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Rapport de la Cour des comptes : « Un message d’encouragement » (Denis Charissoux, OFB)

Le | Politique

Denis Charissoux, directeur général délégué de l’OFB, réagit à la parution, le 17 juillet 2024, du rapport de la Cour des comptes sur les exercices 2019-2022 de l’office. Tout en reconnaissant plusieurs axes d’amélioration, il se félicite des efforts effectués depuis la création de l’office en 2020.

Rapport de la Cour des comptes : « Un message d’encouragement » (Denis Charissoux, OFB)
Rapport de la Cour des comptes : « Un message d’encouragement » (Denis Charissoux, OFB)

Quelle a été votre réaction à la lecture du rapport de la Cour des comptes sur l’OFB, le premier depuis sa création en 2020 ?

Quatre ans après la création de l’OFB, ce rapport permet de dresser un premier bilan des actions de notre établissement. Il était extrêmement important de l’avoir dans ce timing afin de montrer nos premières réalisations, dans un planning record. Nous sommes très heureux que la Cour mesure le chemin accompli depuis le 1er janvier 2020 et salue l’ampleur des actions d’ores et déjà conduites, dans un contexte de préfiguration réduite - un an et demi - et, surtout, de crise sanitaire qui nous a touchée directement dès mars 2020, à peine 15 jours après le premier conseil d’administration de l’établissement. Je retiens la phrase disant que l’objectif fixé par le législateur de regrouper, au sein d’un même établissement toutes les expertises de gestion, de connaissance et de protection des espèces et milieux aquatiques et terrestres a été atteint, en dépit des difficultés inhérentes à la fusion de deux établissements (l’AFB et l’ONCFS). La Cour des comptes a bien relevé la structuration que nous avons voulu mettre en place très rapidement et les défis que nous avons relevé. Nous avons listé, auprès de la Cour, des points importants quant à des documents stratégiques : le Contrat d’objectif et de performance (COP) 2021-2025, le programme d’intervention 2023-2025, le Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) ainsi que de nombreux chantiers structurants d’instructions, de services forestiers de police et de suivis de projets de pérennisation. C’était un gros travail réalisé avec la Cour des comptes depuis mars 2023. Nous nous réjouissons d’avoir ce premier rapport, qui nous donne un message d’encouragement dans la poursuite du travail déjà accompli.

Pour autant, la Cour des comptes évoque des ressources financières « insuffisantes pour couvrir l’ampleur des missions de l’OFB et pour faire face à la hausse des besoins de protection de la biodiversité » et ce, jusqu’en 2023. Avez-vous constaté un changement depuis et estimez-vous que les moyens alloués à l’OFB sont désormais à la mesure de ses missions ?

Il y a eu un vrai changement. Notre budget 2024 dépasse, pour la première fois, les 650 M€ d’engagements grâce à deux sujets que nous avons rappelés à la Cour des comptes : la mise en œuvre de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) (60 M€ supplémentaires) et le déploiement du Plan Eau dans les outremers. Nous avons mis en place des moyens conséquents grâce à des contributions de l’État et des agences de l’eau. Il y a aussi le développement de projets européens structurants, sans parler du Loto biodiversité mis en place l’année dernière avec la Française des Jeux (FDJ) et qui permet aussi d’avoir des revenus supplémentaires. Nous avons également eu la création de 47 ETP en 2024. Il y a eu un rapport très important de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), concernant le financement de la SNB, sur lequel nous avons travaillé un an. Ce rapport traçait une trajectoire financière sur la biodiversité et en particulier sur l’OFB : il a servi de référence pour la construction d’une loi de finances en 2024. C’est important de se dire que le gouvernement a mis en œuvre ce rapport.

Sans m’attarder sur le passé, la question qui se posera dans les prochaines semaines et les prochains mois est : quelle politique en matière de redressement des comptes publiques en 2024 et 2025 ? C’est là où, je pense, le sujet se placera.

Dans les observations remontées par Olivier Thibault en annexe du rapport, le directeur de l’OFB dit prendre note de la recommandation de la Cour des comptes de la création d’un « comité d’audit interne compétent pour tous les processus, y compris métiers ». Où en est cette réflexion et quelle forme prendrait ce comité ?

Nous avons été un peu surpris de l’interrogation de la Cour des comptes parce que nous avons aujourd’hui un conseil d’administration avec deux commissions spécialisées : la commission des interventions, qui attribue les aides, et la commission des finances et de l’audit, qui a tout pouvoir sur les sujets à la fois d’examens des budgets et des comptes financiers d’établissement. Elle est aussi chargée d’apporter une appréciation sur la qualité du contrôle interne budgétaire et comptable, et de considérer le problème de l’audit. Nous considérons que la CFA répond pleinement aux dispositions réglementaires qui nous sont confiées en matière d’établissement public. Le signal que veut nous faire passer la Cour des comptes portait sur l’aspect « métiers ». Elle souhaite que l’OFB crée une instance complémentaire sur un audit plus « métiers », qui ne dépend pas du conseil d’administration et qui passera sans doute par la création d’un audit inter métier auprès du directeur général avec des positions qui restent à définir et sur lesquelles nous allons travailler dans les prochaines semaines.

D’un autre côté, nous étions pleinement dans les règles, je comprends que la Cour des comptes souhaite que l’on aille voir aussi, par ce comité un peu alterne, la partie métier. C’est ce qu’on va essayer de mettre en place, en définissant le format sous lequel ce comité d’audit se réunira, ses membres et ses travaux.

Le rapport évoque également le « quasi-statut » de l’environnement qui, selon la Cour des comptes, peut provoquer certaines difficultés pour l’OFB, notamment en termes d’attractivité, de recrutement, de rémunération, d’évolution professionnelle et de valorisation des parcours. Dans ses observations, Olivier Thibault dit partager les constats faits par la Cour sur les enjeux de la gestion des ressources humaines et convient de la nécessaire évolution de ce « quasi-statut ». Comment se traduisent concrètement ces difficultés et comment comptez-vous y remédier ?

C’est un point très important. À l’OFB, nous recrutons soit des fonctionnaires, soit des contractuels. Dès que nous recrutons un contractuel, nous devons le faire sous ce « quasi-statut » qui est directement inscrit dans le cadre d’un décret de 2016 fixant toutes les dispositions particulières qui s’appliquent à ces agents non titulaires. Cela concerne l’OFB, mais aussi les parcs nationaux, le Conservatoire du littoral et l’Établissement public du Marais Poitevin. Le quasi-statut définit des règles indiciaires, les modalités de recrutement, de reclassement, de promotion. Tout cela est très cadré.

À la page 122 du rapport, la Cour des comptes donnent trois exemples sur nos difficultés de recrutement, notamment celui de la Direction de l’évaluation et des transformations, qui souhaitait recruter un auditeur contractuel. Celui-ci avait un traitement précédent à 5000€ net et nous ne pouvions lui proposer un traitement supérieur à 2900€ net. Évidemment, l’auditeur n’a pas accepté. Autre sujet très compliqué, la DSI, Direction des systèmes d’information, n’a pas accès à des dérogations que peuvent connaître d’autres administrations donc la DSI est dans la même grille que d’autres agents.

Nous avons des problèmes de recrutement puisque nous n’arrivons pas à aligner la rémunération. Il y a également des sujets très compliqués sur la reprise d’ancienneté : ce sont des calculs très savants où il faut redonner tous les contrats des personnes, vérifier leur diplôme… Cela demande beaucoup de travail et est très contraint. Nous avons du mal à recruter des agents en gardant leur rémunération, et nous n’augmentons personne. Sur la valorisation des parcours, nous avons du mal également à faire progresser la rémunérations des agents qui voudraient promouvoir une certaine carrière, une évolution en matière de responsabilités. Nous avons pas mal de postes vacants, notamment sur les fonctions supports, où cela est très compliqué de recruter des collègues à la DRH, à la DSI, à la direction des finances. Sur la partie inspection de l’environnement, nous avons fait un concours pour recruter des techniciens et pour lequel nous avons eu beaucoup de candidatures. Nous allons engager un débat avec le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MASA) et la Direction générale des Finances publiques (DGFP) sur l’évolution de ce quasi-statut. Il y aura aussi un échange très important avec nos organisations syndicales représentatives.

Un dispositif d’astreinte permettant aux salariés de travailler les dimanches et jours fériés est expérimenté depuis peu au sein de l’OFB afin de résoudre la problématique de continuité des services, également soulevée par le rapport de la Cour des comptes. Quelles sont les premières conclusions de ce dispositif ?

C’est un dispositif que nous avons mis en place très récemment, le 1er janvier 2024, et nous en sommes encore à la partie expérimentation. Nous n’avons pas encore fait le bilan des premiers mois de réalisation, ce que nous ferons probablement à l’automne ou en début d’année prochaine. Nos agents travaillaient déjà pour beaucoup le samedi et le dimanche, parce que la police ne s’arrête jamais, principalement sous forme de binômes. La difficulté que nous avions dans les ex-établissements était qu’il pouvait y avoir des week-ends, notamment dans les petits services départementaux, durant lesquels nous n’étions pas capables d’assurer la présence de collègues pour des questions de congés ou autres. Nous avons donc mis en place ce dispositif d’astreinte, en lien avec la convention, signée avec le ministère de l’Intérieur, de relations entre les préfets et nos agents sur les sujets de police administrative en matière d’eau et de diversité. Cette convention a d’ailleurs été saluée dans un autre rapport de la Cour des comptes sur les préfets.

L’idée est de faire un bilan à la fin de l’année et de voir si, potentiellement, on généralise ou non ce dispositif pour les années suivantes. Le travail du dimanche reste quant à lui très peu indemnisé, bien en dessous de l’indemnisation, par exemple, d’un jour de compte épargne-temps (CET). L’agent a deux solutions : soit il se fait indemniser le dimanche, soit il récupère deux jours. La Cour des comptes, dans son rapport, établit un comparatif l’intérêt de deux scénarios en matière de finances publiques et considère que l’indemnisation du travail le dimanche devrait être relevée. Nous partageons évidemment ce constat, même si tout ne dépend pas de l’OFB sur ce sujet.

Le rapport parle d’un « climat social tendu » du fait d’un « écart culturel » entre les deux établissements fusionnés. Le constatez-vous et quelles sont les mesures prises par votre direction pour combler cet écart ?

La fusion de l’AFB et de l’ONCFS a été celle de deux établissements à peu près du même ordre de grandeur. Nous sommes organisés en services départementaux, au sein desquels se trouvent 10 à 20 agents par service, en plus des directions régionales et de la direction nationale. Quand vous fusionnez deux réseaux territoriaux, il ne peut rester qu’un chef. C’était le premier sujet : avoir une offre de services d’accompagnement managérial pour les chefs de service départemental dans une mission beaucoup plus large. L’idée était de créer une vision commune dans la mise en œuvre des missions du nouvel établissement au sein des services départementaux. Dès les années 2020-2022, nous avons fait une sensibilisation aux risques psycho-sociaux et nous avons mis en place des cellules de soutien, d’écoute, de conseil, animées par des psychologues du travail, des assistantes sociales.

Nous avons également mis en place, très tôt, des réseaux de conseillers de prévention, ainsi qu’une cellule de veille nationale. Nous avons réalisé notre Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), et déployé un plan pluriannuel des risques psychosociaux, qui a permis de grandes avancées sur les moyens dédiés à la prévention d’un risque professionnel, l’amélioration de la qualité de vie au travail. Nous avons créé un poste au sein de la DRH sur ce sujet. Nous avons réussi à recruter un conseiller de prévention national, de nombreuses notes de service, de fiches réflexes pour les collègues, et puis un centre de formation pour les conseillers de prévention et des sessions de prévention. C’est un point que nous n’avons pas pris à la légère et qui a été identifié, dès la fin d’année 2019, comme un point majeur pour réussir la fusion.

Quatre ans après, nous estimons que nous sommes sur la bonne voie. Nous commençons à effacer les antériorités. Pour nos collègues, le sujet n’est plus tant l’appartenance à tel ou tel ancien établissement mais plutôt que l’OFB ait été régulièrement pris pour cible durant la crise agricole en début d’année. Notre site national de Brest avait également pris feu en mars 2023, suite à une manifestation de marins-pêcheurs. Nous avons vu la solidarité au sein de nos équipes à ces occasions.

La Cour des comptes estime que « la hausse d’activité affecte le service de la commande publique qui tente de répondre au mieux aux demandes d’achat ». L’OFB peine cependant, toujours selon la juridiction financière, « à passer d’une logique de procédure administrative à une logique de résultat économique et de recherche de qualité ». Comment interprétez-vous ce double diagnostic ?

Contrairement à ce qui a pu se passer dans d’autres établissements publics, ou même dans des établissements qui précédaient l’OFB, la Cour des comptes a salué la sécurisation des procédures d’achat. C’était le sujet principal lors de la création de l’OFB. Les marchés sont un sujet pénal, et je suis très attentif à cela, contrairement à beaucoup d’autres moins rigoureux que nous. Je pense que c’était important que nous insistions sur ce sujet de régularité, de sécurisation de nos marchés publics dès la création de l’OFB. Je salue le rapport de la Cour des comptes qui n’a pas trouvé à redire pendant quatre ans d’existence sur la question des marchés, et je m’en félicite. Ce n’est pas contradictoire avec le résultat économique : on peut avancer dans le cadre de fluidification, de simplification, sans ce que ce soit au détriment de la régularité ou de la sécurisation. L’OFB est une direction publique, qui défend des missions d’intérêt public, et n’a donc pas à être rentable. Ce qui est important, c’est de trouver des recettes annexes par le mécénat, notamment auprès de la FDJ qui va nous allouer 700 000 € l’année prochaine, ENGIE également. Ce sont des sujets sur lesquels nous avançons.