Pollutions industrielles, la directive IED cible 13 % des élevages européens
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Pour Bruxelles, tout élevage porcin, bovin ou de volailles dénombrant plus de 150 unités gros bétail doit désormais relever de l’installation industrielle soumise à la directive IED, visant à réduire les pollutions. Cette posture, exprimée le 5 avril, fait réagir dans le secteur agricole, cette évolution représentant un coût et des lourdeurs administratives.
Le 5 avril, Bruxelles a fait connaître sa proposition (accessible ici, en anglais) de révision de la directive sur les émissions industrielles, IED, visant une meilleure préservation de l’environnement, de l’air et de la santé. Le texte n’a pas manqué de faire bondir les acteurs du secteur de l’élevage. En effet, la Commission envisage d’élargir le cadre d’application d’IED : désormais, toute exploitation comptant plus de 150 unités gros bétail (UGB) serait concernée, en filières bovine, porcine et volaille.
IED, un coût de 2400 € par an pour les exploitations
Pour quelle implication ? IED impose aux installations industrielles jugées les plus émettrices, dont les exploitations agricoles, de justifier d’une activité menée dans le cadre des « meilleures techniques disponibles » de leur secteur, recensées par l’UE. Et cette démarche a un coût. La Commission évoque 2400 € par an, pour une exploitation. Bruxelles reconnaît également indirectement la lourdeur administrative du dispositif, en insistant sur la mise en place d’outils de traitement des données en ligne pour simplifier la tâche des agriculteurs. Le texte propose, enfin, un système d’autorisation « allégé » pour les exploitations, « proportionnel aux risques moindres qu’elles représentent par rapport aux [autres] installations industrielles ».
Le monde de l’élevage vent debout
Dans sa version actuelle, IED s’applique à 20 000 exploitations, uniquement porcines et de volailles, à travers l’Europe. Avec cette proposition, ce chiffre atteindrait les 185 000 et toucherait donc les élevages bovins, soit 13 % des fermes d’élevage européennes, engendrant 60 % des émissions d’ammoniac dues au bétail dans l’UE et 43 % des émissions de méthane, selon la Commission. Les bénéfices de cette mesure pour la santé humaine « s’élèveraient à au moins 5,5 milliards d’euros par an », tandis que ces changements « créeront davantage d’emplois », veut-on croire à Bruxelles.
Les réactions ne se sont pas faites attendre. Dès le 4 avril, en amont de la proposition de Bruxelles et sur les bases alors connues du texte, la Fédération nationale bovine, FNB, dénonçait déjà une approche « simpliste car elle n’intègre aucune vision d’ensemble, et ne tient compte ni de la surface sur laquelle évoluent ces bovins, ni du modèle d’élevage ». Une exploitation d’alpages est ainsi considérée de la même manière qu’une élevage hors-sol. Sur Twitter, la présidente de la FNSEA Christiane Lambert a fait part de son « incompréhension totale », et déploré une absence de concertation, le 6 avril.
Denormandie amer, Wojciechowski prudent
Julien Denormandie lui-même a livré un commentaire amer lors de sa conférence de presse du 7 avril, en marge du Conseil européen agricole. Il a notamment évoqué un « non-sens » et sa détermination « à se battre » contre cette proposition qui d’après lui, « crée de la distance entre la Commission et les agriculteurs ». À son côté, le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a affirmé avoir pesé pour que le seuil initial de 100 UGB soit remonté à 150, divisant pratiquement par deux le nombre d’élevages ciblés par IED. Il a évoqué la nécessité de continuer à discuter, et son souhait de voir le mode de production pris en compte, et non pas seulement le nombre d’animaux.
Le texte est désormais entre les mains du Parlement européen et des États membres. Une adoption en 2023 est espérée par la Commission.
#DirectiveIED & assimilation des élevages de + de 150 UGB à des installations industrielles.
Pour @J_Denormandie « c’est ce type de texte qui crée de la distance entre la @EU_Commission et les agriculteurs. Il va falloir remettre du bon sens dans tout cela. » pic.twitter.com/Wo2Ndgm9e4
— FNB (@EleveursBovins) April 8, 2022