Protection des cultures, Maud Faipoux, directrice générale de l’alimentation, répond à Référence agro
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Le secteur de la protection des cultures est plus que jamais chamboulé. Retraits de substances actives, déploiement difficile de solutions alternatives aux produits conventionnels, projet de règlement SUR… Dans ce contexte, quelle politique envisage la DGAL ? Référence agro est allé chercher la réponse auprès de Maud Faipoux, directrice générale de l’alimentation au ministère chargé de l’agriculture.
Référence agro : Quels sont, selon vous, les principaux freins à lever pour déployer plus largement le biocontrôle ?
Maud Faipoux : Le biocontrôle s’inscrit dans une approche agronomique et systémique. Il demande donc de faire évoluer les pratiques culturales et de protection globale des cultures, notamment vers plus de prévention et d’observation, et d’opter pour des solutions combinatoires. Ces changements ne sont pas simples à opérer, ni immédiats.
Les produits de biocontrôle contribuent à la régulation des bioagresseurs plutôt qu’à leur éradication. Ils ne montrent pas, généralement, une efficacité immédiate équivalente et s’avèrent plus dépendants du contexte d’utilisation que les produits conventionnels. Cela peut constituer un premier frein, décourageant pour les agriculteurs.
La gestion des équilibres à l’échelle de l’exploitation nécessite la mobilisation de plusieurs leviers et une plus grande technicité agronomique, passant par une expérimentation, des sites de démonstration, un conseil et des formations adaptés. Là encore, ce frein est bien identifié et je préfère y voir une marge de manœuvre : il y a ici un potentiel important pour accompagner et conseiller les agriculteurs qui souhaitent se lancer dans le biocontrôle.
Enfin, la mise à disposition de nouvelles solutions issues de l’innovation est freinée par un investissement insuffisant à ce stade, qui souffre de la compétition avec le secteur des intrants agrochimiques. Compte tenu d’un marché plus important, ces derniers restent plus rentables. Il y a là un enjeu fort pour dynamiser l’offre de biocontrôle. L’efficience de l’investissement français sur l’essor du biocontrôle et de son déploiement est dépendante d’un mouvement d’ensemble de transition agroécologique au niveau de l’Union européenne et à l’international, ainsi que d’un partage d’ambitions et de priorités avec les institutions et équipes étrangères.
Référence agro : Quels changements pourrait apporter le plan Écophyto 2030 annoncé fin février par la Première ministre ? Peut-on envisager de multiplier les plans tels que le PNRI ou le Plan de sortie du phosmet ?
Maud Faipoux : Le plan Écophyto 2+ arrivera à échéance en avril 2024. Nous devons donc anticiper son renouvellement. C’est dans cette optique que la Première ministre a annoncé une stratégie spécifique sur les produits de protection des plantes, qui sera proposée par le Gouvernement à l’été et qui devrait faire l’objet d’une consultation du public au deuxième semestre 2023.
Cette stratégie prendra la suite d’Écophyto 2+, mais avec un spectre plus large, une vraie vision transversale et cohérente, qui doit permettre d’actionner tous les leviers nécessaires à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques tout en assurant la protection des cultures.
Première brique essentielle de cette stratégie : la planification du retrait de substances actives. Celle-ci peut être conduite en communiquant sur un calendrier partagé des retraits de substances et en identifiant les solutions alternatives disponibles.
L’idée n’est pas d’enchaîner les plans de sortie de molécule, menés sur un usage, un ravageur comme le PNRI ou le plan de sortie du phosmet. Nous souhaitons conduire une réflexion plus large, plus transversale, en réunissant tous les acteurs autour de la table, et en nous servant bien sûr de l’expérience des plans déjà lancés.
Les autres axes de ce plan Écophyto 2030 viseront à :
• rechercher, développer et déployer des alternatives non chimiques, notamment en renforçant les moyens pour l’agriculture biologique ;
• protéger la santé humaine et l’environnement, notamment à l’échelle territoriale sur les zones et ressources les plus sensibles ;
• accompagner et conseiller les agriculteurs, les filières et les territoires dans les transformations à conduire ;
• préserver les filières françaises d’une distorsion de concurrence européenne et internationale.
Des précisions seront apportées dans les prochains jours.
Référence agro : Le règlement SUR fait-il partie des leviers sur lesquels compte la France ?
Maud Faipoux : Bien sûr. Le projet de règlement SUR prévoit la mise en place de dispositions particulières pour les méthodes de protection biologique. Une définition a été proposée, c’est une avancée, mais elle n’est pas complètement en ligne directe avec la définition nationale de biocontrôle telle que précisée à l’article L.253-6 du Code rural en vigueur depuis 2014. Dans le cadre des négociations avec la Commission européenne et nos collègues européens, nous veillons et veillerons à ce que le futur règlement n’implique pas une remise en question majeure des mesures que nous avons mises en place au niveau national.
Nous portons également la volonté d’une meilleure intégration au sein de ce projet de règlement des produits utilisables en production biologique, dans la mesure où ils concourent également à la réduction des usages et des risques des produits phytopharmaceutiques chimiques et aux objectifs de la stratégie « Farm to Fork ». Nous plaidons pour étoffer le volet relatif au développement des alternatives.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans notre Mag biocontrôle 2023, à paraître le 20 avril.