La Cour des comptes veut des mesures contraignantes sur la qualité de l’air
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Le secteur de l’agriculture s’est mobilisé tardivement sur la question de la qualité de l’air, estime un rapport de la Cour des comptes publié le 23 septembre. Elle demande l’instauration de mesures plus contraignantes sur les émissions d’ammoniac et des pesticides dans l’air.
Le secteur agricole français ne fait pas assez en matière de lutte contre la pollution de l’air, indique un rapport de la Cour des comptes publié le 23 septembre. L’instance estime que la prise de conscience a été « particulièrement tardive » et que « peu de mesures contraignantes sont mises en œuvre », sur les émissions d’ammoniac et de pesticides dans l’air, les deux priorités selon l’instance.
Les pesticides dans le viseur
Parmi les douze propositions formulées, deux concernent l’agriculture. La Cour demande ainsi d’intégrer la qualité de l’air dans la réglementation des pollutions d’origine agricole et dans les critères de conditionnalité des aides de la politique agricole commune. Sur la présence de pesticides dans l’air, elle souhaite la mise en place en 2021 d’un dispositif de surveillance pérenne, avec une réflexion sur l’intégration dans la liste des polluants réglementés ou de leur limitation, voire interdiction, d’usage. Selon la Cour, les pesticides développés récemment pourraient demeurer dans l’air beaucoup plus longtemps, jusqu’à un facteur 100, sous forme non pas gazeuse mais particulaire. Ils participeraient également à la formation de particules fines.
La France deviendra le plus gros émetteur européen
La Cour des comptes dresse un tableau peu glorieux des actions de la profession agricole et des ambitions pour le secteur. La directive Nec prévoit une réduction des émissions d’ammoniac de 13 % entre 2014 et 2030, dont 4 points dès 2020. « Ces objectifs sont moindres que ceux fixés en Allemagne (-26 % en 2030), ce qui fait que la France, même si elle atteignait l’objectif, deviendrait le plus gros émetteur de l’Union européenne », alerte l’instance. D’autres pays ont pourtant déjà fortement réduit leurs émissions, étaye le rapport, comme les Pays-Bas (-21 %) ou le Danemark (-24 %). Le ministère de l’Agriculture et les professionnels agricoles justifient cette ambition moindre par la grande diversité des cultures et des formes d’élevage observée en France, qui ferait obstacle à la diffusion large de pratiques et techniques de traitement des effluents mises en œuvre dans les pays du nord pratiquant un modèle d’élevage très intensif.
Les objectifs de Nec ne seront pas atteints
« Dans un contexte de relative stabilité du cheptel d’animaux d’élevage, l’atteinte de l’objectif intermédiaire d’une baisse de 4 % en 2020 est peu probable, et celui de -8 % en 2025 paraît déjà compromis, poursuivent les auteurs. Après avoir augmenté entre 2013 et 2016, les émissions n’ont diminué que légèrement depuis et ne sont en 2018 que de 2 % inférieures au niveau de 2005. »
La Cour des comptes estime pourtant que des solutions existent depuis longtemps : alimentation du bétail, aération ou couverture de fosses à lisier, limitation de l’emploi des engrais à fort taux de volatilisation, amélioration des techniques d’épandages, etc. Mais selon elle, les pratiques moins émissives diffusent trop lentement dans les campagnes. Elle souligne toutefois des projets soutenus par l’Ademe : Epand’air, mené par la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France et encore Prosp’air par celle du Grand Est
Face à cette faible mobilisation l’instance demande l’instauration de mesures contraignantes d’ici à 2025. Elle cite le remplacement de l’urée par des formes moins émissives, l’incorporation rapide, l’obligation de couverture des fosses ou de l’épandage par pendillards, l’extension des élevages soumis à la directive IED relative aux émissions industrielles. « Ces mesures devront s’accompagner d’un fonds de soutien financier », souligne la Cour des comptes.