Port de la Pallice, incertitudes pour la campagne céréalière à venir
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Le 17 juin se tenait la Bourse Maritime agricole de la Rochelle. L’occasion, pour les deux intervenants clés de l’activité céréales sur le Port - Sica Atlantique et Soufflet Négoce - de faire le point sur la campagne passée et de se projeter sur la prochaine. Pour les mois à venir, deux inconnues de taille : le volume et la qualité de la récolte et l’évolution de la situation en Ukraine.
« Après une campagne 2020/21 morose, celle de 2021/22 devrait approcher, toutes céréales confondues, les 2,3 Mt exportées à fin juin pour la Sica Atlantique », confie Vincent Poudevigne, le directeur général de la structure à l’occasion de la Bourse Maritime agricole de la Rochelle le 17 juin. Sur ces volumes, le blé tendre pèse pour 60 %, le maïs pour 15 % et le blé dur pour 10 %. Principaux faits marquants : un calendrier d’expédition en tout début de campagne décalé à cause du retard des moissons puis la guerre en Ukraine qui a redessiné le flux des échanges internationaux.
En 2021/22, grand retour du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest
« Nous avons par exemple cessé d’exporter en Chine alors que certaines destinations, comme l’Afrique de l’Ouest (+ 43 %), l’Égypte, le Yémen, le Maroc ou l’Algérie sont revenues charger à la Pallice, poursuit-il. Autre point à souligner : le maïs, qui représentait moins de 5 % de nos volumes annuels a bondi à plus de 15 % du fait de l’absence des tonnages ukrainiens. La Belgique, l’Angleterre et les Pays-Bas se sont alors tournés vers la France et sa récolte de très belle qualité. »
Concurrence de l’Argentine en blé tendre
Chez Soufflet Négoce, la campagne 2021/22 devrait se terminer « à 1,8 Mt, un peu en dessous de nos objectifs, détaille Jean-François Lépy, directeur général. Le bilan est très bon pour l’orge fourragère et le maïs mais aurait pu être meilleur pour le blé. En cause, un manque de compétitivité de la récolte de l’hinterland et plus largement des volumes nationaux, face à l’Argentine notamment qui a connu une très belle récolte. Sur la deuxième moitié de la campagne, les achats se sont faits au compte-goutte, avec une quête de sources d’approvisionnement les moins chères possibles. »
Premiers échos de récolte
Difficile pour ces deux acteurs de se projeter sur la prochaine campagne. « Les équilibres mondiaux sont actuellement déstabilisés, dans un contexte inflationniste fort et où la logistique reste sous tension », explique Jean-François Lépy. « Les carnets de commande se remplissent sur juillet et août mais pas aussi vite qu’en 2021. Là, les acheteurs se positionnent au dernier moment dans un contexte de prix très volatile », constate Vincent Poudevigne. L’incertitude sur la qualité et la quantité de la récolte à venir pèse aussi sur les prises de décisions. « Nous tablons sur une baisse de 10 à 15 % du potentiel de récolte à l’échelle nationale, compte tenu des conditions climatiques de ces derniers mois », précise Jean-François Lépy. Dans la région, les récoltes ont débuté : les rendements sont plutôt corrects, sauf dans les petites terres. La qualité semble, en revanche, mise à mal, notamment en terme de calibrage pour les orges d’hiver.
Quel avenir pour les récoltes ukrainiennes ?
« En Ukraine, les semis ont finalement pu être réalisés à plus de 80 %, une réelle prouesse, souligne-t-il. La question est désormais de savoir comment cette récolte va pouvoir sortir du pays et toucher le marché mondial. Actuellement, l’export depuis l’Ukraine se fait par voie terrestre, au rythme de 1 à 1,5 Mt par mois, contre 7 Mt par voies maritimes, avant la guerre. 35 à 40 Mt de grains pourraient ainsi ne pas être commercialisés, entrainant des prix très élevés des cours et mettant à mal la sécurité alimentaire de nombreux pays, dont ceux d’Afrique subsaharienne, habitués à s’approvisionner en blé bon marché. Ces pays sont très alarmistes sur la situation actuelle. » Et Vincent Poudevigne d’ajouter : « si le programme européen Farm to Fork reste en l’état, nous allons droit dans le mur. »