Usage des terres et sécurité alimentaire : cinq scénarios à l'horizon 2050
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Bertrand Schmitt, délégué à la prospective et aux études de l’Inra, était invité au colloque « Nourrir toute la terre », organisé par la fondation Jean Jaurès le 13 décembre. L’occasion pour lui de présenter les conclusions d’une étude prospective menée par le tandem Cirad-Inra, publiée en avril dernier. Les deux organisations ont établi cinq scénarios d’évolution de l’usage des terres à l’horizon 2050, et leurs conséquences sur la sécurité alimentaire.
Scénario « Métropolisation »
Un développement des mégalopoles. Une transition nutritionnelle pilotée par les entreprises agro-alimentaires mondiales : aliments ultra-transformés et/ou consommation en hausse des produits d’origine animale. Un panorama qui s’accompagne « changements climatiques rapides », où « les petits agriculteurs déconnectés des marchés sont marginalisé », précise Bertrand Schmitt. Une hypothèse ou le surpoids et l’obésité prévalent, avec une nécessaire augmentation des terres agricoles.
Scénario « Ménages »
Ce scénario associe une forte mobilité individuelle entre les zones rurales et urbaines et évolution des habitudes alimentaires vers des régimes hybrides alliant tradition et modernité. Dans un monde globalisé, les exploitations familiales et les coopératives sont des acteurs majeurs de l’usage des terres. Les conséquences sur l’alimentation : moins de sous-nutrition et des effets ambivalents pour la surnutrition. « Résultats ambivalents » également pour ce qui concerne la déforestation.
Scénario « Régionalisation »
Les villes de taille moyenne se développent et développent un réseau rural pour une émergence de systèmes alimentaires régionaux. Agriculture familiale et régimes traditionnels sont au rendez-vous. L’Inra et le Cirad concluent à des effets ambivalents de cette évolution pour ce qui concerne la nécessité d’étendre les terres agricoles. Ils envisagent en revanche une possible sécurité alimentaire mondiale et nutritionnelle mondiale.
Scénario de rupture « Régimes sains »
Une prise de conscience collective entraine une coopération mondiale réoriente les politiques publiques dans le sens d’un basculement radical vers des régimes alimentaires sains. Les systèmes agricoles sont reconfigurés et prennent en compte la lutte contre le changement climatique. « C’est le scénario le plus vertueux, reconnait Bertrand Schmitt. Le seul qui laisse envisager de ne pas avoir à étendre les surfaces agricoles au détriment de la forêt tout en réduisant les problèmes de sur et sous-nutrition. »
Scénario de rupture « Communautés »
Dans un contexte de crises récurrentes, les petites villes et communautés rurales se développement en se concentrant sur la gestion des biens agricoles communs afin d’assurer la sécurité alimentaire. Dans ce scénario, l’usage des terres évolue également vers un expansion des terres agricoles et les denrées alimentaires circulent moins, réduisant la disponibilité alimentaire globale.
« Il n’y a pas de voie tracée pour la sécurité alimentaire mondiale, conclut Bertrand Schmitt. Le défi complexe, avec de nombreuses questions interdépendantes, qui se chevauchent et recoupent les secteurs, les territoires et les acteurs. » Le travail de l’Inra et du Cirad vise toutefois à fournir de la matière à réflexion pour les décideurs politiques, les acteurs des filières et les chercheurs.