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Rapport sur Farm to fork, « Si le but de l’étude était de vous duper, elle n’aurait jamais été publiée » (DG Agri)

Le | Politique

Deux mois et demi après la publication d’un rapport sur les impacts du Green deal sur le secteur agricole, la Commission européenne a défendu l’étude devant le Parlement européen, le 11 octobre. Les eurodéputés ont critiqué la diffusion selon eux tardive de ce document. Ils demandent une nouvelle fois la publication d’une réelle étude d’impact. 

Tassos Haniotis, directeur général adjoint de la DG Agri. - © D.R.
Tassos Haniotis, directeur général adjoint de la DG Agri. - © D.R.

« Nous pensons, à la commission agriculture du Parlement européen, qu’il faut une étude approfondie sur les effets de la stratégie Farm to Fork. Le rapport du JRC n’est pas le seul à conclure à une baisse des productions, la Commission européenne devrait s’y pencher de plus près. » Le ton est donné. Le 11 octobre, Norbert Lins, qui préside la commission agriculture du Parlement européen, accueillait Tassos Haniotis, directeur général adjoint de la DG Agri, venue présenter le rapport du JRC, rattaché à la Commission européenne, sur les impacts de plusieurs mesures du Green deal, issues des stratégies Farm to Fork et Biodiversité, et d’une Pac ambitieuse sur le secteur agricole. Diffusé cet été, il a fait couler beaucoup d’encre cette rentrée.

Des réactions que Tassos Haniotis avait anticipé. « C’est surprenant ! a-t-il ironiquement lancé en préambule. Depuis des décennies nous disons que l’économie et le social priment sur l’environnement. Si nous voulons une réelle transition, il faut accepter que les coûts socio-économiques augmentent, à moins que des facteurs d’atténuation soient activés. Les effets seront très différents d’un secteur à l’autre en fonction des choix des consommateurs. »

Le calendrier concentre les critiques

Le calendrier de publication a concentré de nombreuses interventions des eurodéputés, à l’instar d’Herbert Dorfmann (Parti populaire, Italie) : « C’est dommage que ce rapport n’ait été diffusé que cet été, nous devons être francs entre nous ! Ceux qui prennent des risques, ce sont les agriculteurs. Nous ne devons pas nous étonner si ces derniers, qui font parfois peu de marges, s’interrogent. » Un point de vue également partagé par Anne Sander (France, Les Républicains) : « Nous nous posons beaucoup de questions sur la forme et le fond de ce rapport, nous avons l’impression qu’on a cherché à nous cacher des choses. » A ce sujet, le directeur général adjoint de la DG Agri a souhaité calmer les craintes. « Je prends très au sérieux vos commentaires et vos critiques sur la date de publication. Mais il y a lieu de clarifier : si le but de l’étude était de vous duper, elle n’aurait jamais été publiée. »

Des facteurs non pris en compte

Ce dernier doit néanmoins aussi faire face à d’autres retours mitigés. Le contenu du rapport ne remporte pas plus l’adhésion des eurodéputés. « Pourquoi la Commission n’a pas fait d’étude d’impact en parallèle de la publication de ses objectifs ? peste Irène Tolleret (France, LREM). C’est parce que nous voulons atteindre les ambitions du Green deal que nous devons être vigilants sur les moyens. Le rapport ne parle même pas des clauses miroirs. Derrière les chiffres, il y a des vies. » En effet, de nombreux facteurs n’ont pas été pris en compte, comme l’agriculture biologique ou la différenciation entre les produits phytosanitaires. « Ce n’est pas une étude d’impact, on peut le regretter, mais c’est une réalité, résume Eric Andrieu (France, PSE). Nous devons avoir un débat apaisé sur l’enjeu de la souveraineté alimentaire et construire notre avenir alimentaire, en commerçant avec des pays souhaitant importer nos normes. » Pour sa part, Jérémy Decerle (France, Renew), plaide pour la réalisation d’une étude de faisabilité.

Des effets environnementaux clairs pour la DG Agri

Tassos Haniotis se veut néanmoins rassurant sur l’avenir des échanges commerciaux : « L’UE continuera d’être exportatrice ! » Mais aussi sur le bilan environnemental de la stratégie Farm to Fork, qui suscite le scepticisme dans le rang des eurodéputés. Interrogé sur le phénomène de fuites carbone, il assure que celles-ci pourraient être réduites par le changement de pratiques agricoles et la montée en puissance de pratiques comme l’agriculture de précision ou la réduction du recours aux engrais. Surtout, il rappelle que le rapport se fonde sur l’hypothèse qu’aucun autre pays n’engage de stratégies climat similaires au Green Deal. « Qu’attendiez vous de nous ? Que nous sachions ce que les Etats-Unis, les Chinois allaient faire ? Parfois il faut maintenir le statu quo pour voir quelles mesures sont envisageables pour réduire les fuites. »

Le 23 septembre dernier, le Commissaire européen a assuré qu’une véritable étude d’impact serait réalisée « avant le début du processus législatif », mais après la finalisation des plans stratégiques nationaux de la future Pac, « afin d’être plus crédible et plus précis ».