 10 avril 2024, par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale dans le cadre du cycle d’auditions préalables à l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
« Que la compétitivité et la fiscalité soient dans le texte »
« Le Premier ministre a annoncé près de 62 mesures. Le Président de la République les a complétées dans le cadre de sa visite au salon de l’agriculture. Pour autant, il reste certains points que nous souhaiterions voir aboutir. Toutes ces annonces doivent se concrétiser. Soit dans le cadre législatif quand elles relèvent de la loi, soit dans le cadre réglementaire par des décisions qui doivent s’appliquer maintenant. Tant que cela ne se voit pas dans l’entreprise, la parole politique ne suffit pas. Nous avons besoin d’aller plus loin », a rappelé Arnaud Rousseau lors de son intervention.
« Nous avons dit depuis des mois que nous souhaitions une loi globale, une loi d’orientation et évidemment, pour orienter, il faut y voir un certain nombre de chapitres. Nous souhaitions trois piliers : un autour de l’installation et la transmission, un autour de la souveraineté alimentaire et un sur la compétitivité, a-t-il énuméré. Or il apparaît aujourd’hui, dans le texte soumis au Conseil des ministres, qu’il manque certains éléments, notamment l’intégralité du volet sur la compétitivité. Dans les 19 articles, nous avons observé des points très précis que nous demandions : je pense à ce qui relève de la définition juridique du chien de troupeau, ou de la laine de troupeau, et je m’en réjouis. Mais tout cela ne peut pas constituer une orientation stratégique pour l’agriculture. »
« Ce qui nous paraît important, c’est que la compétitivité et la fiscalité soient dans le texte. Tout ce qui concerne la fiscalité, nous dit-on, sera reporté au prochain projet de loi de finances (PLF). Tout cela nous paraît fort loin dans un contexte incertain. Nous souhaiterions que ce projet d’orientation agricole soit un projet qui, dans sa complétude, soit discuté par les parlementaires. Que l’ensemble des paquets de textes soit mis sur la table et non pas en silo, de sorte qu’on étudiera un pan puis un autre… Cela ne nous paraît pas cohérent », juge Arnaud Rousseau.
« Mettre en avant ce qui existe avec les groupements fonciers agricoles »
Luc Smessaert, vice-président du syndicat, est également intervenu : « On a perdu 100 000 agriculteurs entre 2010 et 2020. L’objectif est d’en perdre le moins possible. C’est-à-dire d’avoir des jeunes à installer dans le métier et à qui on pourra transmettre le maximum. Ces maisons France agriculture sont indispensables. Un guichet unique qui simplifie et permet à ces jeunes de déployer leur projet, un projet économique avec des ambitions d’un revenu, d’un métier viable, vivable. Et donner tous les éléments aux 160 000 agriculteurs qui s’arrêteront, pour que demain ils aient envie de céder à ces jeunes », a-t-il souligné.
« Nous sommes très réservés sur l’article 12. Nous voulons mettre en avant ce qui existe avec les groupements fonciers agricoles (GFA) et les GFA mutuels, une solution pour aider et accompagner le portage du foncier. Cela reste à taille humaine ; nous ne tombons pas dans la financiarisation. Ce dont nous avons surtout besoin, c’est d’un vrai soutien de la propriété agricole et nous le rattachons à l’article 12, c’est pour cela que nous ne voulons pas sa suppression, a pointé Luc Smessaert. 80 % des agriculteurs bénéficient du fermage. Cela évite de faire des grands fonds de portage. En matière de priorité, le besoin est sur la fiscalité pour éviter que cette population soit fiscalisée à plus de 50 %, quand un fermage coûte entre 150 et 200 euros. »
« Le sujet de la taille des exploitations n’est pas une fin en soi »
« Depuis 30 ans, il y a certes eu de l’agrandissement mais aussi du développement de valeur. La pluriactivité des agriculteurs, qui ont souvent développé plusieurs ateliers, en témoigne. Sur le sujet de la taille, il faut regarder les choses de manière différenciante. Il faudrait faire grandir les exploitations laitières si on veut continuer à attirer les jeunes. Travailler seul, avec des vaches, 70 heures par semaine, c’est un modèle sociologique qu’une partie de la jeunesse n’est pas prête à embrasser. En revanche, demain, il serait mieux d’avoir des exploitations un peu plus grandes, avec 100-120 vaches, de pouvoir être à deux avec un salarié ou un associé, et de prendre un week-end de temps en temps et des vacances… Le sujet de la taille des exploitations n’est pas une fin en soi. La fin en soi, c’est la valeur et l’emploi créés », estime Arnaud Rousseau.
« La FNSEA est très soucieuse de la réciprocité des normes »
Le président syndical poursuit : « Nous portons l’ambition, à la FNSEA, que la France redevienne un champion olympique de l’agriculture. Nous avons toutes les qualités pour réussir. Comment fait-on demain pour rester avec une capacité productive ? Je fais le pendant avec le sujet énergétique : la France avait abandonné, ou du moins mis de côté, le sujet de la production d’énergie. Elle s’est retrouvée dans un contexte que personne n’avait anticipé avec un défaut de souveraineté important qui a conduit à dire : »Peut être qu’il n’y aura pas de gaz« . Prend-on le risque, alors que nous appartenons tous à des générations qui ont toujours eu le ventre plein, de jouer la carte de déléguer notre alimentation à d’autres ? C’est suicidaire. Garder une capacité de production agricole dans ce pays est essentiel. »
« Ce qui est important, c’est de construire les prix en marche avant, estime Arnaud Rousseau. De faire en sorte que la négociation entre les organisations de producteurs et l’industriel se fasse avant la négociation entre les industriels et la grande distribution. Pour que chacun puisse soustraire ses coûts de production et conserver une marge. »
« Sur la réciprocité des normes, nous sommes absolument soucieux de voir remettre en cause le caractère décroissant du Green Deal, tel qu’il a été présenté et qui a mis tous les pays agricoles d’Europe à feu et à sang, a-t-il déploré. Le sujet n’est pas d’écarter la question de la transition écologique. En revanche, on ne peut pas avoir une vision décroissante qui consiste à dire qu’en Europe on décarbonera, et laisser la Chine, les États-Unis ou l’Inde produire. Et nous, on va s’acheter une bonne conscience en important des produits qui ne correspondent pas à nos standards de production. La FNSEA n’est pas hostile aux échanges, mais elle est très soucieuse de la réciprocité des normes. On parle du Mercosur, il n’y a pas d’accord signé, et nous n’y sommes pas favorables. Mais il rentre déjà près de 300 000 tonnes de viande bovine en Europe. Il n’y a pas d’accord de libre échange et pourtant le problème est là. »